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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Impuissance masculine

Dès le XIXe siècle l’impuissance masculine est l’objet de questionnements médicaux toujours emprunts de considérations sociales.Publicité pour la Viriline, Le Rire, 2 mars 1907. Gallica.

   Dès le XIXe siècle l’impuissance masculine est l’objet de questionnements médicaux toujours emprunts de considérations sociales. 

 

    L’impuissance masculine se définit comme l’incapacité, chez un homme, de pouvoir entreprendre un rapport sexuel. On différencie deux causes principales à cette impuissance : la cause physique, et la cause psychologique. Dans le second cas, l’inaptitude à pratiquer le coït est expliquée par de nombreux facteurs moraux, différents en fonction des individus : l'anxiété liée à la  performance sexuelle, la dépression, les problèmes relationnels, … Cette impuissance est un problème ancien : dans l’Antiquité, Hippocrate se livre déjà à des descriptions de cas d’impuissance. Toutefois, le XIXe siècle constitue un tournant concernant son étude. Jusque là, peu de médecins s’y intéressent, et c’est surtout à partir du milieu du siècle qu’émerge une nouvelle manière d’envisager l’impuissance, à partir notamment des travaux menés en anatomie et en physiologie. Cette évolution se concrétise avec la publication en 1855 du médecin français Félix Roubaud : Traité de l’impuissance et de la stérilité : chez l’homme et chez la femme.

 

    C’est aussi au cours de cette période que la dimension psychologique de l’impuissance commence à être envisagée. Si les causes physiques et mécaniques de l’impuissance ne sont pas négligées, les médecins du XIXe siècle considèrent qu’elles dépendent plutôt de l’expertise des chirurgiens dont les observations se concentrent sur l’occlusion veineuse au niveau de l’appareil génital. L’impuissance morale éveille donc plus d’intérêts hors de ces cercles spécialisés. Pour les médecins, elle est toutefois compliquée, voire impossible à comprendre. Les hypothèses les plus variées sont avancées, une masturbation trop fréquente priverait les organes génitaux de la force nécessaire au coït par exemple. Mais paradoxalement, un coït trop rare est aussi vu comme un facteur d’impuissance, car on estime qu’en utilisant peu l’organe masculin, on réduit ses capacités en somme. 

 

   Mais alors, dans cette obscurité théorique, quels sont les remèdes envisagés par les médecins pour soigner l’impuissance ? Les patients se voient par exemple prescrire une alimentation riche à base de viandes rouges et de vin. On recommande aux patients une vie dans la quiétude, ponctuée de séjours à la campagne et de pratiques d’exercices modérés, tels que les promenades à cheval. La durée des rapports sexuels apparaît aussi comme un aspect à maîtriser : ils ne doivent être ni trop longs, ni trop courts. Jean Alexis Belliol, médecin français, prescrit un espacement minimum de trois jours. On peut se demander à qui s’adressent ces prescriptions. En dehors des restrictions coïtales, ces mesures ne semblent en effet applicables que pour des populations aisées : la lutte contre l’impuissance ne serait-elle qu’une considération bourgeoise ? 

 

    Cet état des lieux médical de l’impuissance masculine effectué, il doit désormais être doublé d’une étude menée sous l’angle social, d’autant plus au XIXe siècle, qui est témoin de mutations notables concernant la virilité et sa représentation. Son début est marqué par les guerres napoléoniennes, qui engagent massivement les hommes. Et lorsque ces conflits prennent fin, les hommes doivent affirmer leur virilité autrement que par la guerre et ses valeurs d’héroïsme. Face à ce souci d’affirmation de la virilité masculine, la capacité de satisfaire sexuellement une femme devient primordiale pour être un homme viril. La satisfaction de la femme se manifestant à cette époque dans les représentations presque uniquement par l’exercice du coït, l’inaptitude à s’y livrer est alors pour l’homme signe d’une perte de virilité. Ainsi, là où l’homme viril est présenté comme vigoureux, énergétique, l’impuissant est lui vu comme mou, lymphatique, avec des attributs féminins. Par ailleurs, à cela s’ajoutent les pressions sociales, liées surtout à la croissance démographique et au taux de natalité, qui mettraient en péril les impuissants. Enfin, il y a aussi les moqueries, même si les impuissants sont surtout considérés, en plein courant romantique, comme des personnages à la destinée tragique, accablés par le poids du mal qui les touche. 



Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Sexologie - Andrologie - Onanisme

Lucas Liger - Le Mans Université

Références :

Alain Corbin (dir.), Histoire de la virilité, 2. Le triomphe de la virilité, Le XIXe s., Éditions du Seuil, 2011.

Mathilde Lacombe, L‘appréhension de l‘impuissance masculine dans le milieu médical français des années 1850, Mémoire de M1, Histoire, Université Toulouse II, 2020.


Pour citer cet article : Lucas Liger, “Impuissance masculine”, dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2023.

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