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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Pédopsychiatrie - XXe siècle

La pédopsychiatrie bénéficie au XXe siècle d’une rencontre entre psychanalyse, psychiatrie et psychologie."M. Heuyer, entouré de ses collaborateurs, interroge un jeune enfant", L'informateur médical, 1925. BIU Santé.

   La pédopsychiatrie bénéficie au XXe siècle d’une rencontre entre psychanalyse, psychiatrie et psychologie.

 

    Le début du XXe siècle voit s’individualiser la pédopsychiatrie. L’étude et la connaissance de l’enfant avancent considérablement du fait de l’arrivée de la psychanalyse d’enfants avec une dimension à la fois thérapeutique et pédagogique. De nouvelles figures comme Sophie Morgenstern, Eugénie Sokolnicka participent à l’éclosion de la psychanalyse d’enfants en France. Elle sera longtemps considérée comme mineure et laissée aux femmes au moment où le pouvoir était du côté des hommes et de la médecine. C’est justement en s’écartant de la médecine et en tirant vers le champ de la pédagogie que la psychanalyse avec les enfants trouve sa place et devient en même temps un lieu de controverse. Anna Freud, institutrice de formation, défend l’aspect éducatif de la cure, contrairement à Mélanie Klein qui s’intéresse aux aspects plus régressifs.

 

    La pédopsychiatrie va bénéficier de cette rencontre entre psychanalyse, psychiatrie et psychologie. C’est ainsi que Georges Heuyer, considéré comme le fondateur de la pédopsychiatrie, va œuvrer pour faire de la neuropsychiatrie infantile une spécialité purement médicale. Il investit ainsi l’ensemble du champ de l’enfance anormale qui recouvre la délinquance et l’arriération. Ce psychiatre, qui organise le premier Congrès international de psychiatrie infantile en 1937, devient titulaire de la première chaire de psychiatrie infantile en France en 1949. Il introduit la psychanalyse dans ses services hospitaliers et forme plusieurs générations de soignants à la pédopsychiatrie.

 

    La Seconde Guerre Mondiale et le régime de Vichy viennent réorienter le champ de l’enfance inadaptée : les enfants délinquants sont jugés sévèrement et orientés vers des centres de tri et d’observation – pratique annulée par la loi de 1945 – qui se rapprochent parfois de l’univers carcéral. La Justice va passer la main à la Santé qui s’occupera en partie de l’enfance délinquante dans l’après-guerre. Les différentes institutions qui prennent en charge ces enfants sont foisonnantes : centres d’observation pour l’Éducation surveillée, instituts publics d’Éducation surveillée, colonies pénitentiaires, institutions pédagogiques d’éducation surveillée. 

 

    Le champ de l’inadaptation se répartit également entre les institutions des Affaires sociales telles que les Instituts-Médico-Pédagogiques (IMP) et les Instituts Médico-Professionnels (IMPro) et celles de l’Éducation nationale telles que les classes de perfectionnement. Composé d’institutions gérées par des associations, le secteur médico-social prend en charge le champ de l’enfance inadaptée et sera à l’origine des premiers centres médico-psychopédagogiques (CMPP).

 

    D’un point de vue clinique, la seconde moitié du XXe siècle montre un intérêt croissant pour la maladie mentale et les troubles psychiques laissant de côté la délinquance et la déficience : c’est l’émergence d’un débat sur les psychoses de l’enfant. C’est également à ce moment-là que les recherches sur l’autisme se développent : avec le psychiatre Léo Kanner qui décrit le tableau clinique de l’autisme infantile ou encore Hans Asperger.

 

    La psychologie prend une place croissante à l’université avec la reconnaissance officielle de la licence en 1947 initiée par Henri Wallon. Ses élèves comme Daniel Lagache ou René Zazzo construisent une discipline éclectique qui donne une place aux tests psychométriques, à la psychanalyse et à l’étude du comportement de l’enfant. Le foisonnement de cette période s’illustre par de nouvelles politiques publiques et la mise en place du secteur psychiatrique à partir des années 1960, qui propose une nouvelle organisation des soins sur le territoire: la création des intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile qui donnent naissance à nombreuses structures hors de l’hôpital. La psychanalyse occupe alors une place de premier plan mais d’autres modèles thérapeutiques viennent enrichir la connaissance de la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent : thérapies familiales, thérapies systémiques, psychologie du développement, thérapie institutionnelle, thérapies corporelles. Certains courants commencent à prendre en compte les relations entre l’enfant et son environnement : la théorie de l’attachement développée par le psychiatre John Bowlby en 1958 est issu de ses travaux sur les conséquences des séparations précoces des enfants d’avec leurs parents. La prévention se développe dans les années 1960 et la pédopsychiatrie commence à s’intéresser au champ de la périnatalité. René Spitz en était le précurseur avec ses études sur le développement du nourrisson et la dépression anaclitique du bébé comme conséquence d’une séparation durable avec la mère, mais aussi Paul-Claude Racamier qui propose en 1961 les premières hospitalisations conjointes mères-bébés et Michel Soulé qui ouvre le premier Institut de puériculture et de périnatalogie d’Europe.

 

    D’autres modèles se développent dès les années 1950 avec les associations de parents qui ouvrent et assurent la gestion de nombreux établissements pour enfants déficients mentaux. Durant les années 2000, ces associations se regroupent autour des parents d’enfants autistes et c’est le début de violentes polémiques autour de la prise en charge de l’autisme avec l’arrivée des neurosciences.

 

    Contrairement au modèle adulte, la psychopharmacologie n’a pas été aussi importante dans la pratique pédopsychiatrique bien que l’usage de molécules comme le méthylphénidate se soit amplifié, d’abord aux États-Unis puis en Europe, dans le traitement des enfants agités diagnostiqués « Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité ».

 

    La pédopsychiatrie n’est plus aujourd’hui orientée par une psychanalyse hégémonique : sous la pression des associations de famille, les politiques publiques imposent aux institutions psychiatriques des recommandations de bonnes pratiques, incitant à d’autres référentiels théoriques : comportementalisme, neuroscience, éducation, et à un retour à une représentation organiciste des pathologies.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Pédopsychiatrie - XIXe siècle - Psychanalyse de l'enfant - Pédopsychiatrie - Neurodiversité- Asperger

Camille Monduit de Caussade - Psychologue clinicienne - Doctorante - TEMOS CNRS 9016

Références :

Nicole Catheline, L’enfant et la médecine. Une histoire de la pédopsychiatrie (XIXe-XXe siècle), L’Harmattan, 2021.

Jean-Louis Lang, Psychanalyse et institutions pour enfants, Presses Universitaires de France, Collection Le fil rouge, 2002.

 

Pour citer cet article : Camille Monduit de Caussade, "Pédopsychiatrie - XXe siècle", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2023.

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