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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Vittel

Connue mondialement pour son eau minérale embouteillée, la ville de Vittel devient une source d’enjeux et d’intérêts multiples avec l’essor du thermalisme français au XIXe siècle, marquant à sa manière le paysage français.QUINTON, Clément-Henri, Chemins de Fer de l’Est. Vittel (Vosges), BNF, 1912.

  Connue mondialement pour son eau minérale embouteillée, la ville de Vittel devient une source d’enjeux et d’intérêts multiples avec l’essor du thermalisme français au XIXe siècle, marquant à sa manière le paysage français.  

 

  Comme d’autres stations thermales françaises, Vittel est déjà tournée vers le thermalisme lorsque celui-ci est en plein essor. Cet essor est permis par l’État (par exemple via le développement de réseaux ferroviaires) et des investisseurs privés appartenant souvent à la bourgeoisie. En 1854, l’avocat Louis Bouloumié découvre la « Grande Source » et en fait l’acquisition pour l’exploiter à plus grande échelle. La station thermale se transforme dès les années 1860 sous l’action des Bouloumié. Le territoire français, riche en sources d’eaux minérales, est pourtant inégal sur la répartition géographique de ces dernières. Les sources de Vittel et ses environs font partie des 78 sources minérales vosgiennes. 

 

   Dès le XIXe siècle, Vittel s’inscrit dans cette « fièvre thermale » motivée par la volonté impériale de lutter contre la concurrence des stations thermales étrangères, mais également par le succès de la thérapie thermale auprès de la bourgeoisie. Grâce à la redécouverte des vertus hygiéniques de l’eau, certains médecins contribuent à l’explosion de la fréquentation de stations. Vittel attire des locaux et des valétudinaires (français et étrangers) venus comme baigneurs d’eaux (emploi de l’eau minérale par usage externe) ou comme buveurs d’eaux (ici, par usage interne) ; certains y viennent pour renforcer leur santé sans être malades. Le terme « curiste » n’apparaît qu’après la Première Guerre mondiale. Le paysage vittellois se transforme considérablement avec la construction de thermes, d’hôtels, de palaces et d’infrastructures de loisirs souvent destinés à la bourgeoisie (parcs, casinos, hippodrome, parcours de golf, etc.). Dès 1860, la renommée de nombreux médecins, architectes et artistes profite à la réputation de l’établissement thermal.

 

   Reconnues pour leurs vertus et leur richesse en nutriments, les eaux thermales permettent en effet l’émergence de nouvelles pratiques de santé. Vittel devient réputé pour sa méthode d’emploi de l’eau sous toutes ses formes (douches, bains, lotions, etc.) à des fins thérapeutiques, perfectionnée par le médecin militaire Pierre Bouloumié : l’hydrothérapie. La station thermale est aussi reconnue pour son eau minérale considérée comme plus « légère » que d’autres eaux minérales (le lait est souvent utilisé pour adoucir les eaux difficiles à digérer). Grâce à celle-ci, les buveurs d’eau guérissent de divers troubles (au foie, aux reins, la goutte, la gravelle, etc.) et diverses maladies tropicales ou nerveuses. Dès le XIXe siècle, les buveurs d’eaux accèdent à l’eau minérale par le biais de donneuses d’eaux qui font partie intégrante de l’encadrement médical. Apparu avec l’essor du thermalisme, ce métier est une activité principalement estivale et exclusivement féminine. Les loisirs et les divertissements sont très présents à Vittel : certains médecins estiment qu’ils sont essentiels à la cure thermale du patient qui bénéficie de nombreux temps libres entre ses soins thermaux.

 

   Lors de son industrialisation, la France développe un réseau national de chemins de fer profitant notamment aux stations thermales. Reliée à Paris et à Strasbourg, Vittel a un avantage sur la plupart des stations thermales françaises qui ne sont reliées qu’à Paris. Face à d’autres infrastructures de circulations, le réseau ferroviaire représente un gain de temps considérable pour la population. Les réseaux d’investissements privés pallient le manque de moyens financiers des pouvoirs publics. Avec la famille Bouloumié, Vittel est représentative de l’ambition de certains bourgeois : s’enrichir grâce à l’exploitation d’une source. Ses fils, Pierre et Ambroise, développent davantage la station thermale avec la création de la Société Générale des Eaux Minérales de Vittel et en étant élu maire de la ville. La vente de l’eau minérale pour ses vertus dans les pharmacies puis les grandes surfaces apporte un moyen financier supplémentaire pour développer la station thermale. 

 

  Au XXe siècle, le thermalisme français continue d’être attractif et de prospérer en accueillant une clientèle plus diversifiée. Durant la Seconde Guerre mondiale, les infrastructures de Vittel deviennent un camp d’internement pour les ressortissants de certaines nationalités visées par le  régime nazi. Étant un camp de transit, Vittel représente un point de passage vers la liberté ou vers d’autres camps du régime nazi. Aujourd’hui, le thermalisme vittellois est réputé pour ses cures et son patrimoine thermal, véritable témoignage d’une station ayant marqué le paysage français. L’eau minérale de Vittel et ses vertus se démocratisent grâce aux grandes surfaces françaises et au-delà de nos frontières par son partenariat avec la compagnie Air France et le Tour de France.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Evian - Badoit - Dolé-les-Bains 

Charles Bourdais - Le Mans Université

Références :

Jérôme PENEZ, Histoire du thermalisme en France au XIXe siècle : eau, médecine et loisirs, Paris, Economica, coll. Economies et sociétés contemporaines, 2004.

Carole CARRIBON, "Un panorama de l’histoire du thermalisme en France Authier (André), Duvernois (Pierre), Patrimoine et traditions du thermalisme, Toulouse, Privat, 1997", in Toulouse, Annales du Midi, vol. 111, n°226, 1999. 

 

Pour citer cet article : Charles Bourdais, “Vittel”, dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2023.

 

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