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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Loup-garou

Créature légendaire présente dans l’imaginaire occidental depuis l’Antiquité, le loup-garou illustre la présence des mythes populaires dans les domaines judiciaires et cliniques.Gravure d'une bête dévorant une jeune femme, Mansell Collection, Londres.

   Créature légendaire présente dans l’imaginaire occidental depuis l’Antiquité, le loup-garou illustre la présence des mythes populaires dans les domaines judiciaires et cliniques.

 

    Le lycanthrope, issu du grec lùkos (loup) et ànthrôpos (homme), aussi appelé « loup-garou », est une créature folklorique d’origine principalement européenne ayant l’apparence d’un loup anthropomorphe la nuit et se faisant passer pour un être humain le jour. La créature serait, selon les légendes, anthropophage et issue de malédictions ou de rituels magiques. Les croyances remontent au Ve siècle avant notre ère, pour se retrouver dans le domaine judiciaire dès le XVIe siècle. Le terme lycanthropie désigne, à partir du XIXe siècle, un symptôme psychiatrique clinique dans lequel l’individu est persuadé de se transformer en bête féroce. La liaison lycanthropie-folie s’est toutefois faite très tôt, d’abord liée à la mélancolie, puis à la manie. Même encore de nos jours, la littérature occidentale fait l’état de cas cliniques, mais aussi de faits divers intéressants.

 

    Le mythe remonterait au Ve siècle avant notre ère avec les textes d’Hérodote qui nous font part d’individus vivant près de la Mer Noire pouvant se transformer en loups au moyen de rituels. Virgile met aussi en scène un lycanthrope dans l’un de ses poèmes. Le cas le plus intéressant est le mythe de Lycaon d’Ovide, décrivant le roi éponyme ayant servi un enfant à Zeus, durant un banquet. Le dieu punit Lycaon en le transformant en loup. La métamorphose est décrite en détail et fait déjà un lien entre la transformation et l’anthropophagie.

 

    Le mythe d’Arétée de Cappadoce présente des hommes se sentant transformés en loup et pris d’appétits féroces, s’attaquant aux villages et au bétail. Ces lycanthropes sortiraient de préférence la nuit, hurlant à la mort près des cimetières. C’est ce mythe qui domine l’imaginaire chrétien durant l’époque médiévale, le lycanthrope étant considéré comme lié à Satan. Le terme « leu-garou » (loup garou), viendrait des écrits de Guillaume de Palerme au XIe siècle, dont l’un des romans met en scène un tel personnage. 

 

    Durant le XVIe siècle, apparaissent les procès de loup-garou, liés à la chasse aux sorcières en France. Les créatures sont mentionnées dans le Marteau des Sorcières mais leur supposée existence est parfois débattue. En 1603, le procès de Jean Grenier, qui se déguise en loup pour effrayer les jeunes filles de son village, est le premier grand procès dans lequel le lien entre lycanthropie et maladie mentale est reconnu dans le domaine juridique.

 

La lycanthropie comme cas clinique est étudiée durant le XIXe et XXe siècle bien que les premières descriptions cohérentes datent du Xe siècle avec les écrits d’Avicenne, reprises par Robert Burton en 1621. D’abord placée dans le spectre de la mélancolie par Avicenne, Burton intègre la lycanthropie parmi les manies et folies agitées. C’est cette classification qui est reprise par le Dr Franck en 1838, qui considère la lycanthropie comme une forme de manie hypocondriaque, dans laquelle les individus se voient persuadés de se transformer en loup. À partir des années 1850, les descriptions décrivant les cas cliniques rapprochent davantage la maladie du spectre de la psychose. Bénédict Morel publie un des premiers cas majeurs (1852) présentant un patient persuadé d’être un loup jusqu’à en adopter le comportement et mourir de malnutrition.  Jean-Claude Maleval classe plutôt la lycanthropie dans le spectre de l’hystérie en 1981. Aujourd’hui, le terme « lycanthropie clinique » ne désigne plus une maladie mentale en elle-même mais plutôt un symptôme clinique sous-jacent à une autre pathologie pouvant varier (telle la schizophrénie, la dépression, la bipolarité) et la consommation de psychotropes. 

 

    Avec les travaux d’Alexandre Lacassagne, on assiste, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, à l’implication des travaux psychiatriques dans le domaine judiciaire. À partir du XIXe siècle, la lycanthropie concerne des cas d’anthropophagie, considérés comme « des crimes d’autrefois ». Citons, par exemple, l’affaire Antoine Léger, très médiatisée en 1824. Maxime Du Camp, en 1872, avance l’hypothèse d’une crise de lycanthropie clinique chez l’homme, qui, reprise par la littérature criminelle, transfigure Antoine Léger, vu alors comme un loup anthropophage, dans une image qui n’est pas sans rappeler l’affiche représentant un bolchevik fou lors des élections de 1919. Il est intéressant de mentionner également les légendes urbaines qui continuent encore aujourd’hui d’alimenter les milieux ruraux, en particulier dans le sud de la France. 

 

    De nos jours, le loup-garou est une figure de l’imaginaire occidentale, au même titre que les monstres comme les vampires, par exemple. Cette présence est telle qu’on la retrouve même dans la littérature scientifique.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Lycanthropie - Buveurs de sang

Inès Chesnier - Le Mans Université

Références :

Alexandre Baratta, Luisa Weiner, « La lycanthropie : du mythe à la pathologie psychiatrique », L'information psychiatrique, vol. 85, n° 7, 2009, p. 675-679.

Marc Gozlan, « Lycanthropie : avoir la conviction délirante d’être un loup », Le Monde, 23 décembre 2019.

Pour citer cet article : Inès Chesnier, "Loup-garou", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHis, Le Mans Université, 2022. 

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