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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Apothicaire

 

D’apothicaire à pharmacien, le métier a été régularisé par l’Etat dans un souci de professionnalisation des praticiens, leur accordant ainsi le monopole sur la vente de remèdes.Nicolas Ier de Larmessin, Habit d’apothicaire, gravure à l’eau-forte et au burin, 27 x 18,5 cm. Musée Carnavalet, IFF 12.

D’apothicaire à pharmacien, le métier a été régularisé par l’État dans un souci de professionnalisation de ces praticiens, leur accordant ainsi le monopole sur la vente de remèdes. 

 

    La profession multifonctionnelle de pharmacien du XXIe siècle tire ses origines d’un métier presque similaire : l’apothicaire. Ce dernier existe depuis l’Antiquité et à connu de nombreuses évolutions, en particulier au cours du XVIIIe siècle, époque à laquelle l’apothicaire devient pharmacien par décret du roi Louis XVI. 

 

    Fondamentalement, l’exercice de cette fonction relève de la préparation et de la vente de remèdes, de potions et/ou d’autres substances à vocation médicale. Cette pratique remonte à une période lointaine, la Mésopotamie antique. On retrouve ainsi des traces de la pratique dans l’histoire, à Sumer en -2600 avant notre ère. Le rôle de l’apothicaire se prolonge au Moyen-âge, comme l'illustre l'existence d'une guilde des médecins, apothicaires et épiciers fondée à Florence en 1293, qui se scinde en trois guildes autonomes en 1314.

 

    À partir de l’époque moderne, le besoin de professionnels du secteur médical sur l’ensemble du territoire diversifie les profils d’apothicaires. La formation de praticiens s’inscrit dans la logique de l'apprentissage des professions, comme on peut l'observer dans les différents métiers artisanaux, ainsi, le métier d'apothicaire se transmet par l'observation et l'exercice auprès d'un maître d'apprentissage puis par le compagnonnage pendant plusieurs années. C’est un procédé qui se fait principalement de père en fils, par l’entretien d’un héritage familial. On voit alors naître des dynasties d’apothicaires

 

    Les apothicaires et pharmaciens se réunissent au sein de sociétés ou se constituent en corporation. Cela leur permet de se soutenir mutuellement, de développer un réseau et des opportunités, mais surtout de légitimer la profession par l’appartenance à un groupe. C’est aussi une source d’échange de connaissances médicales.

 

    C’est une profession à la fois scientifique, médicale, mais aussi sociale compte tenu du lien établi avec le client, le rôle de conseil, la place du secret médical. Mais le relationnel entre praticien et client reste limité aux personnes ayant les moyens de se procurer ces remèdes. Cela ne concerne donc pas l’ensemble de la population. 

 

    Ces apothicaires se confondent souvent avec les épiciers, qui ne vendent pas que des remèdes. L’image de l’apothicaire tenant une boutique, une apothicairerie, n’intervient que plus tard, dans la continuité d’un mouvement politique qui cherche à régulariser les pratiques de santé. Cette volonté n’est pas nouvelle, mais s’intensifie au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. L’enjeu est à la fois d’éviter la confusion entre les différents vendeurs, mais aussi de s’assurer que les remèdes vendus soient convenables ! Référence peut ici être faite à l’affaire des poisons entre 1679 et 1682. C’est pourquoi, en particulier en France au XVIIIe siècle, l’État cherche à régulariser les professions de santé et les pratiques médicales. Au cours du XVIIe siècle, on trouve par exemple l’obligation pour l’apothicaire d’exercer dans une boutique, tandis que la vente de remède sur la voie publique ou au cours de foires est proscrite. C’est aussi une période durant laquelle l’État doit faire face aux différentes réclamations des épiciers, médecins et apothicaires pour obtenir le monopole de la vente des médicaments et substances médicinales. 

 

    Les remèdes vendus par les apothicaires sont divers, ils sont fabriqués à partir de plantes, de matières animales ou de minerais. Parmi ces matériaux, on retrouve par exemple le safran, la muscade, les glandes de castor, le musc, mais aussi le cuivre ou l’or. Le Nouveau Monde est un important jardin pour les apothicaires. Ces ressources deviennent des concoctions, des onguents ou des potions, parmi lesquels on peut trouver par exemple des boissons légères à base de lavande contre les troubles digestifs ou de puissants somnifères et anti-douleurs à base d’opium comme le Laudanum.

 

    Principalement axée sur la préparation et la vente de remède, au sein d’une boutique ou d’une officine, la profession d’apothicaire est soumise, à partir de 1777, à une formation et une reconnaissance par un organisme étatique, le Collège Royal de Pharmacie. C’est le décret de Louis XVI en 1777 qui vient établir une régularisation stricte des pratiques avec la fondation du Collège et donc le changement de titre pour les apothicaires. Le titre de pharmacien est réservé aux personnes dont les compétences ont été certifiées par le Collège Royal de Pharmacie. Cela signifie que la préparation et la vente de remèdes devient illégale pour tous ceux qui ne portent pas ce titre.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Guérisseurs- Boite à remèdes

Nicolas Thieffry - Le Mans Université

Références :

Yvan Brohard, Remèdes, onguents, poisons : une histoire de la pharmacie, édition de la Martinière, 2012.

Nancy G. Siraisi, Medieval & Early Renaissance Medicine : An Introduction to Knowledge and Practice, University Chicago Press, 1990.

Pour citer cet article : Nicolas Thieffry, "Apothicaire", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHis, Le Mans Université, 2022.

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