Logo DicoPolHiS
DicoPolHiS

Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Tuberculose

Plutôt que de raconter l’histoire de la lutte contre la tuberculose (1880-circa 1850) avec ses grandeurs et ses échecs, on peut utiliser l’approche récente en termes de politique publique pour analyser cette expérience et la rendre utile pour aujourd’hui.“Berlin. Le traitement de la tuberculose à l'Hôpital Royal. Une inoculation pratiquée par le professeur Pfühl.” L'Illustration, 28, n° 2237, 9 janvier 1886. (BIUSM)

   Plutôt que de raconter l’histoire de la lutte contre la tuberculose (1880-circa 1950) avec ses grandeurs et ses échecs, on peut utiliser l’approche récente en termes de politique publique pour analyser cette expérience et la rendre utile pour aujourd’hui.

 

   En France surtout la politique publique de lutte contre la tuberculose est inconcevable sans l’angoisse démographique qui étreint les élites du pays depuis la défaite de 1870 et se renforce encore après la victoire de 1918. Face à des voisins et potentiels ennemis qui n’ont pas encore connu la deuxième phase de la révolution démographique (maîtrise volontaire de la fécondité), le ralentissement de l’accroissement démographique de la France est présenté comme une dépopulation contre laquelle lutte une ligue qui reprend ce nom. Faute de pouvoir agir sur la natalité, le redressement doit passer par une baisse de la mortalité, particulièrement attribuée à trois  “fléaux sociaux”, la tuberculose, l’alcoolisme, les maladies vénériennes. Dans ce domaine, la France offre des chiffres plus élevés que l’Allemagne qui de repoussoir devient un modèle. 

 

   C’est dans ce pays qu’est né, bien avant la découverte du bacille de Koch (1881), ce qui va devenir le sanatorium. Le principe de celui-ci repose sur la croyance très ancienne dans les vertus du bon air jusque-là considéré comme mauvais, vecteur de maladies. Lui-même atteint par la maladie, Hermann Brehmer (1826-1889) se trouve soulagé par un séjour en Himalaya et décide d’ouvrir un établissement de cure de moyenne altitude à Göbersdorf, dans sa Silésie natale. Imité par d’autres établissements comme celui de son élève, Peter Dettweiler (1837-1904), le sanatorium, d’abord réservé aux élites, devient « populaire » avec l’investissement massif des puissantes caisses d’assurances maladies allemandes dans ce domaine. Pour les médecins français mobilisés contre la tuberculose, le voyage en Allemagne est une étape obligée.

 

   Faute d’assurances sociales, la lutte contre la tuberculose relève en France de l’initiative privée au moins jusqu’en 1914. Médecins, industriels philanthropes, grands élus municipaux non seulement créent ou encouragent la création de sanatoriums populaires mais mettent en place une institution plus en phase avec la médecine qui découvre le bacille de Koch et démontre sans contestation possible le caractère éminemment contagieux de la maladie. Le dispensaire devait surveiller la population d’un territoire, dépister les malades atteints, les retirer de leur milieu, repérer les bacillaires et envoyer les uns et les autres en sanatorium où à l’hôpital et faire l’éducation sanitaire des populations en leur apprenant les gestes simples : ne pas cracher par terre, aérer son logement, faire la chasse aux nids à microbes refuges du bacille. 

 

   Comme toujours, l’initiative privée fut inégalement répartie et ne put couvrir tout le territoire ni repérer tous les tuberculeux. Les lacunes de son action apparurent au plein jour lors de la mobilisation générale de la guerre, qui révéla l’ampleur du fléau. Soucieux de sauvegarder le matériel humain nécessaire au combat, et dans une atmosphère guerrière étendue à la santé, le gouvernement, sous l’impulsion du sous-secrétaire d’Etat au service de santé militaire, Justin Godart (1871-1956), créa des stations sanitaires, sanatoriums pour les militaires tuberculeux. Dans le même contexte, Léon Bourgeois (1851-1925), homme politique central, fit voter en 1916 une loi qui rendait obligatoire la création de dispensaires sur tout le territoire. Trois ans plus tard, le député des Basses-Alpes, André Honnorat (1868-1950) proposa une loi éponyme qui exigeait des départements qu’ils pourvoient à l’hospitalisation de leurs tuberculeux indigents dans des sanatoriums. Bref, la politique publique venait ratifier les choix médicaux dont l’un, celui du sanatorium, remontait à plus d’un demi-siècle et avait été conçu dans un autre contexte scientifique.

 

   La mise en place de cette politique eut trois caractéristiques majeures. Elle laissa beaucoup de place à l’initiative privée, prépondérante dans les comités de lutte contre la tuberculose et importante dans l’offre sanatoriale. La priorité donnée aux investissements lourds fut coûteuse, difficile à réaliser si bien que certains sanatoriums furent périmés à peine ouverts et très difficiles à convertir. Enfin le triptyque dépistage, soins, prévention servit longtemps de modèle au traitement de nombreuses maladies et déviances.

Olivier Faure - Université Lyon 3 - Larhra

Références :

Pierre Guillaume, Les tuberculeux aux XIXe et XXe siècles  : du désespoir au salut, Aubier, 1986.

Dominique Dessertine, Olivier Faure, Combattre la tuberculose (1900-1940), PUL, 1988.

Pour citer cet article : Olivier Faure, "Tuberculose", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHis, Le Mans Université, 2021.

Partagez :