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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Naturisme

Le naturisme est un combat pour une santé publique naturelle.Revue Naturisme, 1930.

Le naturisme est un combat pour une santé publique naturelle.

 

   En 2017, l’espace naturiste du Bois de Vincennes voit le jour à titre expérimental. Il est le fruit du vote au Conseil de Paris d’une proposition du groupe Ecologie les Verts quelques mois plus tôt. Lancé à l’été 2017, il est reconduit en 2018, puis 2019. Ces décisions témoignent de l’actualité des enjeux politiques, ici locaux, que sous-tend la pratique du naturisme, autrement dit une manière de vivre en harmonie avec la nature reposant sur la pratique de la nudité collective. A travers lui, c’est la liberté, l’ouverture d’esprit, les loisirs et bien sûr, la sensibilité à l’environnement naturel qui sont mis en avant par la Ville de Paris. En rester là serait cependant oublier l’enjeu primordial qui a rassemblé durant près de deux siècles les défenseurs du naturisme et suscité l’intérêt des hommes politiques à leur égard : celui de la santé publique. 

   

   L’invention en France du naturisme relève en effet du champ médical. S’en remettre à la nature, à la force curative de l’organisme en suivant ainsi les « sages » préceptes d’Hippocrate, voilà le socle de la médecine naturiste, qui se formalise dans le dernier tiers du Siècle des Lumières. Ses transformations successives - le naturisme devenant tour à tour thérapeutique, hygiène, mode de vie et loisirs - ne doivent pas cacher la permanence d’une préoccupation sanitaire, exprimée plus récemment à travers la notion de bien-être. 

 

   Cet intérêt est révélateur des peurs et des angoisses notamment corporelles, qui accompagnent les bouleversements propres à la modernité. Avec en particulier l’urbanisation, l’industrialisation, la crise écologique, la conviction d’une rupture consommée entre l’homme et la nature nourrit en effet les fantasmes de décadence, de dégénérescence de l’espèce humaine tant sur les plans physique que moral. Ce sentiment anime ainsi de plus en plus d’individus en quête de repères identitaires à un moment où, « accélération de l’histoire » oblige, les certitudes vacillent. Il catalyse la transformation du naturisme médical en mouvements de réforme de la vie, structurés, offensifs, prompts à faire pression sur les pouvoirs publics et les lobbies industriels (alcool, sucre, alimentation carnée, …). Ces mouvements plaident également en faveur d’une redéfinition des rapports sociaux. 

 

   Dans les pays germaniques lors du second XIXe siècle, puis en France au début du XXe siècle, cela se traduit par la création de centres naturistes, fédérés et dotés de terrains où s’organise un retour collectif à la nature fondé sur la pratique, plus ou moins dévêtue des bains d’eau, d’air et de lumière, sur l’exercice physique et une alimentation à dominante végétarienne. En parallèle, le naturisme se politise, s’infiltre dans les appareils et les programmes politiques, comme dans le cas du Parti social de la Santé Publique fondé en 1929 par J. Godard. 

 

   La croisade que mènent les naturistes contre « les fléaux sociaux » et pour l’eugénisme est aussi guidée par la quête d’une reconnaissance sociale et politique, d’une légitimité. Elle leur vaut d’ailleurs l’attention des pouvoirs publics, locaux comme nationaux. Les responsables des ministères de la Santé Publique, des Sports et de l’éducation physique, tout particulièrement des années 1920 aux années 1950, soutiennent certaines initiatives naturistes, inaugurent les installations sportives de grands centres. Le naturisme fait ainsi son chemin en politique comme au sein de l’école, à travers les leçons d’éducation physique, les cours d’hygiène ainsi que la formation des enseignants. Le champ sportif, mobilisé aussi par les politiques de santé, est une autre voie privilégiée de diffusion des thèses et des pratiques naturistes. L’agrément de la Fédération française de Naturisme, créée en 1950, est d’ailleurs obtenu en 1983 auprès du Ministère du temps libre de la jeunesse et des sports, témoignant ainsi d’un engagement sportif de longue date finalisé par l’accès à la santé du plus grand nombre. 

 

   L’évolution du naturisme témoigne enfin de la vive réaction des populations face à la confiscation de la médecine traditionnelle par le corps médical institué au profit d’une médecine savante. Elle illustre précisément les aspirations à une large démocratie sanitaire. Pour le cas de la médecine naturiste, cela se traduit au travers de ses médications, se défiant du médicament chimique et des vaccins, de ses professionnels, devenant extérieurs au corps médical, mais aussi d’un processus d’élaboration fondé sur la co-construction entre médecins et thérapeutes improvisés, entre médecins et malades. Reste que cette évolution la fait passer au cours du XXe siècle du champ de la médecine officielle à celui des médecines alternatives, parallèles. En avril 2017, fait nouveau et d’importance, la formation Conseiller en naturopathie - dernier avatar de la médecine naturiste - intègre le Répertoire National de la Certification Professionnelle. Cette décision vient ainsi re-légitimer la pratique professionnelle d’une médecine « naturelle ».

Sylvain Villaret - Le Mans Université - TEMOS CNRS 9016

Références :

Arnaud Baubérot, Histoire du naturisme. Le mythe du retour à la nature. Rennes, PUR, 2004.

Sylvain Villaret, Histoire du naturisme en France depuis le Siècle des Lumières, Paris, Vuibert, 2005.

Pour citer cet article : Sylvain Villaret, "Naturisle", dans Hervé Guillemain, DicoPolHiS, Le Mans Université, 2020.

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