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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

LSD

Usages du LSD en médecine : un médicament prometteur mais controversé.bouteille de LSD du laboratoire Sandoz datant des années 1950-1960, coll. privée.Le LSD fut un médicament prometteur dans les années 1950 avant de devenir controversé.

Le LSD-25 (acide lysergique diéthylamine) est la vingt-cinquième substance isolée à partir de l’ergot de seigle, un champignon parasitaire de cette céréale, par le chimiste suisse Albert Hofmann en 1938. Ses effets psychotropes, nommés « psychédéliques » (qui « rend visible l’âme ») sont découverts cinq ans plus tard, en 1943, lorsque Hofmann en absorbe une petite quantité accidentellement. La puissance des manifestations psychiques étant d’une intensité inégalée pour d’aussi faibles doses (de l’ordre de 250 microgrammes), le laboratoire Sandoz en envoie dès 1947 à des psychiatres du monde entier pour en préciser les indications. Il devient dans les années 1950 l’un des médicaments les plus étudiés au monde. Une quarantaine de grands centres médicaux américains, canadiens et européens mènent alors des recherches sur le LSD dont au moins sept sont en France. 

 

Quatre champs d’utilisations de la substance peuvent être distingués. D’abord, le LSD est employé dans une dimension expérimentale : des recherches sont menées pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et notamment des neurotransmetteurs. En parallèle, on l’utilise pour affiner la symptomatologie des maladies mentales comme la schizophrénie. Il est également employé pour servir à la formation du personnel soignant. Les effets du LSD, à l’origine décrits comme « psychotomimétiques », c’est-à-dire « simulant la psychose », devaient leur permettre de mieux comprendre et prendre en charge leurs patients grâce à l’expérience vécue d’une folie temporaire. La plupart des équipes ayant travaillé avec le LSD l’ont ainsi auto-expérimenté, ce qui était à l’époque recommandé et attendu par la communauté scientifique. Enfin, le LSD était utilisé dans une dimension thérapeutique : à l’origine employé dans le cadre de la psychiatrie, il permettait de réaliser des psychothérapies « accélérées » grâce à sa faculté de réminiscence des souvenirs associée à un effet anxiolytique. Le matériel psychique ainsi disponible rendait la psychothérapie plus efficace. Ses vertus antalgiques sont également mises au jour : il est utilisé dans le traitement des algies vasculaires de la face ou de la migraine, mais aussi dans les soins palliatifs. Dans cette dernière indication, les thérapeutes font le constat d’un changement profond de l’attitude de certains patients vis-à-vis de la mort. L’anxiété se réduit pour faire place à un état d’acceptation et de plénitude. Enfin, il était utilisé avec succès dans la lutte contre les addictions, principalement l’héroïnomanie et l’alcoolisme.

 

Dans les années 1950, une partie du corps médical se questionne sur la méthodologie appliquée aux psychothérapies réalisées avec LSD. Les psychiatres auto-expérimentateurs relataient des expériences très positives ; celles-ci se déroulaient dans leurs bureaux ou chez eux, c’est-à-dire dans des lieux chaleureux, confortables. Au contraire, leurs patients faisaient souvent des récits angoissants voir traumatisants de leurs séances réalisées dans le cadre froid et impersonnel de salles d’hôpital. Devant cette dichotomie, certains thérapeutes tentent d’améliorer les protocoles, et, ce faisant, remettent en question les pratiques psychiatriques de l’époque. Dans cette nouvelle méthodologie, appelée « set and setting », une attention était portée au patient, à son histoire, à son témoignage de l’expérience. On l’informait des effets de la substance, la pièce dans laquelle se déroulait la séance était décorée, on lui permettait d’apporter des objets. Une personne restait auprès de lui tout au long de la session, dans une attitude bienveillante : les thérapeutes pouvaient même être amenés à lui prendre la main. Au contraire, dans les thérapies classiques, l’attitude du personnel soignant était « disciplinée », distante. Certains patients pouvaient être attachés à leur lit. Les sujets, souvent des malades mentaux, étaient soumis à l’expérience sans avoir reçu d’informations et devaient se plier à une batterie de tests.

 

Selon le cadre méthodologique choisi, les résultats thérapeutiques variaient drastiquement, rendant du même coup les chercheurs impliqués dans les psychothérapies avec set and setting plus suspects : pour le reste de la communauté scientifique, ces résultats devaient être ceux de personnes trop « enthousiastes », à l’objectivité et à la rigueur scientifique questionnables. En effet, au fil des années 1960, le LSD était de plus en plus condamné en tant que substance consommée de manière hédoniste et liée à la contreculture.

 

Progressivement, le stigmate associé au LSD se répercute sur les chercheurs impliqués dans son étude. Malgré les appels à la mesure de scientifiques de renom (à l’image de Pierre Deniker en France), le poids de la presse populaire, qui n’hésite pas à titrer « LSD : une bombe atomique dans la tête », influe sur les acteurs politiques alors aux prises avec les mouvements sociaux de l’époque. En 1971, le LSD est classé au niveau international dans la catégorie des stupéfiants représentant un «potentiel d’abus présentant un risque grave pour la santé publique et une faible valeur thérapeutique». Les études s’arrêtent durant cette décennie ; ce n’est que depuis les années 2000 que certaines équipes de recherches s’intéressent de nouveaux aux potentialités thérapeutiques de cette substance.

Zoë Dubus - Université d'Aix Marseille, TELEMME

Références :

Erika Dyck, Psychedelic Psychiatry, LSD form clinic to campus, Baltimore, The John Hopkins University Press, 2008.

Zoë Dubus, « Marginalisation, stigmatisation et abandon du LSD en médecine », Histoire, médecine et santé, N°15, 2019.

Pour citer cet article : Zoë Dubus, "LSD," dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2020.

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