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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Spiritisme

Le spiritisme, croyance en l’après-vie, fut aussi, et reste, un recours thérapeutique.Spirit photograph, William Hope, deb. 20e siècle, Public domain.Le spiritisme, croyance en l’après-vie, fut aussi, et reste, un recours thérapeutique.

Préparé par l'illuminisme, le magnétisme et le romantisme, le spiritisme est né en 1848 aux États-Unis. En 1854, les spirites comptaient déjà en Amérique plus de trois millions de fidèles. Leur prosélytisme l’exporta à l'étranger, en Angleterre d’abord, puis, en 1853 en France.

C’est là qu’Hippolyte-Léon Rivail (1804- 1869), qui se nomma par la suite Allan Kardec, lui donna une nouvelle impulsion. Sous la dictée des Esprits, il rédigea les bases de ce qui allait devenir une véritable religion. Si la croyance en l'existence des Esprits est, selon lui, le fondement du spiritisme, cette certitude repose sur une définition de l'Homme constitué de trois enveloppes au devenir distinct : l'âme, partie immortelle ; le corps physique, partie périssable et le périsprit ou corps astral ou encore corps éthérique, partie intermédiaire entre les deux autres et portion du fluide vital universel. Au moment de la mort, l’âme, enveloppée du périsprit qui garde une forme humaine, devient un Esprit qui lui permet de connaître la destinée de l'Homme. L’âme erre d'abord à la recherche d’une incarnation salutaire, errance faite d’épreuves afin d'élever l'Esprit et de concourir à l'harmonie universelle.

L'édifice spirite comporte une morale faite de dix lois, très proche de la morale chrétienne et de l'esprit révolutionnaire dont le spiritisme est un rejeton. Le personnage principal du spiritisme est le médium, producteur des faits spirites à la base de la croyance. Il n'y a pas qu'un seul type de médiumnité, mais des variétés ayant des capacités bien déterminées. Ainsi il existe les médiums à dédoublement et ceux à "aura", bipartition qui recouvre des spécialisations très précises, allant des médiums à effets physiques aux médiums sensitifs, auditifs, parlants, voyants, guérisseurs, écrivains ou employant un mode de communication singulier (musique, poésie). Ces facultés correspondent au mode d'intervention de l'Esprit auprès d'eux et à la manière qu'il a de s'exprimer.

Le spiritisme se lia d'une part au mouvement occultiste de la fin du XIXe siècle et d'autre part à l'essor de mouvements sociaux avec une dimension de critique sociale. Il a ainsi participé au socialisme utopique d'un Fourier et d'un Saint-Simon, bien que certains courants spirites estimaient que c'était au spiritisme seul de remédier aux inégalités sociales. Ainsi à la croyance en la métempsychose concourant à la régénération humaine se joignait l'idée d'égalité des droits entre les Hommes et plus particulièrement l'égalité entre l'homme et la femme.

C'est après la Seconde Guerre Mondiale que le spiritisme perdit de son influence. En France, des études sociologiques récentes nous montrent néanmoins que si la croyance au dogme du spiritisme n'est pas très répandue, il reste encore un pourcentage significatif de personnes croyant aux tables tournantes et aux fantômes. C'est au Brésil qu'il est aujourd'hui encore le plus vivace et représente un véritable phénomène social.

Dès sa création, le spiritisme revendiqua une dimension thérapeutique. Avec ses médiums guérisseurs, ses cures spirites, il pensait pouvoir apporter une aide aux aliénés et se posait comme un recours moral pour ceux frappés par la mort de proches. Cette dimension thérapeutique était contestée : ainsi, de nombreux psychiatres considéraient les pratiques spirites comme un fléau responsable de nombreux internements. Plusieurs entités nosographiques ont été conçues au tournant du XXe siècle pour rendre compte de cette psychopathologie spécifique. Toutefois, l’apport thérapeutique du spiritisme fait aujourd’hui l’objet d’une réévaluation. Dans le contexte culturel du Brésil, certains hôpitaux psychiatriques proposent ouvertement des pratiques complémentaires spirites dont les bénéfices sont en cours d’évaluation.

Le spiritisme est également moteur d’un changement de paradigme dans la clinique du deuil. Le modèle traditionnel basé sur l’acceptation de la séparation et l’intégration de la perte est contesté, au profit d’un modèle basé sur la continuation des liens par-delà la mort du corps. Celui-ci se base sur la prévalence élevée dans la population tout-venant des expériences de contact avec les défunts, en particulier lors de la première année de deuil, et sur les effets généralement salutaires de telles expériences. Il invite à développer des dispositifs facilitant ces vécus, par le psychomantéion (espace contenant d’évocation des morts), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) ou l’emploi de médiums certifiés.

Pascal Le Malefan (Université de Rouen) - Renaud Evrard (Université de Lorraine - Laboratoire interpsy)

Références :

Julie Beischel, Spontaneous, facilitated, assisted, and requested after-death communication experiences andtheir impact on grief. Threshold, 2019, 3(1), p.1–32.

Pascal Le Maléfan, Folie et spiritisme Histoire du discours psychopathologique sur la pratique du spiritisme, ses abords et ses avatars. 1850-1950, Paris, L’Harmattan, 1999.

Pour citer cet article : Pascal Le Maléfan et Renaud Evrard, "Spiritisme", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans université, 2020.

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