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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Caducée

Plus qu’un simple symbole, le caducée, hérité de l’Antiquité, va s’imposer au cours du XXème siècle comme l’emblème de la pharmacie tel que nous le connaissons de nos jours. Médaille en bronze frappée en 1973 à l’occasion du XXème anniversaire de l’Association de Pharmacie Rurale, fondée en 1953. Sculpteur : RABATET, Robert. Fabricant : Maison Alphonse Augis. Poids : 140g. Dimensions : 68mm.

   Plus qu’un simple symbole, le caducée, hérité de l’Antiquité, va s’imposer au cours du XXème siècle comme l’emblème de la pharmacie tel que nous le connaissons de nos jours. 

 

   Le caducée se définit comme étant une « baguette entourée de deux serpents et surmontée de deux ailes, attribut d’Hermès, dieu du commerce et de la santé ». Ce caducée, dit de Mercure, bien que très ancien, est le symbole du service de santé américain. En effet, l’emblème était réservé uniquement au service militaire, avant de s’ouvrir, par la suite, aux professions médicales. 

 

   Le caducée pharmaceutique, tel que nous le connaissons aujourd'hui, est différent de celui de Mercure. Il est composé de la coupe d’Hygie, déesse de la santé chez les Grecs et du serpent d’Epidaure, s’enroulant autour de la coupe pour venir boire le liquide nourricier offert par la même déesse. Bien qu’il existe une multitude de caducées, ce dernier n’est observé pour la première fois qu’à Padoue, en 1222, sur la bannière des apothicaires de la ville. 

 

   Le caducée de Mercure est quant à lui visible peu de temps après la Révolution française, sous la période du Directoire, entre 1795 et 1799. Il est alors décidé de l’utiliser comme insigne du service de santé militaire. Les officiers se retrouvent avec des uniformes sur lesquels des boutons font figurer l’emblème. C’est une période où les professions de santé ne sont pas encore reconnues et sont donc à la recherche d’un attribut pour une meilleure visibilité. Nous retrouvons ce même caducée, en 1820, pour la première fois en France sur les jetons de la Société des Pharmacies de Paris. C’est une société savante reconnue essentielle à la fin du XIXème siècle et que nous connaissons, depuis 1979, sous le nom d’Académie nationale de Pharmacie. 

 

   En revanche, il n’y a encore au début du siècle dernier aucune réglementation, en France, pour l’usage médical du symbole. Il faudra attendre Vichy, période de l’histoire qui a eu une forte incidence dans le domaine médical, afin de voir officialisé cet emblème pour les pharmacies. C’est en effet dans le contexte de prise en charge, par l’Etat français, de l’industrialisation pharmaceutique du médicament, par le biais du développement des laboratoires, que le secrétaire d’Etat de la Santé, Louis Aublant, désigne en 1942 le caducée du serpent d’Epidaure et de la coupe d’Hygie comme l’insigne officiel des officines. En outre, cette mesure vient entériner la disparition d’une profession très ancienne, celle des herboristes, dont les pharmacies récupèrent le monopole sur la vente des produits végétaux. 

 

   Cette recherche d’un symbole exclusif à une profession diffère néanmoins d’un pays à l’autre. En Angleterre, au XVIIème siècle, et aux États-Unis, dès 1789, un symbole commun pour distinguer les pharmaciens de l’époque était déjà utilisé et ce jusqu’au premier XXème siècle. Il s’agit du Show Globe qui est un grand vase transparent suspendu près des officines et contenant un liquide coloré. En revanche, en Allemagne, nous retrouvons bien la fameuse coupe d’Hygie et le serpent d’Epidaure. Cependant, il s’insère sur un grand « A » (par rapport à la première lettre de Apotheker) de couleur rouge. La réglementation devance le modèle français d’une dizaine d’années, le symbole allemand étant adopté en 1934. 

 

   Vichy ne sera pas la seule période du XXème siècle à marquer politiquement l’histoire du caducée. Les années 1960 sont aussi décisives pour le nouveau symbole des officines. En 1963, le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens (CNOP) publie un bulletin dans lequel il est question des locaux des pharmacies. Parmi les douze articles émis par l’ordre, trois concernent la devanture des officines, dont l’emblème de la pharmacie, repérable à présent avec le caducée. Le bulletin indique que sur toutes les devantures des officines doit figurer la croix verte avec le caducée, dans la forme décidée en 1942. Néanmoins, cette première tentative de standardisation de l’emblème de la pharmacie est annulée quelques années plus tard par le Conseil d’Etat, qui indique que le CNOP n’a aucun droit pour faire appliquer une telle mesure. De plus, le dépôt d’une marque commune est vu comme un moyen de publicité, ce que cherche à éviter le Conseil d’Etat.      

 

   Le débat politique entre le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens et le Conseil d’Etat continue dans les années 1970-1980. En 1974 est pris un arrêté, par le ministère de la Santé, dont le siège est alors occupé par Simone Veil. Celui-ci est refusé une nouvelle fois par le Conseil d’Etat. En 1977, le renouvellement du dépôt du caducée est cette fois un succès. Sept ans plus tard, en 1984, la croix verte est également adoptée comme marque collective de la pharmacie. L’aspect publicitaire qui avait fait débat quelques années plus tôt n’a pas lieu ici. 

 

   Depuis, le symbole a encore connu des évolutions. En effet, on retrouve un caducée semblable sur les voitures du personnel infirmier ou des médecins libéraux, pratique qui n’est pas répandue chez les pharmaciens. Le caducée se fait de plus en plus rare sur les devantures des officines et la croix verte, encore majoritairement présente sur les devantures, a vu apparaître à ses côtés des croix bleues et vertes ou tout simplement bleues. 

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Boite à remèdes - Pharmacie centrale

 

Matéo Pilon - Le Mans Université

Références

Jean-Pierre Bayard, Le symbolisme du caducée, éditions de la Maisnie, 1978. 

Eugène-Humbert Guitard (fondateur), Revue d’histoire de la pharmacie (n°296), édition Société d’histoire de la pharmacie, 1993.

 

Pour citer cet article : Matéo Pilon, "Caducée", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2021.

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