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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Embaumement

L’embaumement est, dans l’imaginaire collectif, rattaché à l’Égypte et à la pratique de la momification. Cependant, l’art de la thanatopraxie connaît un renouveau aux XVIIIe et  XIXe siècles.Dr. Richard Burr démontrant la procédure de l’injection artérielle sur le corps d’un soldat mort lors de la Guerre de Sécession entre 1861 et 1865. Library of Congress, Washington.

 

    L'embaumement est, dans l'imaginaire collectif, rattaché à l'Égypte antique. Ces pratiques sont inhérentes à la momification et aux pratiques funéraires de ce temps. Elles permettent la conservation du corps du défunt avant l'inhumation. Ce n’est donc pas un hasard si l'art de la thanatopraxie connaît un renouveau aux XVIIIe et XIXe siècles.

 

    À la fin du XVIIIe siècle en effet, l'expédition de Napoléon Bonaparte en Égypte, entre 1798 et 1801, a donné lieu à une redécouverte de ces pratiques funéraires. En France, les corps embaumés appartenaient principalement à une minorité, les monarques et les princes de sang. Suite à cette expédition qui avait un but scientifique, une nouvelle clientèle se développa, notamment une clientèle bourgeoise soucieuse de la représentation du corps de leurs défunts. L'embaumement s'inscrit dans un processus renouvelé du deuil, une dédramatisation de la mort, qui ne correspond pas toujours aux conceptions religieuses du temps mais plutôt aux nouvelles mentalités modernes. La thanatopraxie joue un rôle de premier plan dans cette valorisation de l'image finale du défunt.

 

    Les techniques d'embaumement consistaient, du temps de l’Égypte Antique, à ouvrir le corps, le dépecer ou encore l’éviscérer. L’ablation du cerveau s'effectue à l’aide d’un long crochet. La cavité crânienne est remplie de goudron ou de résines. Par une incision sur le flanc, les viscères, intestins et poumons sont retirés. La cavité abdominale est alors emplie de résine ou bitume. Le corps est ensuite enduit de résines aromatiques ou de salpêtre pour un embaumement transitoire de plusieurs semaines ou mois. Puis ces matériaux provisoires sont retirés, tandis que la paille ou la mousse redonne du volume au corps. 

 

    Il a fallu trouver au cours des XVIIIe et XIXe siècles de nouvelles méthodes répondant à une demande sociale portant sur l’esthétique du défunt. Le travail des thanatopracteurs doit alors servir bien plus à la présentation du corps qui est exposé un temps dans un lieu dédié aux yeux de la famille. Pour perfectionner les techniques d'embaumement, les guerres ont joué un rôle majeur. Entre les guerres napoléoniennes et la guerre de Sécession, de nouvelles techniques émergent. Ces pratiques sont répandues outre Atlantique. En 1865 le président Abraham Lincoln fut embaumé. À travers les guerres, notamment celle de Sécession (1860-1865), un commerce de l'embaumement des cadavres s'est développé dont les thanatopracteurs ont été les premiers acteurs et les premiers bénéficiaires. 

 

    La découverte de Jean-Nicolas Gannal, brevetée en 1837, permit de ne plus mutiler le corps. Cette nouvelle méthode consiste en une injection artérielle d’un composé de phosphates de sodium et d’arsenic. L’idée de la simple dépouille ouverte puis refermée, entre en effet en conflit avec une société qui accorde une grande importance à l’intégrité du corps et à l’esthétique corporelle, et qui tend à vouloir dissimuler les représentations physiques de la putréfaction et de la mort. Ces nouvelles pratiques d’embaumement du XIXe siècle ont fait en sorte que le cadavre soit préparé, de manière symbolique et matérielle, à accomplir son dernier voyage. Le défunt est exposé comme endormi, pour allier la présence physique au processus de deuil. La pratique du masque mortuaire participe de cette évolution. La prise de l’empreinte du visage à la mort de la personne se faisait et participait à la postérité du défunt, comme celui de Napoléon Ier mort en 1821 notamment. 

 

    L’apparition de la photographie en 1839 fait émerger la pratique du dernier portrait, de la photographie post mortem qui permet de garder une trace de la personne décédée, et d’offrir ainsi une autre forme de postérité. Ces pratiques liées à la représentation de la mort ainsi que celle de la sépulture individuelle qui se généralise, mettent fin à la grande période de l’embaumement. Cette vogue pourrait constituer une période de transition entre deux régimes funéraires, celui de l’Ancien Régime et celui du XXe siècle. Au cours du premier, le corps et la tombe ne jouaient pas un grand rôle. Contrairement au second où seule la tombe est devenue le support principal du culte des morts et de l’art funéraire. La période d’apogée de l’embaumement et par conséquent de la focalisation sur le corps décédé signale ce temps de transition. Cela ne marque pas pour autant la fin de cette pratique qui perdure. Le diplôme de thanatopracteur a été créé en 1944 et le métier continue d’exister, sans avoir pour autant l’importance qu’il eut au cours des XVIIIe et XIXe siècles.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Photographier le cadavre

Timothé Broyer - Le Mans Université

Références :

Philippe Di Folco, Dictionnaire de la Mort, Larousse, coll. In Extenso, 2010.

Anne Carol, L’embaumement. Une passion romantique. France, XIXe siècle, Champ Vallon, coll. « La chose publique », 2015.

 

Pour citer l'article : Timothé Broyer, "Embaumement", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHis, Le Mans Université, 2022.

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