Logo DicoPolHiS
DicoPolHiS

Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Céroplastie

La production céroplastique (de kêros, cire, et plastos, modelé, moulé, formé) est une forme artistique dédiée à l’illustration du corps et des pathologies dont l’histoire permet de comprendre l’évolution du savoir médical.Nathalie Latour, L'Ange anatomique, céroplastie, technique du XVIIIème siècle, 2022.

La production céroplastique (de kêros, cire, et plastos, modelé, moulé, formé) est une forme artistique dédiée à l’illustration du corps et des pathologies dont l’histoire permet de comprendre l’évolution du savoir médical. 

 

   La publication de La fabrique du corps humain d’André Vésale (1514-1564)  en 1543 met le corps humain en avant et en fait officiellement l’objet d’étude de référence. La Renaissance connaît alors un intérêt croissant pour les sciences anatomiques, intérêt qui touche tant les médecins que les artistes. Cependant, le développement des connaissances anatomiques est confronté aux difficultés liées à l’approvisionnement et à la conservation des corps mis à la disposition des universités médicales. Afin de répondre à cette carence, les fonds médicaux ont recours à des préparations dites naturelles (injections-dessiccations ou préparations en fluide) ou artificielles afin de servir de support d’enseignement. Les diverses matières employées pour les préparations artificielles (ivoire, papier mâché, cire,  plâtre etc. …) présentent alors l’avantage d’être pérennes et reproductibles. De tous ces médiums, la cire, de par sa  grande capacité de réalisme, domine la production de modèles didactiques artificiels pendant près de trois siècles. 

 

   Cette longue et étroite collaboration entre artistes et chercheurs illustre l’évolution du savoir médical qui peut être retracée en trois étapes qui mettent en valeur trois grands pôles de recherche.

 

   La céroplastie médicale se développe intensément en Italie au XVIIIe siècle et est principalement employée pour représenter les modèles d’anatomie normale. Souvent tridimensionnels, inspirés des codes artistiques, les modèles présentent une forme idéalisée du corps. L’esthétique côtoie alors le savoir médical pour illustrer les connaissances anatomiques. Présentés dans des cabinets ou musées privés, ces objets de contemplation sont généralement réservés à une élite sociale. 

 

   L’anatomie étant maîtrisée, les connaissances médicales ne cessent de se développer pour évoluer vers des aspects plus spécifiques. C’est ainsi que la céroplastie médicale se développe grandement en France au XIXe siècle pour illustrer des cas de pathologie, de tératologie, de dermatologie et de vénérologie. Les modèles ne sont alors plus l’illustration d’une anatomie sublimée, mais une représentation des manifestations pathologiques. Du corps idéalisé, la cire évolue vers une représentation du corps malade. Ces modèles deviennent alors un véritable support d’enseignement presque exclusivement réservé aux spécialistes. 

 

   L’enseignement dermatologique et vénérologique  connaît un essor important dès la fin du XIXe siècle, suite au premier Congrès de dermatologie et de syphilologie, qui se tient à l’hôpital Saint-Louis en 1889. Le moulage, forme évolutive de la céroplastie, se développe alors principalement en Autriche et en Allemagne pour illustrer les nouvelles grandes questions médicales du moment. Ces modèles, de taille réduite, sont une empreinte de la peau faite sur le patient. Contrairement aux modèles céroplastiques qui sont teintés dans la masse, les gammes chromatiques sont peintes ultérieurement en observant le cas clinique. Les modèles s’apparentent alors au bas-relief et le sujet disparaît totalement sous la pathologie. 

 

   La céroplastie et, par extension, le moulage, ont accompagné et soutenu le développement des connaissances médicales durant près de trois siècles. Progressivement taxés d’obsolescence, ces modèles didactiques quittent le milieu de la recherche pour retrouver celui des musées. L’avenir des collections médicales étant ponctuellement remis en question, le statut des modèles céroplastiques demeure également incertain. Cependant, cette riche production qui a illustré l’évolution des connaissances médicales devrait être reconsidérée pour son importance historique. De plus, ces représentations, nées de l’étroite collaboration entre artistes et chercheurs, mériteraient d’être revalorisées  pour leurs qualités artistiques. Enfin, dans un contexte de résurgence de maladies qui semblaient éradiquées dans le monde occidental, ces modèles illustrant une grande variété de cas cliniques devraient à présent être réévaluées pour leur intérêt pédagogique.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Embaumement - Photographier le cadavre

 

Nathalie Latour - Céroplasticienne

Références

Michel LEMIRE, Artistes et mortels, Chabaud, 1990. 

Julie CHEMINAUD et Claire CRIGNON (dir), Dupuytren ou le musée des maladies ; Sorbonne Université Presses, 2023. 

 

Pour citer cet article : Nathalie Latour, « Céroplastie », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2023. 

Partagez :