Logo DicoPolHiS
DicoPolHiS

Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Péridurale

Le droit à la péridurale pour toutes est l’aboutissement de plusieurs années de revendications féministes.Charles Hawes Evans, Injection of anaesthetic solution, 1929

Le droit à la péridurale pour toutes est l’aboutissement de plusieurs années de revendications féministes.


   Le développement de la péridurale en France, vu pour beaucoup comme une victoire des femmes accédant à un droit fondamental, peut être considéré par d’autres comme une mainmise supplémentaire des médecins sur le corps de ces dernières.  

 

   Ce procédé d’anesthésie locale est en premier lieu découvert involontairement en 1885 par le neurologue new-yorkais James Leonard Corning qui injecte environ 2 ml de cocaïne dans le dos d’un patient qui, au bout de dix minutes, sent sa jambe endormie. La technique de la péridurale telle que nous la connaissons aujourd’hui existe depuis les années 1940 ; elle consiste à injecter le produit anesthésique entre deux vertèbres lombaires afin d’endormir la douleur des contractions ressenties par la mère tout en préservant les sensations de l’accouchement. De nos jours, elle est de mieux en mieux dosée pour que la parturiente puisse ressentir la naissance de son enfant. 

 

   Cependant, cette pratique n’a commencé à se répandre qu’à partir des années 1980 en France. Pourtant, l’idée de pouvoir accoucher sans douleur est déjà présente dans les esprits depuis bien plus longtemps. En effet, certaines théories développées par des médecins soviétiques dans les années 1950 sont apparues dans le but de permettre aux femmes d’échapper à la fatalité biblique du « Tu enfanteras dans la douleur ». Ces théories, fortement diffusées par le Parti communiste français, affirment que l’accouchement est un phénomène naturellement indolore et que la douleur ressentie au travers des contractions n’est qu’une mauvaise interprétation par le cerveau des signaux que l’utérus lui envoie. La méthode psychoprophylactique d’accouchement sans douleur est alors développée puis approuvée par le milieu catholique. Elle est en réalité une préparation à l’accouchement consistant à éduquer la femme afin qu’elle comprenne les phénomènes biologiques qui la concernent ainsi qu’à lui apprendre le bon comportement à avoir pendant l’accouchement. En clair, pour les partisans de ces théories, il suffit d’être correctement éduquée afin d’obtenir un accouchement sans douleur. Cette méthode est finalement dénoncée par les féministes comme une duperie à partir de la seconde moitié des années 1970 car, non seulement elle ne supprimait pas la douleur, mais elle faisait également croire à l’entourage des femmes enceintes que la douleur était inexistante. C’est à ce moment-là que l’anesthésie locale apparaît comme une bonne alternative. 

 

   L’accessibilité de la péridurale pour toutes les femmes n’est pourtant pas encore acquise. En effet, bien qu’aujourd’hui ce procédé paraisse courant et même indispensable pour de nombreuses femmes, la propagation de la péridurale a été lente ; elle est en réalité très récente. Il a fallu que des revendications féministes se mettent en place afin que les femmes obtiennent gain de cause. C’est l’implication de Simone Veil qui finit par payer après des années de revendication. En 1994, la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville étend le remboursement de la péridurale par la Sécurité sociale à toutes les femmes dans le cadre du « plan périnatalité » 1993-2000. Par conséquent, au début des années 1990, la moitié des femmes accouchent sous péridurale en France. Dans le même temps, une autre tendance féministe se développe et insiste davantage sur le droit des femmes à disposer de leur corps. Depuis plusieurs années, la médicalisation des accouchements n’a fait qu’augmenter l’influence et l’intervention des médecins en matière obstétricale. Les femmes revendiquent alors le droit de pouvoir prendre part aux décisions les concernant et concernant leur accouchement. C’est pourquoi les revendications féministes insistent également sur l’idée que les femmes doivent avoir le choix. Dans ce contexte, la loi mise en place par Simone Veil va dans ce sens puisque la péridurale est entièrement remboursée aux femmes qui la désirent et n’est en aucun cas imposée.  

 

   Le taux de Françaises ayant recours à la péridurale passe alors de 5% en 1987 à près de 50% en 1995, ce taux atteint finalement les 70% en 2010. La lente propagation de cette technique est notamment due au manque d’anesthésistes en maternité. Cependant, certains professionnels de la santé, étant toujours adeptes de l’approche psychoprophylactique de la douleur dans les années 1990, ont également pu contribuer à freiner l’avancement de cette anesthésie. De plus, les femmes encore mal renseignées ont, pour certaines, eu des inquiétudes concernant les conséquences possibles de la péridurale. Ainsi, beaucoup craignent la paralysie, mais également un grand nombre d’interventions médicales supplémentaires causées par cette dernière comme le recours aux forceps, l’épisiotomie ou encore la césarienne. Ces craintes s’estompant avec le temps, la péridurale est considérée comme ayant une vertu émancipatrice et est aujourd’hui encore perçue comme un droit fondamental pour les femmes au même titre que la contraception ou l’avortement. 

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Placenta - Césarienne - Avortement

Maëva Girard - Le Mans Université

Références :

Madeleine Akrich, « La péridurale, un choix douloureux », De la contraception à l'enfantement. L'offre technologique en question, Cahiers du Genre, 1999, n° 25, p. 17-48. 

Marilène Vuille, « L’invention de l’accouchement sans douleur, France 1950-1980 », Travail, genre et sociétés, 2015, vol. 34, no. 2, p. 39-56. 

 

Pour citer cet article : Maëva GIRARD, "Péridurale", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2021.




Partagez :