La pratique du ski s’est popularisée progressivement aussi bien techniquement que socialement à partir de la moitié du XIXe et le début du XXe siècle. Avant d’être un sport d’hiver, le ski est avant tout un moyen de locomotion individuel reposant sur le principe de la glisse à l’aide de patins fixés aux pieds. La notion de ski englobe un ensemble de pratiques allant du ski de fond, au saut à ski, en passant par le télémark et le ski alpin pour ne citer qu’eux. Ils puisent leurs origines en Laponie au IIIe millénaire av. J.-C. (ski de Hunting, 2500 ans av. J-C, Suède).
Cette pratique, telle que nous la connaissons, est beaucoup plus récente. Elle est importée en France dans la seconde moitié du XIXe siècle depuis la Norvège. Henri Duhamel (1853-1917), un alpiniste français qui a fondé une section grenobloise du Club alpin Français, fait partie des précurseurs. Il fait la promotion du ski à la suite de l'exposition universelle de Paris de 1878 d’abord au sein de ce club alpin. Néanmoins la généralisation de cette pratique fut lente et se réduit à un cercle restreint pour des raisons variées : le système de fixation des skis est mal maîtrisé ; les Montagnards se désintéressèrent longtemps de cette pratique.
C’est d’abord l’armée qui perçoit l’importance de cette discipline comme outil de déplacement dans les régions enneigées afin de contrôler les frontières. En effet, le contrôle des hautes frontières enneigées de l’est de la France par les chasseurs alpins était primordial à la fin du XIXe siècle. Celui-ci était nécessaire dans un contexte de montée des tensions entre la France et l’Italie, ainsi qu'avec l’Empire Allemand, notamment au niveau des Vosges qui donnent directement sur l’Alsace perdue en 1871. La formation des chasseurs alpins à l’école militaire de ski à Briançon, fondée en 1879 répond notamment à un souci de concurrencer les Alpinis Italiens, afin d’assurer la sécurité des frontières. C’est pourquoi une multitude de représentations iconographiques dans les journaux n’hésitent pas à promouvoir les chasseurs alpins du 159e régiment d'infanterie.
Cependant, il serait réducteur d’imaginer que la promotion du ski s’inscrit uniquement dans ce cadre militaire. Sa promotion est menée aussi bien à des fins économiques qu’hygiénistes. En effet, ces régions montagnardes sont encore reculées et leur développement économique ne repose que sur l’agriculture ou dans certains cas encore rares sur le tourisme estival. Ainsi, l’objectif de la promotion du ski est double, aussi bien économique - désenclaver ces régions -, qu’hygiénique - éviter la « dégénérescence physique de la race montagnarde » et fortifier la bourgeoisie citadine. Au travers du ski, le Club Alpin Français (CAF) met en avant le bien être qu’apporte cette discipline en prenant le « grand air » ou encore la sensation libératrice qui est celle de glisser sur la neige. Ce sport correspond aussi aux valeurs bourgeoises car il permet de faire preuve d’une forme d’élégance, de style tout en masquant l’effort physique qu’implique en réalité le ski avec les outils rudimentaires de l’époque.
Dans le cadre de cette promotion du ski, des rencontres sportives sont organisées avec la collaboration de l’armée à partir de 1907 (Montgenèvre) avec le Club Alpin, chaque année, jusqu’en 1914 en France. Puis la pratique prend une dimension plus importante avec les premiers Jeux olympiques d’hiver de Chamonix de 1924. En réalité ceux-ci sont appelés « Jeux Neiges et Glaces », car les Scandinaves, qui possèdent leurs propres Jeux nordiques, sont réticents à l’idée d’y participer. Lors de ces jeux, une épreuve de ski de fond, de combiné nordique, de saut à ski et de patrouille militaire sont notamment à l’honneur. Le succès de ces jeux reste toutefois modéré.
L’apparition du ski en France a donc été favorisée par l’armée, par un souci de développement économique mais aussi par les idéaux hygiénistes. Alors que la pratique du ski semble être ancrée dans notre société, seulement 34% des Français déclarait y aller « de temps à autres » selon l’Ipsos en 2022.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Boxe - Balle au panier - Aérobic
Références :
John B. Allen, Le ski en France 1840-1940 (trad. d’Alexander J. Susskind), Mémoire du sport Saint-Cyr-sur-Loire, A. Sutton, 2003.
Yann Drouet, Antoine Luciani, "À l'origine du ski français, le discours commun de l'Armée et du Club alpin français (1902-1907)", Staps, vol n°27, 2006, p.71-84.
Pour citer cet article : Ugolin Amelot, « Le Ski », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024.