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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Chirurgie réparatrice

L’être humain accorde une grande importance à son apparence. Que ce soit dans ses rapports avec ses pairs, ou à travers son miroir, l’Homme cherche à correspondre à des standards de beauté qu’il s’impose à lui-même, ou que la société lui suggère.Clichés avant et après la chirurgie reconstructrice du soldat Odon de Viguerie, victime d'une blessure causée par un éclat d'obus pendant la Première Guerre mondiale.
   L’être humain accorde une grande importance à son apparence. Que ce soit dans ses rapports avec ses pairs, ou à travers son miroir, l’Homme cherche à correspondre à des standards de beauté qu’il s’impose à lui-même, ou que la société lui suggère.

 

   Après deux guerres mondiales, les soldats défigurés par les combats se lancent dans une nouvelle bataille : retrouver une apparence naturelle. Les blessures marquent les corps, et les « Gueules Cassées » font face au besoin de se réintégrer dans la société malgré des visages affectés, ou des blessures invalidantes. C’est dans ce cadre que la chirurgie réparatrice évolue et s’améliore à mesure que les médecins pratiquent. Plusieurs médecins se démarquent, parmi lesquels un manceau, Henri Delagenière

   Dès le XIXe siècle, des ouvrages scientifiques liés à la chirurgie plastique apparaissent, avec notamment Rhinoplastique (1818) ou les articles du chirurgien Johann Friedrich Dieffenbach. Au fil des décennies, ces pratiques sont détournées afin de répondre au besoin du grand public de s’approprier son corps et de répondre aux standards de beauté de la société. Dès les années 1960, les premiers implants mammaires sont faits, en 1970 ce sont les « liftings » qui apparaissent et enfin, à partir des années 1980, des premières liposuccions. Aujourd’hui, la chirurgie esthétique répond à la fois au besoin de certains de modifier leur apparence pour « corriger » un complexe, mais aussi à d’autres de transformer leur corps pour se rapprocher de leur idéal de beauté.

 

   Dans le cadre de l’institutionnalisation de ces nouvelles pratiques chirurgicales, deux camps s’opposent. Au début des années 1920, les chirurgiens plastiques considèrent les actes de chirurgie esthétique comme inutiles, superficiels et ridicules. Dans un contexte de création de sociétés savantes, l’affaire Dujarier-Geoffre vient renforcer cette critique de la dimension esthétique des pratiques chirurgicales.  En effet, l’échec de l’opération d’affinement des jambes de la modèle Suzanne Geoffre par Charles Dujarier devient l’exemple qui justifie le refus des demandes d’opérations médicalement non-nécessaires. A la suite de l’opération, Madame Geoffre souffre d’une infection due à une erreur lors de l’intervention chirurgicale, et doit être amputée. Si les chirurgiens sont de plus en plus doués pour réparer, il leur est encore difficile de trouver des méthodes efficaces pour modifier des corps sains sans porter atteinte à la santé du patient. Pour autant, la demande justifie l’évolution de la discipline, et les pratiques esthétiques perdurent. Plusieurs chirurgiens pratiquent régulièrement, à l’image de Raymond Passot qui est spécialisé dans le lifting facial.

 

   Jusque dans les années 2000, la chirurgie esthétique est mal vue et considérée comme superficielle. Cependant, avec le développement de la culture de l’image, à travers la télévision puis les réseaux sociaux, la tendance s’inverse. Que ce soit dans la culture occidentale, mais aussi asiatique, la modification corporelle par la chirurgie esthétique devient omniprésente sur nos écrans. Le sujet, bien que principalement associé à l’image de la femme, concerne tous les genres. Rajeunir, mincir, retrouver une chevelure garnie, les pratiques chirurgicales répondent désormais à tous les besoins, et à toutes les demandes. Certains pays investissent même dans le développement d’une spécialité chirurgicale afin d’être les premiers à maîtriser des pratiques spécifiques, et à les proposer au grand public. La Turquie est encore aujourd’hui considérée comme le pays des implants capillaires, tandis que la polyvalence des techniques coréennes est reconnue tout autour du globe. Aujourd’hui, la chirurgie esthétique est une branche de l’Académie Nationale de Chirurgie, au même titre que la chirurgie réparatrice, et peut être étudiée dans des écoles dédiées à la pratique.

 

   La chirurgie réparatrice continue également son développement, avec des solutions toujours plus innovantes pour soigner les blessés et malades. L’amélioration des techniques de greffes, notamment de la peau et du visage, permettent désormais de rendre aux patients une apparence la plus naturelle possible. On peut également citer les améliorations liées à l’utilisation de nouveaux matériaux, avec par exemple l’usage de peau de tilapia, un poisson d’eau douce africain, comme bandage pour soigner les grands brûlés. En effet, la grande quantité de collagène de type 1 et 3 présents dans la peau du tilapia propose une solution très efficace dans la cicatrisation de la peau. Une innovation qui prouve encore une fois que les techniques médicales sont en constante évolution.

 

   De nos jours, le débat est toujours présent dans la sphère sociale, mais bien moins vif parmi les médecins. Si dans le cadre de réparation les pratiques sont saluées, certaines interventions d’ordre esthétique sont décriées. Uniformisation des corps, transformations extravagantes, plusieurs critiques émergent face à la normalisation de ces procédures qui « dénaturalisent le corps humain ». 

 

   Finalement, chirurgie réparatrice ou esthétique, l’important est simplement de permettre à tout un chacun de se sentir bien, d’obtenir une apparence qui correspond à ses standards de beauté.


Prolonger la lecture sur le dictionnaire: ChirurgienGueules cassées - Delagenière Henri

Nicolas Thieffry - Le Mans Université

Références :

Sydney Ohana, Histoire de la chirurgie esthétique : de l'Antiquité à nos jours, Flammarion, Paris, 2006.

Guy Jost, « Histoire de la chirurgie plastique », in Les cahiers de médiologie, n°15, 2003, p.79-88.

Pour citer cet article : Nicolas Thieffry, "Chirurgie réparatrice", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024. 

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