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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Cercueil

Le cercueil est utilisé dans le monde occidental depuis l’Antiquité. Son usage s'est progressivement répandu puis ancré dans nos sociétés en raison de son rôle hygiéniste et de sa dimension morale."Cérémonie devant le cercueil", Muller Emile (1912-1996), vers 1950, Ministère de la Culture, Charenton-le-Pont, Médiathèque du patrimoine et de la photographie.

    Le cercueil est utilisé dans le monde occidental depuis l’Antiquité. Son usage s'est progressivement répandu puis ancré dans nos sociétés en raison de son rôle hygiéniste et de sa dimension morale. 

 

     L’emploi du cercueil est une pratique funéraire ancienne qui consiste à placer le corps du défunt dans cet objet avant qu’il soit inhumé dans une tombe. Elle est présente dès l’Antiquité avec l’emploi des sarcophages souvent en pierre calcaire (vers 3000 avant notre ère). Alors que les Romains l’utilisaient pour favoriser une décomposition rapide des tissus, le sarcophage était pour les Égyptiens un moyen de conserver plus longtemps la dépouille (grâce à l’embaumement). Le cercueil s’est ainsi progressivement enraciné dans les rites funéraires. En effet, l’invention du clou au Moyen Âge a permis la fabrication du cercueil avec des planches en bois. Mais ce dernier servait principalement comme moyen de transport du corps : le défunt n’était généralement pas enterré avec, la majorité de la population était enveloppée dans un simple linceul avant d’être enterrée dans une fosse commune. Peu de changements sont perceptibles à l’époque moderne : le cercueil est toujours principalement employé pour déplacer le défunt entre son lieu de décès, le lieu de culte et son lieu d’inhumation. Néanmoins, certains d’entre eux disposaient d’une trappe afin de faire glisser le corps dans la fosse.

  

    L’utilisation du cercueil s’est lentement démocratisée à l’époque contemporaine en raison des changements qui marquent la relation des sociétés avec la mort. Les cercueils se sont généralisés dans un premier temps dans les grandes villes avant de s’étendre dans un deuxième temps à la population en général. Ils participent d’une nouvelle culture morale dans laquelle l’aspect sentimental envers le défunt est primordial. S’apparentant à la dernière maison du défunt, cela entraîne une volonté particulière d’esthétique et de confort à l’intérieur de l’objet qui ressemble de plus en plus à un lit. Au XIXe siècle, si cette mort « esthétisée » s’est progressivement mise en place, une hiérarchie sociale subsiste même après la mort. Certains cercueils sont plus ou moins chers. Ceux fabriqués en bois d’ébène, d’acajou ou encore de chêne sont les plus coûteux, ils ont la possibilité d’être ornés et décorés et seule une branche aisée de la population peut se les offrir.

 

    Par ailleurs, une évolution des exigences sanitaires a favorisé la généralisation du cercueil. Les odeurs méphitiques dégagées par les corps en décomposition ainsi que la crainte que ces corps ne soient une source de maladies étaient des inquiétudes courantes à l’époque. Les cercueils scellés sont plus fréquents, permettant ainsi une décomposition du corps dans ce contenant et évitant une potentielle propagation de maladie. Cette généralisation a été étendue à la France entière avec l’adoption de la loi de 1801 stipulant l’obligation d’être enterré dans un cercueil, loi renforcée par le décret du 12 juin 1804 qui a individualisé la mort avec l’obligation d’être enterré dans un linceul, un cercueil et une tombe individuelle.

 

    L’évolution des techniques médicales jouent également un rôle dans la transformation de la forme de l’objet. En effet, la peur répandue des inhumations précipitées accroît le rôle des médecins vérificateurs de la mort. Afin d’éviter ces incidents, des modifications ont été apportées au cercueil : une corde était placée autour des doigts de l’individu que ce dernier pouvait tirer, déclenchant ainsi une sonnette à l’extérieur. Ce dernier est connu sous le nom de « cercueil de sauvetage ». Des brevets d’invention ont également été déposés dans les années 1830, proposant l’installation d’une lucarne au niveau du visage du défunt. Citons également l’existence du cercueil en verre, permettant de voir l’intégralité du corps. Le cercueil peut aussi prendre des formes diversifiées : accessoires métalliques tels que des poignées au début du XXe siècle ou encore ajout de croix.

 

    La question du matériau du cercueil reste d’actualité. De nombreuses personnes souhaitent bénéficier d’un cercueil en carton et non en bois dans un souci d’économie (le cercueil traditionnel coûte plus cher) et de respect des ressources de l’environnement. Néanmoins les demandes sociales n’interrompent pas son histoire : celui-ci reste une obligation légale.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Photographier le cadavre - Embaumement - Enlèvements de cadavres

Clara Smith - Le Mans Université

Références :

Bruno Bertherat, Christian Chevandier, Paris dernier voyage : histoire des pompes funèbres (XIXe-XXe siècles), La Découverte, Paris, 2008, p. 93-115.

Madeleine Lassère, Villes et cimetières en France de l'Ancien régime à nos jours : le territoire des morts, Collection Chemins de la mémoire, Paris, 1997.

Pour citer cet article : Clara Smith, "Cercueil", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2023.

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