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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Ministère de la Santé

En 2020, le ministère des Solidarités et de la Santé a fêté ses 100 ans. Sa création remonte à la IIIe République, marquant l’apparition progressive de la notion de santé publique.Affiche de défense contre la tuberculose, Imprimerie Déchaux, 1934, BnF.

    En 2020, le ministère des Solidarités et de la Santé a fêté ses 100 ans. Sa création remonte à la IIIe République, marquant l’apparition progressive de la notion de santé publique.

 

    Des grands noms ont marqué ce ministère comme Simone Veil qui légalise l’IVG, Claude Evin réglementant en 1988 la publicité sur l’alcool et le tabac ou encore Bernard Kouchner, le fondateur de MSF.

 

    Cependant, le domaine de la santé n’occupe pas la même place dans notre société que dans celle du XIXe siècle. En effet, il faut attendre le 15 février 1902 pour qu’une loi de santé publique soit adoptée en France, imposant la création du bureau d’Hygiène pour la Protection de la Santé dans les villes. La santé publique n'a longtemps pas constitué un sujet de réflexion à part entière pour les élites.

 

    Avant la fondation d’un ministère de santé, ce domaine est en effet rattaché à l’Hygiène mais aussi à l’Agriculture, puis en 1902 au ministère de l’Intérieur. Cette complexité d’organisation est soulignée par René Martial, un médecin hygiéniste renommé qui sera ensuite contesté pour son approche racialiste et antisémite dans les années 1930. Il écrit dans La Charte française d’hygiène de 1925 : « Tous les ministères font de l’hygiène et le ministère de l’Hygiène fait le reste ». Durant la présidence du Conseil de Georges Clemenceau, entre 1906 et 1909, la santé est gérée par huit ministères. Le budget qui lui est consacré est alors minime. Ce n’est qu’en 1915 que le terme de santé apparaît dans un budget ministériel, celui de Justin Godard, sous-secrétaire d'État à la guerre. La création d’un ministère exclusivement dédié à la santé était pourtant réclamée de longue date, notamment  par Emile Littré, sénateur et député dénonçant l’avancée tardive de la France dans ce domaine.

 

    Un moment de bascule s’opère dans le contexte de sortie de la Première Guerre mondiale et de la grippe espagnole en 1918, événements qui poussent alors la France à prendre conscience de l’enjeu sociétal de la santé. La République française se réorganise avec la fondation en 1920 d’un secrétariat pour les Affaires de la santé. Par la suite, le 21 janvier 1920, un nouveau ministère est créé. J-L. Breton devient le ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance Sociale. Cet homme s’était auparavant illustré durant la guerre en tant que “père du char d’assaut” français et fut nommé sous-secrétaire aux inventions de 1916 à 1917. Il prend la suite de ce que Justin Godard avait entrepris, avec une dimension plus sociale néanmoins en raison du rattachement de la prévoyance sociale. Néanmoins, ce premier ministère, émanant du domaine militaire, questionne sur le professionnalisme de ses membres. A. Cavaillon, docteur en médecine, se montre hostile à certains d'entre eux. En effet, ce ministère est très hétéroclite et, paradoxalement, il compte peu de personnel médical. En 1920, sur les 8 inspecteurs généraux du ministère, seulement 3 peuvent être considérés comme de véritables médecins, les autres étant des personnels municipaux ou départementaux recrutés pour accomplir cette fonction. 

 

    Le 4 avril 1930, le domaine de la santé se détache de l’Hygiène et du Travail. La fondation du ministère de la Santé Publique est décidée en 1929 par Louis Loucheur, ancien ministre de la Prévoyance Sociale et du Travail, connu pour la loi sur les assurances sociales. La construction des bâtiments administratifs est décidée sur d’anciens terrains militaires du 7e arrondissement de Paris. Le lien entre le monde de la santé et le domaine militaire est une nouvelle fois visible. Guillaume Tronchet est l’architecte chargé de ce projet, qui répond au manque de place à l’Hôtel du Châtelet. Le nouveau lieu est marqué par son style art déco, avec des façades monumentales et une ossature en acier. Certains de ces éléments sont préfabriqués et livrés depuis les usines allemandes, au titre des dommages de guerre. Les artisans appelés sont des artistes de l’Exposition des Arts Décoratifs de 1925, comme les frères Martel, des maîtres verriers, Jacques Gruber pour les vitraux du ministère et un ferronnier, Georges Vinant. En 2002, une réhabilitation a eu lieu par les architectes Jérôme Brunet et Eric Saunier. 

 

    Ce nouveau ministère, incarné par l'émergence d'un lieu architectural monumental, a continué à évoluer en raison de fusions entre ministères. Par exemple, durant la Seconde Guerre mondiale, il est rattaché au ministère de la Famille. Puis en 1946, il est regroupé avec le ministère de la Population et récupère en 1956 les prérogatives de la Sécurité Sociale, auparavant attribuées au Travail. Enfin, il redevient indépendant sous la Ve République. La politique de santé publique a donc fortement évolué durant la période contemporaine. Aujourd'hui connu sous le nom de ministère des Solidarités et de la Santé, ses structures principales datent de 1969. Le ministère de la Santé, organe ministériel bien connu aujourd’hui, à donc mis du temps à s’imposer comme un domaine singulier.

 

Prolonger la lecture dans le dictionnaire : Associations de patients- Femmes médecins- Perchot Justin

Maxime Bruant - Le Mans Université

Références :

Lion Murard, Patrick Zylberman, « Mi-ignoré, mi-méprisé : le ministère de la santé publique, 1920-1945 », Les Tribunes de la santé, 2003/1 (no 1), p. 19-33. 

Lion Murard, Patrick Zylberman, L’hygiène dans la République : la santé publique en
France ou l’utopie contrariée : 1870-1918, Fayard, 1996.

Pour citer cet article : Maxime Bruant, "Ministère de la Santé", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2022.

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