Le corset est un sous-vêtement principalement féminin (même s’il est aussi porté par les hommes) répandu entre le XVIe et le XXe siècle. Il est fabriqué avec un corps baleiné élastique et flexible et comporte un laçage qui se trouve devant ou derrière selon les modes. Cette pièce qui connaît de nombreuses modifications au fil des siècles, autant dans les formes que dans les matières, a pour fonction de sculpter la silhouette féminine et de redresser le corps.
Le port du corset est une norme sociale depuis le XVIe siècle : par exemple on corsète les enfants pour leur apprendre à bien se tenir. Il fait fonction d’instituteur du corps. Après la Révolution, c’est la corseterie médicale qui reprend cette spécialité et l’objet devient un incontournable de l’accoutrement féminin car les hommes n’adoptent pas vraiment le corset à des fins esthétiques. Pendant la Restauration (1815-1830), l’idéal féminin de l’Ancien Régime réapparaît : être belle suppose un travail sur soi et la beauté ne se juge plus qu’avec l’apparence du visage. Le corset connaît alors son apogée au XIXe siècle. Sous le Second Empire, le corset demeure plutôt confortable mais la mode change à la fin du XIXe siècle. La taille se resserre car la minceur féminine est ancrée dans l’imaginaire social. La silhouette en S devient alors une norme : le long corset presse fortement l’abdomen et l’aine pour faire ressortir le buste et l’étroitesse de la taille.
En conséquence de cette mode, l’art de la corseterie se répand au cours du XVIIIe siècle. L’industrie se développe et la production augmente fortement au milieu du XIXe siècle. En 1861, 1 200 000 corsets sont vendus chaque année à Paris. Jusqu’à la Grande Guerre, les magazines continuent à promouvoir la taille en S mais les femmes tentent de se libérer de ce carcan en abandonnant progressivement le corset. Le corsage n’est plus ajusté sous la poitrine mais légèrement flottant.
Le corset comporte aussi une dimension érotique. Il est une arme de séduction, il affine la taille, fait ressortir les hanches et la poitrine. L’accessoire maintient le corps de la femme et c’est l’homme qui le délace. Lors de cette action, l’homme détient une sorte de pouvoir érotique qui symbolise aussi la défloration de la jeune femme. Aujourd’hui, le symbole est toujours d’actualité avec l’action du dégrafage. Cette idée est reprise dans le poème Le Corset, écrit en 1945 par Louise de Vilmorin : « Le corset est […] le rempart et le coffret, où tes désirs vont et reviennent. »
Au fil des siècles, le corset connaît de nombreuses critiques, aussi bien médicales que politiques. En effet, les médecins se sont toujours alarmés du port de cet accessoire qu’ils considèrent comme incompatible avec le bon fonctionnement du corps. A la fin du XVIIIe siècle, la silhouette artificielle s’attire les foudres du corps médical et de quelques philosophes, dont Rousseau. Ils évoquent la dégénérescence de l’espèce humaine. Des naturalistes du début du siècle définissent cette notion comme une déviation négative naturelle de l’espèce. Dans les années 1900 la lutte contre le corset est encore plus assumée: l’accessoire est considéré comme nocif pour la santé car il comprime la poitrine et la taille, met en danger les poumons, le foie et le cœur.
En parallèle de ce mouvement médical, un mouvement politique plus féministe naît en réaction aux exigences esthétiques de plus en plus strictes qui pèsent sur les femmes, qui subissent plus que les hommes les normes du redressement. Dans les années 1880, un mouvement militant féminin refuse le corset. Ces activistes suscitent des interventions dans la presse en se liant à des médecins et à des politiques et trouvent parfois des alliés inattendus, tel le couturier Paul Poiret qui livre une bataille contre ces habits. Au début du XXe siècle, les femmes rejettent elles-même le corset qui les empêche de pratiquer certaines activités. En 1906, les femmes représentent 40 % des employés de bureau ; leur travail est incompatible avec le port du corps baleiné. La lutte s’organise : la ligue internationale pour «la réforme du vêtement féminin », qui regroupe plusieurs associations de femmes, prône la beauté naturelle de la femme. En 1908, 20 000 tracts contre le corset sont distribués à Paris. Coco Chanel se mobilise pour l’affirmation d’« une femme active ayant besoin d’être à l’aise dans sa robe ».
Le mouvement militant amorce donc la fin du port du corset. Pendant la guerre, le corset se desserre. On le remplace par un soutien-gorge. Après la Première Guerre mondiale, les femmes portent une gaine car le corset était incompatible avec le travail à l’arrière. La mode à la garçonne des années 1920 confirme cette mutation car la femme des années folles est attirée par de nouvelles activités qui nécessitent une plus grande liberté de mouvement. Les femmes sont toujours fines mais plus élancées : on dirait qu’elles ont grandi. Après les années 1930, l’attention se porte essentiellement sur la poitrine ; l’évolution vers le soutien-gorge fait peu à peu oublier le corset.
Références :
James LAVER, Histoire de la mode et du costume. Paris, Editions Thames & Hudson, coll. Univers De L’art, 2004.
Georges VIGARELLO, Le corps redressé, Paris, Armand Colin, coll. Dynamiques, 2001.
Pour citer cet article : Elisa Vaz, "Corset", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2020.