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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Andrologie

L’histoire de l’andrologie témoigne de la construction médicale différenciée des corps reproducteurs. "Conseil de révision. / Toussez !", L'assiette au beurre, n°146, 16 janvier 1904.

L’histoire de l’andrologie témoigne de la construction médicale différenciée des corps reproducteurs. 

 

   L’andrologie est une branche médicale, chirurgicale et technique dédiée aux pathologies de l’appareil génital masculin et à l’étude de la fertilité, de la sexualité et de la contraception masculines. Elle s’appuie sur une conception binaire des sexes et est souvent considérée comme le pendant masculin de la gynécologie. Pourtant, si la gynécologie est constituée au XIXe siècle comme une spécialité, il faut attendre les années 1960-1970 pour voir apparaître les premières revues spécialisées et les premières organisations professionnelles d’andrologie. 

 

   L’émergence de la gynécologie comme une « science de la femme » (Ornella Moscucci, The Science of Woman. Gynaecology and Gender in England 1800-1929, 1990) s’inscrit dans un contexte historique qui valorise la maternité et qui attribue à la reproduction un rôle prépondérant dans le psychisme et la physiologie féminines. Au contraire, les corps masculins sont alors utilisés comme des « corps neutres » dans les recherches et les essais cliniques, à partir desquels sont produits les connaissances médicales ne portant pas sur la reproduction. 

 

   Pourtant, il y a eu des tentatives discontinues, dès la fin du XIXe siècle, de constituer une « science de la masculinité » équivalente à la gynécologie, en Europe, au Brésil et aux États-Unis, par des chirurgiens, urologues et sexologues. Étant d’abord compris comme un synonyme d’« anthropologie », le terme d’ « andrologie » est employé dès les années 1830 en Allemagne pour désigner les maladies des organes reproducteurs masculins. À la fin du XIXe siècle, alors que se constituent les premières chaires de gynécologie dans le monde occidental, il se répand comme l’équivalent masculin de la gynécologie.

 

   En 1891, l’Association américaine des chirurgiens génito-urinaire se transforme en Association américaine d’andrologie et de syphilologie, avant de renoncer au terme quelques années plus tard sous les railleries de la communauté médicale. Au Royaume-Uni et au Brésil, où des médecins tentent également de développer cette branche par le biais d’ouvrages et de revues scientifiques, le terme tombe en désuétude. La première chaire clinique d’andrologie ouverte pour le sexologue brésilien José de Albuquerque en 1936 à l’Universidade do Distrito Federal se solde par sa démission quelques années plus tard, en raison de pressions de l’Église catholique. Ces divers échecs s’expliquent par l’association des maladies masculines avec la sexualité illicite, par des enjeux de défenses d’intérêts professionnels avec des spécialités déjà établies, mais aussi par un régime de genre qui rend difficile de penser et d’investiguer ce qui est perçu comme une défaillance virile. Ainsi, les maladies masculines ne sont simplement pas vues comme définissant la masculinité. 

 

   Le développement des sciences de la reproduction dans les années 1950 donne une nouvelle impulsion aux revendications du développement de l’andrologie. En 1951, le gynécologue allemand Harold Siebke, spécialiste de l’infertilité conjugale, « réinvente » le terme d’andrologie qu’il considère comme une nouvelle branche spécialisée sur l’infertilité masculine. Le terme se répand au sein des réseaux internationaux et multidisciplinaires des sciences de la reproduction. Le dermatologue allemand Carl Schirren fonde la première revue Andrologia, qui deviendra l’organe officiel du Comité International d’andrologie fondé en 1969. Il faut attendre le début des années 1980 pour que soit fondée la Société d’andrologie de langue française. 

 

   Malgré ces développements, l’andrologie n’est toujours pas considérée comme une spécialité médicale ou chirurgicale. Elle ne bénéficie donc pas de la reconnaissance disciplinaire ni de la visibilité sociale dont bénéficie la gynécologie et ne peut donc pas être considérée comme son équivalent masculin. L’absence d’une forte institutionnalisation de l’andrologie explique en partie le peu de connaissances et l’offre médicale restreinte autour de la santé reproductive masculine aujourd’hui.

 

Cette notice a été écrite dans le cadre d’un séjour de recherche à l’Université de Linköping (Suède), financé par une bourse Doc.Mobility du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNS).

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Hymen- Speculum- Avortement- Césarienne

Camille Bajeux - Université de Genève

Références :

Rene Almeling, Gynecology. The Missing Science of Men’s Reproductive Health, University of California Press, 2020.

Carl Schirren, « Andrology – development and future. Critical remarks after 45 years of medical practice », Andrologia, n°28, 1996, p. 137-140. 

Pour citer cet article : Camille Bajeux, "Andrologie", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2021.

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