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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Service photographique de la Salpêtrière

Les médecins se sont emparés de l’outil photographique dans les années 1850, rapidement après son invention, c'est notamment le cas des neurologues qui voient en cette nouvelle technique un appui à leur démarche clinique.Disposition de l'appareil photo-électrique pour les études médicales. Le médecin, placé près du malade, agit à distance au moyen de l'électricité, Conservation numérique des Arts et Métiers (CNUM).
   Les médecins se sont emparés de l’outil photographique dans les années 1850, rapidement après son invention, c'est notamment le cas des neurologues qui voient en cette nouvelle technique un appui à leur démarche clinique.

   La pratique de la photographie dans les hôpitaux et asiles remonte aux années 1850. Plusieurs médecins férus d’image voient dès l’invention de la photographie l’intérêt de cette technique pour l’observation médicale et utilisent dès lors la photographie dans leur démarche clinique. C’est le cas du neurologue Guillaume Duchenne de Boulogne, chez qui la pratique clinique et la création d’une imagerie vont de pair. Il exerce dans plusieurs hôpitaux parisiens, où il photographie notamment les visages de ses patients dans le cadre d’études sur les muscles faciaux. Il en tire une série de portraits de patients aux visages expressifs, dont certains muscles sont stimulés par des électrodes. Duchenne de Boulogne publie dès 1862 deux ouvrages illustrés de photographies, Album de photographies pathologiques et Mécanismes de la physionomie humaine ou analyse électrophysiologique de l’expression des passions. 

   À l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris, la pratique de la photographie est institutionnalisée en 1878 par la création, à l’initiative du professeur Jean-Martin Charcot,  d’un service photographique à la Salpêtrière. Artiste autant que médecin, Charcot dessine depuis son enfance et envisage même, avant d’opter pour l’école de médecine, de s’inscrire aux Beaux-Arts. Il fait de l’observation son maître-mot et produit de nombreux croquis de patients pris de convulsions. Charcot, influencé par le travail que mène Duchenne de Boulogne, se tourne vers la photographie à partir du milieu des années 1870. Il charge Désiré-Magloire Bourneville, alors interne dans son service et photographe amateur de talent, de réaliser les premières photographies de femmes internées. C’est ainsi que naît le périodique L’Iconographie photographique de La Salpêtrière, qui paraît de 1876 à 1880. Charcot et Bourneville voient en la photographie un formidable outil pour garder une trace des cas cliniques les plus intéressants et œuvrent à la pérennisation d’un service photographique, qui voit officiellement le jour en 1878. Bourneville en prend la direction, assisté de l’interne Paul Regnard. 

   En 1882 arrive au service photographique de la Salpêtrière un nouveau préparateur chimiste, Albert Londe, dont l’oncle a fait ses études de médecine dans la même promotion que Charcot. Ce jeune préparateur se révèle être un grand inventeur et met au point des techniques favorisant la prise de clichés instantanés et la prise de vue séquentielle, dans la lignée de la technique de la chronophotographie de Jules Marey et Eadwaerd Muybridge. Ces innovations permettent de produire des clichés rapprochés au temps de pause raccourcis. Les photographies de patientes hystériques s’en trouvent facilitées et  leurs mouvements sont mieux décomposés. 

   Londe prend la tête du service photographique de la Salpêtrière en 1884. En 1888, Charcot lui confie, ainsi qu’à ses collègues Paul Richer et Gilles de la Tourette, la publication régulière d’un nouveau journal, la Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière. Des dizaines de photographies de patients y sont publiées et la revue est pensée comme un complément aux revues médicales de l’époque. Au cours de la décennie 1890, Londe perfectionne des outils permettant de photographier des préparations microscopiques et présente ses premières radiographies. Il crée également, en 1896, le laboratoire de radiographie de la Salpêtrière, qu’il dirige jusqu’en 1904.  À son départ, c’est son préparateur Charles Infroit qui prend sa suite à la tête du laboratoire. Londe est donc, pendant plus de vingt ans, un collaborateur privilégié de Charcot ainsi qu’un protagoniste important dans l’histoire de la photographie et de l’image animée. 

   La Salpêtrière devient dans les années 1870 le lieu d’importantes expérimentations photographiques, et, plus largement, d’une immense production iconographique. De très nombreuses images de l’époque ont été conservées et l’imaginaire collectif autour de l’hystérie s’en nourrit encore aujourd’hui. 

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Photographies d'asile - La Salpêtrière 



Juliette Naviaux - Doctorante en histoire, Université Lumière Lyon 2 (LAHra) - Chercheuse associée, Bibliothèque nationale de France

Références

Georges Didi-Huberman, L’invention de l’hystérie. Charcot et l’iconographie de la Salpêtrière, Genève : Macula, 2012, 450 p.

Olivier Walusinski, « Albert Londe. le photographe de Jean-Martin Charcot à La Salpêtrière », e.sfhm, in Histoire des sciences médicales, 2018/1, p.16 à 27, (disponible en ligne). 

 

Pour citer cet article : Juliette Naviaux,  « Service photographique de la Salpêtrière », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024. 

 

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