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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

La Salpêtrière

   Le 27 avril 1656, le roi Louis XIV fondait par décret royal l’Hôpital général de Paris. Photographie d'Eugène Atget, Porte de la Salpêtrière, Paris, BnF, 1899.

   Le 27 avril 1656, le roi Louis XIV fondait par décret royal l’Hôpital général de Paris. 

 

   Instrument de police ou alors d’assistance, cette institution fut pendant longtemps un lieu d’enfermement où furent relégués ceux qu’il fallait écarter de la société : mendiants, prostituées, infirmes mais également insensés.
 

   L’Hôpital général de Paris comprenait plusieurs établissements : l’hôpital de la Pitié, celui de Bicêtre et enfin la Salpêtrière. Réservée aux femmes, cette dernière n’avait initialement rien d’un établissement de soins médicaux mais devint, entre le XVIIe et le XIXsiècle, le théâtre d’une évolution sans précédent dans la prise en charge de la folie.
 

   La construction de la Salpêtrière s’intègrait directement dans l’évolution des mentalités populaires au XVIIe siècle. En effet, s’éloignant de la charité prescrite par la religion chrétienne, les sociétés européennes menaient alors de multiples politiques d’exclusions principalement dirigées contre les mendiants. Fonctionnant sur la base du volontarisme, l’Hôpital général permettait d’éloigner et de faire travailler les plus pauvres sur le fondement de l’assistance. Cependant, l’établissement de maisons de force à partir de 1684 (où étaient notamment enfermées les prostituées à la Salpêtrière) semblait davantage répondre à une stratégie de police nommée le grand « renfermement ». Mais les mendiants n’étaient pas les seuls à être visés par ces méthodes : les malades, infirmes et insensés étaient eux aussi accueillis dans ces établissements où ils étaient mêlés aux autres pensionnaires. Composant près d’un quart des femmes retenues dans la Salpêtrière, les insensées ne faisaient cependant l’objet d’aucune mention dans les textes légaux de l’époque.
 

   Si la vision de la maladie mentale et les méthodes thérapeutiques avaient connu une évolution limitée entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, l’intervention de Philippe Pinel, médecin chef de la Salpêtrière entre 1795 et 1810, bouleversa le regard porté sur les malades souffrant de pathologies mentales. Ainsi, il publia en 1801 un Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale ou La manie reconnaissant l’humanité de ceux qu’il qualifiait désormais d’aliénés et préconisant l’usage d’un « traitement moral » reposant sur le dialogue avec le patient. Suite à son passage, les patientes dites aliénées de la Salpêtrière se sont vues retirer leurs chaînes tandis que l’établissement se spécialisait progressivement sur le fondement des nosographies réalisées par Pinel.  


   L’aliénation mentale et son traitement firent alors l’objet de débats entre les médecins. Ainsi, les thèses de Philippe Pinel ont été partiellement reprises par Jean-Etienne Esquirol, médecin chef de la Salpêtrière en 1810 puis de l’asile de Charenton. Cependant ce dernier était opposé à un traitement reposant sur la douceur et le dialogue, il défendait avec fermeté la guérison par l’enfermement, qui isolerait les malades de leur environnement pathogène et leur permettrait de guérir. S’appuyant sur les travaux d’Esquirol, la loi du 30 juin 1838 prévoyait un nouveau système d’organisation de la psychiatrie française : l’asile était né. Les malades pouvaient dès lors être placés par les familles (le placement est dit volontaire) mais également selon un système de placement d’office sur décision du préfet, répondant de ce fait à une motivation de police permettant d’isoler un individu considéré comme dangereux du reste de la société. Une politique de fermeté à laquelle la Salpêtrière se pliait, voyant alors son nombre de pensionnaires considérablement augmenter au même titre que le nombre d’internement sur le niveau national (de 5 000 personnes en 1789 à plus de 50 000 en 1883). 

   Cependant, l’efficacité du modèle asilaire a été progressivement remise en doute. Les aliénistes devaient affronter un dur constat : le traitement moral et l’enfermement ne permettaient presque jamais de guérir les malades. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les théories et classifications relatives aux maladies mentales se sont multipliées, avec la théorie de la dégénérescence mais aussi les classifications associées aux troubles de la névrose et de l’hystérie. Spécialité du célèbre médecin chef de la Salpêtrière Jean-Martin Charcot, l’hystérie devint un champ d’étude largement exploré. La Salpêtrière est devenu le centre de ces études puisque les femmes étaient considérées comme davantage sujettes à de tels troubles jusqu’à une époque tardive durant laquelle l’hystérie masculine fut reconnue. La question passionna et le docteur Charcot effectuait régulièrement la démonstration publique de ses méthodes de traitements (notamment l’hypnose), attisant la curiosité mais aussi l’indignation de certains spectateurs.  

   Ayant accueilli les grandes figures de la neuropsychiatrie du XIXe siècle, la Salpêtrière est devenue un nom symbole d’une période souvent remise en évidence au sein de productions culturelles portant sur les femmes et la folie.

 


Prolonger la lecture dans le dictionnaire :Asile - Infirmes - Droit aux soins 



Flavie Caiveau - Le Mans Université

Références

Claude Quetel, Histoire de la Folie, Paris, Tallandier, collection « Texto », 2020.

Alina Cantau, « La Pitié-Salpêtrière, quatre siècles d’histoire », Le Blog Gallica, collection « Histoire des hôpitaux parisiens », 21 avril 2020. 


Pour citer cet article : Flavie Caiveau, « La Salpêtrière », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024. 



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