Logo DicoPolHiS
DicoPolHiS

Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Baquet de Mesmer

Le baquet de Mesmer fut, dès son apparition et dans sa postérité, tiraillé entre fascination pour le magnétisme et accusation de charlatanisme.Claude-Louis Desrais (1746-1816), Mesmeric Therapy, v. 1778-1784, huile sur toile, 60.5 cm x 76.2 cm, Musée d’arts de Nantes. © Wellcome Collection

   Le baquet de Mesmer fut, dès son apparition et dans sa postérité, tiraillé entre fascination pour le magnétisme et accusation de charlatanisme.

 

   Le baquet de Mesmer est un outil de guérison par magnétisme dans le cadre d’une thérapie collective, introduit en 1780 par l’inventeur et docteur viennois Franz-Anton Mesmer. Il tente de faire reconnaître cette discipline comme une science mais celle-ci est vite perçue comme une pseudo-science et apparentée au charlatanisme.

 

   Les ressorts de la guérison par son baquet reposent sur les principes qu’il a théorisés dans son Mémoire sur la découverte du magnétisme animal, publié en 1779. Selon lui, il existerait un fluide physique présent dans l’univers, intermédiaire entre les hommes, la terre et le monde céleste, tous ainsi interconnectés par un lien similaire à celui reliant deux objets aimantés. Un déséquilibre de ce fluide, provoquant la maladie, peut être résolu par les techniques de « passes mesmériennes » qui permettent au magnétiseur de canaliser et de transmettre ce fluide dans les corps. La guérison est caractérisée par un état de transe causé par les crises magnétiques de ces déplacements d’énergie. Ces idées sont en adéquation avec les intérêts scientifiques de l’époque pour Newton et le mouvement des planètes. 

 

   La cure par le baquet de Mesmer suit le dispositif suivant : assis autour d’une caisse en bois, les patients sont reliés entre eux par des cordes pour faire circuler le fluide. La caisse est remplie d’eau magnétisée, par un mélange de limaille de fer et de verre pilé, et percée de trous laissant dépasser des tiges en métal. Elles sont mises en contact avec les parties malades des corps des patients pour guérir de manière locale des affections. Ces dernières sont perçues comme résultant d’un excès ou d’un manque de fluide qui entraîne un déséquilibre généralisé à corriger . 

 

   L’atmosphère du lieu et la théâtralisation participent aussi à l’efficacité de l’expérience et la reconnaissance du don du magnétiseur. À demi-plongés dans l’obscurité, avec une ambiance musicale et des jeux de miroirs aux murs, les patients sont sous la présidence de Mesmer en habit clinquant qui, muni d’un bâton aimanté, les touche et suscite leur ferveur. Les femmes, notamment, étaient atteintes de crises se manifestant par des convulsions, des cris perçants et des éclats de rire que Mesmer qualifiait de bénéfiques et curatifs.

 

   Mesmer opte rapidement pour des thérapies de groupe qui auraient non seulement pour le patient l’avantage de décupler leur efficacité mais aussi de pouvoir prendre en charge plus de malades. Il innove alors dans la relation magnétiseur-magnétisé qui était habituellement individuelle. Disposant de quatre exemplaires du baquet, ses séances pouvaient réunir trente personnes à raison de 300 louis d’or la participation. L’usage du baquet répond également au besoin de Mesmer de matérialiser et de mettre en scène ses traitements. Il en minore néanmoins l’importance afin de ne pas faire reposer son autorité médicale sur un objet qui pourrait être détourné de son usage.

 

   Mesmer parvient à se constituer un cercle de clients fidèles et influents issus de la bourgeoisie parisienne et de la cour du roi, tels que La Fayette, le banquier Kornmann ou la reine Marie-Antoinette. L’ampleur du phénomène pousse les plus grandes institutions scientifiques à se pencher sur la véracité scientifique du magnétisme animal et sur son fonctionnement. Une enquête royale est ouverte en 1784 par Louis XVI. La commission composée de grands scientifiques tels que Lavoisier, Franklin ou Bailly, rédige un rapport qui sonne la fin de Mesmer à Paris. D’après leurs observations, il n’y a aucune preuve scientifique de l’existence de ce fluide imperceptible, qui n’est que le fruit de l’imagination des clients. Ce rapport conduit à une meilleure distinction entre science et pseudo-science et à l’interdiction du mesmérisme à Paris pour protéger les mœurs. Pour autant il ne remet pas en question la valeur thérapeutique de l’imagination en reconnaissant l’intérêt du mesmérisme, ancêtre de l’hypnose au XVIIIe siècle. À une époque où les traitements pouvaient être toxiques et dangereux, notamment ceux qui utilisent l’électricité, Mesmer avait trouvé une méthode inoffensive de guérison reposant sur la modification d’un état mental par la suggestion qui a des conséquences sur le corps lui-même.

 

   La guérison par magnétisme a été déclinée par la suite en alternatives accessibles à une population moins aisée comme l’arbre de Buzancy dans le domaine de Puységur, disciple de Mesmer. Aujourd’hui, le magnétisme est toujours controversé mais reste pratiqué. Bien que les théories de Mesmer sur le fluide universel soient rapidement abandonnées, nous retrouvons leur héritage dans l’hypnose et la psychanalyse freudienne.

 

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Musique et douleur, Hypnose musicale,Charlatan



Faustine Bidault - Le Mans Université

Références : 

Bruno Bellhoste, Nicole Edelman (dir.), Mesmer et mesmérismes : le magnétisme animal en contexte, Montreuil, Omniscience, coll. « Histoire des savoirs », 2015.

René Roussillon, Du baquet de Mesmer au « baquet » de S. Freud : une archéologie du cadre et de la pratique psychanalytiques, Paris, Presses universitaires de France, 1992.

 

Pour citer cet article : Faustine Bidault,  « Baquet de Mesmer », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2023.



Partagez :