Au XVIIIe siècle, les prisons européennes sont dénoncées comme étant des lieux surpeuplés, insalubres mais aussi comme des sites dans lesquels se concentrent toutes sortes de malfaisances. Jeremy Bentham élabore le Panoptique pour palier ces problèmes. Son but est avant tout de concevoir une prison pouvant par sa structure influer sur le comportement de prisonniers qui se contraindraient psychologiquement eux-mêmes. L’édifice ainsi pensé par Bentham est un bâtiment circulaire à plusieurs étages, qui dispose en son centre d'une tour de surveillance permettant aux gardiens de voir tous les détenus sans qu'ils ne soient aperçus. L'objectif de cette structure est donc d'insinuer le sentiment d’être surveillé au plus profond de l'esprit des détenus, ceux-ci ne faisant pas d'écart de conduite ne sachant pas s'ils sont observés ou non. Dans son projet, Bentham accorde également de l'importance à l'hygiène du bâtiment (une bonne aération, une bonne circulation de l'eau et de la nourriture saine), mais aussi à l'hygiène des détenus (uniforme blanc, cheveux rasés ou coupés, bains réguliers). L'auteur établit également trois règles administratives spécifiques : l'incarcération du détenu ne doit pas être accompagnée de souffrances physiques qui atteindraient à sa vie ou à sa santé ; la condition de détention du prisonnier ne doit pas être meilleure que la classe la plus pauvre de la société ; et l'économie doit être la préoccupation première de cette institution en faisant travailler les détenus, pour ainsi les convertir en citoyens utilitaristes, c'est-à-dire qui agissent en maximisant le bien-être collectif. Bentham n'a cependant pas réussi à convaincre les autorités anglaises de la nécessité d'appliquer son projet. Mais ce modèle s'est exporté et quelques prisons se sont inspirées de ce système. Un des exemples qui s'en rapproche le plus fidèlement est la prison de Niort, construite en 1853 sous l'ordre de Napoléon Ier. Mais pour une gestion idéale, la prison est cependant construite en demi-cercle et non en cercle complet comme dans le modèle benthamien. Une chapelle est dressée au sommet de la tour de surveillance, considérée comme essentielle pour l'architecte Segretain, dispositif qui doit conduire selon lui les détenus à une rédemption morale.
Les hôpitaux français non plus n’ont pas adopté ce modèle mais, dans la continuité des travaux de Bentham, Hugues Maret – un médecin français – se préoccupe aussi de la question de l'amélioration des conditions de santé au XVIIIe siècle. Dans son livre Mémoire sur la construction d’un hôpital, il envisage la meilleure forme à donner à un établissement de soin, et en l'occurrence, aux salles d'hôpital. Ce projet naît dans un contexte de reconstruction de l'Hôtel Dieu de Paris après l'incendie de 1772, s'appuyant sur les idéaux médicaux du temps des Lumières. L’approche de Maret est aériste : « l'air est un fluide élastique auquel se mêlent toutes les substances volatiles qui l'environnent» ; « l'air situé à proximité d'un foyer d'infection se charge en particules « malsaines » ». Il est donc nécessaire selon lui d'évacuer l'air au niveau des malades. Dans une salle d'hôpital classique, la ventilation se fait horizontalement : les lits placés le long des murs ne sont alors pas atteints par l'air nouveau. Avec l'aide de l'architecte Jacques-Germain Soufflot, Maret conçoit alors des salles d'infirmerie ayant une forme d'ellipse, ouvertes à leurs deux extrémités et avec une voûte également elliptique. L'hôpital est placé dans un endroit « en plein air », en dehors de la ville et préférablement au nord. Il est composé de plusieurs bâtiments permettant un classement logique et raisonné des pathologies. L'architecture de l'hôpital est épurée, nue de tout effet décoratif pour une meilleure circulation de l'air, et la plupart – si ce n'est l'entièreté – des meubles sont portatifs pour qu'aucun obstacle n'entrave le processus de ventilation. Ces exemples montrent alors un soucis d'améliorer les conditions de santé des populations du XVIIIe siècle en développant des types d'architectures adaptés.
Au-delà de ces rares modèles hospitaliers, le dispositif du Panoptique est pensé par Michel Foucault dans son œuvre Surveiller et Punir, comme une technique moderne d'observation. Le panoptique est surtout un symbole des dispositifs de surveillance qui insinuent un regard dominateur et surveillant partout : à l'école, à l'hôpital, dans la rue, au travail, … Le panoptique permet ainsi de théoriser la mutation du pouvoir qui se veut plus sournois, s’immisçant directement dans la vie et le corps des populations.
Références :
Jérémy BENTHAM, Le Panoptique, Paris, P. Belfond, 1977.
Marc LAURO, « Une réflexion sur la forme des salles d’hôpital : le mémoire du médecin Hugues Maret et son illustration par Jacques-Germain Soufflot », In Situ [En ligne], 31 | 2017.
Pour citer cet article : Carmen Rousseau, "Panoptique", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2020.