Logo DicoPolHiS
DicoPolHiS

Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Zombis

En Haïti, certains individus reviennent à la vie alors qu’ils ont été déclarés décédés puis inhumés.Première photographie d’un zombi (Felicia Felix-Mentor), cliché de Zora Neale Hurston, 1937.En Haïti, certains individus reviennent à la vie alors qu’ils ont été déclarés décédés puis inhumés.

 

   Les morts-vivants sont des êtres largement représentés dans la culture populaire, notamment depuis la sortie du film White Zombie en 1932, le premier à mettre en scène des zombies sur grand écran. Cependant, cette créature fictive a pour origine un rituel magico-religieux issu du vaudou pratiqué en Haïti.

 

   Le vaudou est une religion apparue dans le golfe du Bénin et qui s’est exportée dans les Caraïbes avec la traite négrière débutée au XVe siècle. La mort est un élément majeur de ces croyances et nombre d’Haïtiens mettent leur âme sous la protection d’un loa (une divinité). D’ailleurs, sur un plan étymologique, le terme “zombi” provient du créole haïtien zonbi et signifie « mort sous l’emprise d’un sorcier ». Ainsi, la zombification est une des cérémonies notoires dans l’imaginaire collectif avec les poupées vaudou, alors qu’il ne s’agit que d’un pan de cette religion encore peu connue qui mêle magie, superstitions et indirectement la science.

 

   C’est un acte qui sert généralement à punir un individu en le transformant en un être servile. Une personne peut faire appel à un bokor (prête qui pratique la magie maléfique) pour qu’il empoisonne la victime afin de le plonger dans un état cataleptique, avant qu’il soit reconnu comme mort par les autorités puis inhumé. Quelques jours après, la personne est exhumée pour subir une cérémonie afin de le réveiller et de lui donner de la poudre zombi, nom local de la substance qui entraîne cette transformation. Dès lors, le zombi connaît un état de passivité psychologique extrême, ce qui permet d’en faire un esclave totalement privé de son libre arbitre. Ainsi, il peut être employé pour différentes tâches domestiques comme le travail dans les champs de canne à sucre.

 

   La toxine responsable de la zombification est la tétrodotoxine qui est récupérée par les Haïtiens dans le fufu (équivalent du fugu au Japon). Les premières recherches scientifiques sur le sujet ont eu lieu dans les années 1930 avec William Seabrook et Zora Neale Hurtson. Ce sont eux qui ont mené la première enquête anthropologique sur les zombis et qui ont participé à leur introduction dans la culture populaire américaine. Par la suite, c’est Wade Davis, anthropologue canadien, qui est le premier à véritablement s’intéresser à la manière de transformer un homme en zombi dans les années 1980. Il collabore avec le docteur Douyon, qui a notamment traité le cas du célèbre Clairvius Narcisse. En 1997, dans un article publié dans The Lancet, les deux hommes exposent leurs conclusions sur les séquelles de la zombification qui provoqueraient selon eux de la schizophrénie et des lésions cérébrales. D’autres recherches ont été effectuées au sein de l’hôpital psychiatrique de Port-au-Prince au début des années 2010 pour déterminer les effets des drogues sur les individus touchés par ce fléau. Par exemple, le docteur Girard a découvert que sa patiente « zombi » était atteinte de crises épileptiques répétitives qui entraînent des psychoses chroniques et des amnésies, auxquelles s’ajoutent des difficultés à se concentrer, une désorientation temporo-spatiale et une hyperexcitation sexuelle.

 

   Au-delà des sciences médicales, la question du zombi est un véritable fait de société qui impacte largement la vie des Haïtiens. La mort est omniprésente sur l’île et la crainte de se voir transformé en « mort-vivant » est une réalité toujours en vigueur. Sous la dictature des Duvalier, nombre de gens pensaient que la police secrète comptait dans ses rangs des zombis et que les dirigeants possédaient des pouvoirs magiques. Pourtant, la personne revenue à la vie devrait être considérée comme une victime et non pas comme un monstre. La justice officieuse contrôlée par des sociétés secrètes vaudouisantes n’hésite pas à appliquer ses sentences pour punir ceux qui sont considérés comme nuisibles à la communauté. C’est pourquoi des médecins et des juristes haïtiens tentent de faire évoluer le Code pénal local qui n’a pas été modifié depuis 1835. L’objectif est de faire reconnaître le statut de zombi afin de redonner une existence légale à l’individu qui selon les lois actuelles ne possède plus d’identité puisqu’il a été déclaré mort aux yeux des autorités.

 

   L’étude du zombi est donc à la frontière entre un monde rationnel régi par les lois scientifiques et tout un imaginaire spirituel et fantasmagorique. Il suscite crainte et fantasmes, comme en témoignent les différentes pratiques expérimentales qui se rapportent plutôt au mythe de la renaissance, afin de soigner des maladies telles que l’infection au VIH avec la neurotoxine responsable de la zombification. 

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Attrape-rêve- Spiritisme

Paul Cousin - Le Mans Université

Références :

CHARLIER Philippe, Zombis : enquête sur les morts vivants, Paris, Tallandier, coll. Texto, 2018 (1e éd. 2015).

POIZAT Denis. « Le vaudou, la déficience, la chute », Reliance, vol. 29, no. 3, 2008, pp. 9-17.
URL : https://www.cairn.info/revue-reliance-2008-3-page-9.htm
Consulté le 31/01/2021.

Pour citer cet article : Paul Cousin, "Zombis", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2021.

Partagez :