Logo DicoPolHiS
DicoPolHiS

Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Balle au panier

Stade des Arènes de Lutèce, 18/04/1927, match de basket, France contre Italie, photographie de presse, Agence Rol, 1927.

   Du basket-ball à la balle au panier, comment les Français ont-ils francisé un jeu américain au début du XXe siècle ? 

   Le basket-ball émerge en France à partir de 1893 grâce à l’américain Melvin Rideout. L’influence américaine sur le jeu français persiste jusqu’à 1919, suite au départ des soldats américains à la fin des jeux interalliés. Le basket-ball devient un sport français, parfois renommé balle au panier, se démarquant par ses règles particulières.

   L’émergence progressive de ce sport à travers l’Europe, favorise des modifications des règles en peu de temps. Les années 1926 et 1927 marquent le point d’orgue d’une réglementation du basket-ball du point de vue français. Les 13 règles fondatrices établies par James Naismith en 1891 sont plus ou moins reprises par les Français lors de l’adoption populaire du jeu. Des subtilités réglementaires apparaissent progressivement afin de s’adapter au style de jeu français. Ces différences sont bien souvent empruntées au football, sport majeur en France au début du XXe siècle. On ne parle alors pas encore de lancer franc mais de coup-franc. Ce dernier peut être tiré par n’importe quel joueur alors que selon les règles américaines, seul le joueur ayant subi la faute peut effectuer cette action. De même, on retrouve un équivalent à la surface de réparation puisque chaque faute commise dans une surface dite « de but » donne l’opportunité à l’équipe qui a subi la faute d’effectuer deux lancers francs.


   La règle américaine, encore présente aujourd’hui à l’échelle internationale, ne décline pas l’existence d’une telle zone, les deux lancers francs ne sont alors concédés que si une faute est commise sur un joueur en action de tir. Autre différence : le deux contre un, aujourd’hui nommé prise à deux, est sanctionné comme faute en France. Deux joueurs ne peuvent défendre simultanément sur le même adversaire. Bien que cette règle soit l’une des premières à évoluer, elle suscite également de nombreuses questions parmi les joueurs. Les « basketballeurs » français, comme ils sont alors nommés, craignent l’apparition de violence au sein d’un sport d’agilité qui pourrait être pratiqué par un grand nombre de personnes. Lors des discussions sur les règles concernant le blocage au corps, les joueurs français s’opposent fermement à toute proposition de modification autorisant l'utilisation d'auteurs parties du corps que les mains pour bloquer un joueur adverse ou le ballon. Ces actions rendraient le jeu violent. Contrairement aux États-Unis, Le joueur ayant provoqué la faute ne peut pas être remplacé par un autre qui serait en meilleure condition physique. Cette règle prévient l’exécution de faute dans l’unique but d’être échangé avec un joueur en meilleures conditions physiques. En France, on promeut un sport axé sur l'adresse, à l'opposé du basket-ball américain, considéré comme un sport de force. 

   À partir de 1926, la mise en place de matchs internationaux, principalement entre France et Italie, pousse à bousculer les principes français. Les Italiens jouant avec les normes américaines, il est dans un premier temps question d’adapter les règles françaises pour que les deux équipes puissent jouer convenablement à l'issue du premier match avec de nouvelles règles, le 18 avril 1927. On se rapproche alors amplement du règlement américain mais les blocages au corps sont encore sujets à controverse. Suite à cette première expérience, les avis sont divers et beaucoup critiquent la violence permise grâce à ces règles et les nombreuses charges effectuées au cours du match. Des évolutions réglementaires ont pourtant lieu. Le secrétaire de la commission des arbitres, Henri Blanquet, relance le projet de transformation en reprenant les règles américaines. Il réutilise les modifications déclinées précédemment et les adoucit pour éviter les risques de violence. Le deux contre un pourrait alors être mis en place si les deux joueurs défenseurs n’ont pas de contacts physiques avec le porteur du ballon au même moment, dans quel cas une faute serait sifflée. Les arbitres réfutent ces propositions mais les joueurs et entraîneurs émettent des avis plus variables dans une enquête produite par le journal Les Jeunes au mois de mai 1927. La violence perçue dans le règlement américain fait peur à certaines équipes, un joueur de Tours déclare : « Il faut conserver nos règles à nous, nos règles françaises, qui font que ce jeu splendide peut et pourra dans l’avenir être joué par tout le monde : Enfants, jeunes gens, jeunes filles, hommes ou femmes. Si l’on accepte des règles étrangères qui amènent la brutalité, c’est en fait de ce jeu qui resterait alors l’apanage d’hommes forts, brutaux mais qui ne répondait nullement à notre idéal sportif et éducatif » (voir « À propos des règles américaines », Les Jeunes, 8 mai 1927). La violence est l’enjeu principal de l’adoption ou non d’une nouvelle réglementation. Le règlement français est ainsi discuté et proposé comme international. Quant à celui des Américains, il s’impose rapidement comme le règlement appliqué par les autres pays. Seule la France est réticente à la disparition de son règlement jugé comme le plus pur, permettant un jeu d’adresse et de vitesse sans violence.


   Le basculement vers le règlement américain se fait alors progressivement puisque dès 1935, la France fait partie des 10 participants à la première édition du Championnat d’Europe de basket-ball, dirigé par la Fédération Internationale de Basketball Amateur. Cet organisme est fondé en 1932 par 8 nations européennes, dont ne fait pas partie la France, pour établir une réglementation universelle à tous les pays membres, le règlement américain.

   En Janvier 2023, Salimata Sylla, joueuse de basket-ball d’Aubervilliers se voit refuser l’accès à une compétition pour le port du hijab. Le règlement français n’autorise pas le port d’un couvre-chef depuis 2019. Encore aujourd’hui les règles évoluent, mais ne serait-ce pas plus des évolutions d’ordre politique que sportif ?

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : BoxeCaster Semenya

Léo Godry - Le Mans Université

Références : 

Fabien Archambault, Loïc Artiaga, Gérard Bosc (dir.), Double jeu, Histoire du basket-ball entre France et Amériques, Vuibert, Paris, 2007.

Sabine Chavinier, La genèse du basket français : conditions de possibilités de la diffusion du basket-ball des États-Unis vers la France, Balles perdues, interceptions et passes décisives des protestants américains aux catholiques français (1893-1933), thèse soutenue à Paris 11, 2008.


Pour citer cet article : Léo Godry, « Balle au panier », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024. 

Partagez :