Affiche publicitaire pour les cours de boxe française dans les salles de Hubert Lecour, 1859.
La savate est un sport de combat français qui se pratique avec les pieds et les poings. Son apparition est à mettre au crédit de la démocratisation du sentiment aristocratique de l'honneur et de la pratique du duel. Le duel est en effet tout à fait ancré en France et à la sortie des guerres napoléoniennes, nombreux sont les demi-soldes réintégrés à la société civile qui participent à banaliser son usage.
Le terme se répand à partir des années 1830. Si elle ne désigne dans un premier temps qu'un affrontement populaire à mains nues, la savate tend à s’institutionnaliser dans les années 1840 et un grand nombre de salles se développe à Paris. On parle alors d'enfermement de la savate. Chaque salle développe un style d'enseignement différent. À la lumière des théories hygiénistes du début du siècle, la salle Lecour, du nom de son créateur, propose un enseignement où l'assaut perd de son importance au profit de la gymnastique et de l'éducation du corps. À travers la création de ces salles, la pratique perd de sa violence originelle et la savate devient une activité convenable pour les classes bourgeoises de Paris. On parle alors de plus en plus de boxe française, le terme savate étant jugé trop populaire et susceptible de dissuader la pratique des plus fortunés.
Ainsi dans les années 1850 la seule perspective d'apprentissage du combat à mains nues ne suffit plus, et la pratique de la boxe française devient un enjeu de santé et d'hygiène. Le docteur Fernand Lagrange, qui préface L'art de la boxe française et de la canne de Joseph Charlemont en 1899, définit la savate comme le plus hygiénique des sport car sa pratique implique un développement général de l'ensemble des muscles, ainsi qu'un développement de qualités physiques, tel que l'adresse ou la souplesse. Le docteur Lagrange la qualifie même d'activité orthopédique, capable de corriger les malformations corporelles. L’entraînement régulier à la savate est aussi présenté comme bénéfique pour la santé des organes à une époque où l'étude de la physiologie se généralise. Au XIXe siècle, les hygiénistes s’inquiètent du mode de vie général qui se sédentarise. Les « hommes de bureau » sont perçus comme plus susceptibles de développer des problèmes de santé dû à l'inactivité physique. La savate pratiquée comme une activité gymnastique est donc encouragée pour ses vertus hygiéniques.
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle la boxe française bénéficie d'une réelle reconnaissance sociale qui rend la savate propice à une intégration au sein de la gymnastique de l'armée. Sous le Second Empire, l'armée est une armée professionnelle, l'enseignement de la gymnastique aux soldats est jugé nécessaire par les autorités françaises pour répondre aux caractéristiques de la guerre moderne. Cet état de fait ne change pas avec la chute de l'Empire en 1870 puisque la République a à cœur de prendre sa revanche sur la Prusse. L’entraînement au combat des « citoyens-soldats » et la préparation physique des plus jeunes devient donc une priorité nationale, à laquelle participe la boxe française. L’école est en effet de plus en plus liée à l'armée, la création des premiers bataillons scolaires en 1882 va dans ce sens. Les activités physiques qui y sont dispensées ont donc une vocation martiale. La savate intègre officiellement les manuels de gymnastique militaire en 1877 et sa pratique est rendue obligatoire dans l'infanterie en 1884. Très vite, le constat est cependant fait que la forme d'enseignement classique de la boxe française est peu adaptée à un enseignement de masse puisqu'elle se concentre sur un apprentissage individuel plutôt destiné à un public bourgeois. La boxe française évolue donc avec le modèle Joinville, issu de l’école du même nom. À partir de 1872, l’école militaire de gymnastique de Joinville propose un système d'apprentissage de la savate adapté à un enseignement scolaire et militaire. Cet aspect de la militarisation de la boxe française se conclut à la veille de la Première guerre mondiale, alors qu'en 1910, la Fédération Française des Sociétés de Boxe est agréée par le ministère de la Guerre comme fédération de préparation et de perfectionnement militaire.
L'apparition de la savate - boxe française est donc permise par un contexte social favorable à une époque où les traités d’hygiène se développent et où la nécessité d'une activité physique régulière est intégrée par les populations. Son évolution au cours du XIXe siècle répond aux besoins politiques de l'époque, ainsi lorsque la République en a fait un instrument de la revanche, l'enseignement de la savate a évolué en conséquence.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire :Boxe
Références :
Jean-François LOUDCHER, Histoire de la savate, du chausson et de la boxe française (1797-1978), L'Harmattan, 2000.
Joseph CHARLEMONT, L'art de la boxe française et de la canne, Paris, Académie de boxe, 1899.
Pour citer cet article : Amaury Lesoueve, "Savate" dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2022.