Le milieu de l’hôpital connaît dès la fin du XIXe siècle une évolution importante concernant les techniques et la complexification des savoirs médicaux. Les gestes thérapeutiques devenant au fil du temps de plus en plus complexes et nombreux, les médecins ne peuvent s’en occuper seuls. Les infirmières et infirmiers, jusque-là seulement considéré.es comme des travailleur/ses généraux non qualifié.es, voient alors leur rôle devenir plus important à mesure que leur métier se professionnalise.
En France au XIXe siècle, le domaine des soins est encore largement contrôlé par la tradition catholiquee ceux-ci soient publics ou privés. Mais avec l’avènement de la Troisième République et son contexte anti-clérical, la centralisation de la gestion et la sécularisation des hôpitaux est lancée et commence par la laïcisation du personnel soignant et le remplacement des sœurs religieuses par des laïques. Elle est plus efficace et mieux acceptée dans les hôpitaux parisiens, notamment grâce à l’action de l’administration générale de l’Assistance publique et à un milieu plus anticlérical que celui de la Province. La capitale devient alors le point central de formation et de professionnalisation du métier. Dans le reste de la France, les oppositions sont nombreuses et les religieuses restent majoritaires, car elles forment une main-d'œuvre bénévole, contrairement aux infirmières laïques qui louent des services que la plupart des petites municipalités ne peuvent s’offrir. Les soignants laïcs ne sont de toute façon pas encore assez nombreux à la fin du XIXe siècle pour remplacer les religieuses.
En 1878 sont ainsi créés des cours mis en place par les municipalités pour former les infirmiers, et la Salpêtrière, première véritable école infirmière, ouvre en 1907 à Paris. De grandes disparités de formation et de laïcisation se forment alors sur le territoire français. La distinction entre le personnel servant et le personnel infirmier apparaît aussi, suivie d’une distinction de genre, car le métier devient presque exclusivement féminin.
C’est pendant la Première Guerre mondiale que la formation et la professionnalisation des infirmières venant de grandes écoles comme la Salpêtrière confirment pleinement leur utilité et efficacité. Beaucoup s’engagent immédiatement et sont envoyées sur le front ou dans les hôpitaux militaires. Les infirmières deviennent alors un symbole, et celles ayant risqué leur vie sur le front reçoivent même des récompenses pour leur héroïsme. Pourtant, la Grande Guerre ne marque pas un tournant important dans l’évolution de la profession pour les infirmières formées, d’autant plus que leur rôle tend à être atténué par les infirmières bénévoles comme celles de la Croix Rouge.
L’entre-deux-guerres marque vraiment le début de la fixation du métier infirmier. Le programme de Léonie Chaptal, dirigeant une école privée d’infirmières, insiste sur la fixation de la formation à deux ans, et sur la nécessité d’avoir des cours de “morale professionnelle” en plus de la formation scientifique pour conserver les qualités morales des religieuses et leur dévouement. Ce décret est voté en 1922 et institue un diplôme et un examen officiel. Un Conseil de perfectionnement est aussi créé pour surveiller et soumettre les programmes de formation des écoles d’infirmières publiques ou privées à l’approbation du ministère de l’Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales. Ce décret permet aussi de différencier les infirmières hospitalières, les infirmières visiteuses (à domicile) et celles spécialisées (notamment dans l’hygiène mentale ou la petite enfance). En 1937, une loi oblige les infirmières à posséder un diplôme reconnu par l’État pour exercer. Seulement, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, peu de ses réformes sont véritablement appliquées. Certaines infirmières n’ont pas de diplôme mais peuvent tout de même travailler, les bénévoles et les religieuses sont encore présentes et certaines écoles non agréées par le Conseil de perfectionnement donnent tout de même des cours, créant ainsi de grandes différences de qualités de formation. Le métier n’est donc toujours pas uni ni clairement défini.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le régime de Vichy tente de limiter le travail féminin pour promouvoir l’image de la femme au foyer, avec notamment la loi du 11 octobre 1940 interdisant l’embauche des femmes mariées dans les services d’État et les services publics. Pour les femmes non mariées, rien n’est officiel mais certaines infirmières sont tout de même écartées et mises en congés forcés. Néanmoins, les mesures sont difficiles à faire appliquer au vue du manque de main d’œuvre hospitalière et de la place importante de ces femmes dans le service de santé.
C’est dans les années 1970 et 1980 que le métier infirmier est enfin reconnu pour lui-même avec des savoirs et des pratiques spécifiques. Si les infirmières sont pendant longtemps dépendantes des médecins (pour leur formation et par la rigidité de la hiérarchie des hôpitaux), elles prennent peu à peu leur autonomie, après s’être détachées des religieuses et du statut de servantes et d’illettrées.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Officiers de santé
Références :
CHEVANDIER, Christian, Les infirmières parisiennes : 1900-1950, émergence d’une profession, Publications de la Sorbonne, coll. “histoire contemporaine, Paris, 2011.
DIEBOLT, Evelyne, FOUCHE, Nicole, Devenir infirmière en France, une histoire atlantique ? (1854-1938), EPU, Linselles, 2019.
Pour citer l'article : Roxanne Oudeville, "Infirmières" dans H. Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2022.