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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Méthode Amoros

Exemple d'application de la méthode Amoros au quotidien par Francisco Amoros, Nouveau manuel complet d'éducation physique, gymnastique et morale, 1830, p. 26.

   Chaque année, la Fédération Française de Gymnastique rend hommage à Francisco Amoros (1770-1848) en déposant une gerbe sur sa tombe au cimetière de Montparnasse. 

 

   Dans la première moitié du XIXe siècle, Francisco Amoros met en place une méthode qui fera de lui l'un des pères fondateurs de la pratique sportive moderne. Toutefois, avant d’être une célébrité, Amoros est un rapatrié espagnol en France. Né à Valence, il fuit son pays natal après avoir soutenu Joseph Bonaparte pendant l'époque bonapartiste. En Espagne, déjà, il développe une sorte de gymnase se basant sur les théories du pédagogue suisse Pestalozzi. Il reprend par exemple le principe de « l’éducation nouvelle » en faisant participer activement les individus à leur propre formation. Il arrive à Paris en 1813 où il s'intègre très rapidement avant d'être naturalisé. C'est à partir de cette époque qu'il commence à théoriser sa méthode notamment avec l'écriture de ses premiers ouvrages.

   L'objectif de sa méthode est de faire de la gymnastique une œuvre d’humanité rendant les hommes parfaits. Mais là où Amoros se différencie de ses contemporains, c’est que sa méthode sort du cadre spécifiquement physique. Certes, il cherche à développer ce qu’on appelle à l'époque les facultés primitives de l’Homme c'est-à-dire la force et l’adresse. Néanmoins, il veut  aller plus loin en déployant une méthode scientifique qui amplifie aussi le moral, l'intelligence et l'art de penser. À contre-courant des théoriciens de son époque comme le professeur de gymnastique Phokion Heinrich Clias, il lie sa méthode à la pensée des Idéologues issue de la Révolution Française en mettant l’accent sur le cerveau plutôt que sur l’âme, qu’il voit comme à l’origine des actions des hommes. Il met ainsi en place une gymnastique du cerveau qui permet d’avoir une meilleure réactivité et une plus grande adaptation aux différentes situations. Les gestes qu'il prescrit à ses élèves sont à l'origine de leurs actions futures. Dans un même temps, le corps doit être développé pour répondre à la demande d'un esprit affûté. Il existe donc une dépendance réciproque entre les facultés physiques, intellectuelles et morales. 

   Toute sa vie, il a beaucoup écrit et imprimé, que ce soit des rapports ou bien encore des discussions, permettant la diffusion de ses idées. Le plus important est probablement son Nouveau manuel complet d'éducation physique, gymnastique et morale de 1830 qui explique et illustre sa méthode. Il la pousse d’ailleurs plus loin, en montrant ses applications dans le quotidien. Ses ouvrages permettent donc de s’imaginer un entraînement chez Amoros. La méthode comprend deux parties : les exercices élémentaires et les exercices aux appareils. Les premiers soumettent les corps à une grammaire du corps. Les mouvements sont découpés puis recomposés pour former les élèves à des tâches plus complexes, pour créer un langage corporel. Il met en place des exercices complexes qui nécessitent des réflexions cumulées obligeant ses élèves à penser, réfléchir, comparer, choisir et se décider promptement. Ses entraînements passent par de la marche chantée, des courses à obstacles, des sauts, par des tirs, du cheval, etc. La seconde partie se fait sur des machines. Comme exemple de machine, on peut parler du fameux octogone. Il s’agit d’une machine ayant 8 côtés égaux à 10 mètres de haut. Elle était composée de plusieurs étages de plus en plus fin en allant vers le sommet pour développer le courage, l’équilibre, la force et cultiver l’oubli du vide.

   Sa méthode connaît un véritable succès en France particulièrement à Paris avec son gymnase de Grenelle. Inauguré le 1er Mai 1820, il s’étend sur 47500 m². Pour l'entretenir, Amoros est subventionné par la monarchie. Son établissement est ouvert aux élèves des collèges royaux et instruit par conséquent essentiellement des militaires. Il forme également les athlètes du bataillon de Joinville à partir de 1852.

   La gymnastique d’Amoros n’est donc pas une pratique de foire. Elle s'arrête là où le funambulisme commence. Elle se rapproche d'une gymnastique civile, industrielle presque militaire. Sa méthode constitue un enjeu majeur pour la France du début du XIXe siècle : former les futurs soldats de l’armée nationale. En effet, la formation des hommes est indéniablement liée à la puissance militaire d’un pays pour disposer d’une armée efficace et puissante. La méthode sert également un projet économique. Les hommes, grâce à cette méthode, sont plus autonomes, obéissants et travailleurs améliorant ainsi leur rendement. Enfin, la méthode sert un projet libéral. Un État national repose sur des hommes qui savent réfléchir et qui savent se gouverner.

 

 

Prolonger la lecture dans le dictionnaire : Yoga - Aérobic

Paulin Tuasne - Le Mans Université

Références : 

Gilbert Andrieu, La gymnastique au XIXe siècle ou la naissance de l’éducation physique : 1789-1914, Paris, Éditions Actio Bazina, 1999, 165 p.

Thierry Arnal, « Discipline de la raison et rationalité des actes : genèse et usages d'une gymnastique du cerveau dans la méthode d'éducation physique et morale d'Amoros (1815-1848) », STAPS, n°80, 2008/2, p. 85-97. 

 

Pour citer cet article : Paulin Tuasne, « Méthode Amoros », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024. 



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