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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Dactyloscopie

Fiche parisienne avec empreintes digitales du 21 janvier 1909 Photo de Vincenzo Peruggia, l'Italien qui a volé la Joconde au musée du Louvre à Paris.
Après la mise en place du système Bertillon, la dactyloscopie permet de parfaire l’identification des individus, notamment dans le champ criminel.

 

   Le terme dactyloscopie provient de daktulos et skopein en grec, qui signifient « doigts » et « examiner ». Il s’agit donc du procédé d’identification par l’étude des empreintes digitales. La fin du XIXe siècle est marquée par une lutte des pouvoirs étatiques contre la récidive criminelle. Recenser et répertorier les criminels interpellés est alors primordial pour en prévenir la hausse. La classification des individus est réalisée par le système des fiches dites « parisiennes » créées par le criminologue Bertillon. Ce système, appelé « bertillonnage », résulte de la conjugaison de mesures anthropométriques précises de l’individu, d’une photo signalétique, ainsi que du nom du prévenu. Le procédé dactyloscopique, qui complète ce système, a nécessité plusieurs décennies de travail avant d'être reconnu comme un véritable outil d'identification judiciaire. 

 

   Dans le cadre de cette lutte contre le récidivisme, des études sur les méthodes d’identification sont menées partout dans le monde. Plusieurs de ces recherches sont fondées sur l’utilisation d’empreintes digitales, qui seraient utilisées en Chine depuis 2 800 av. J.-C.. Le criminologue argentin Vucetich reprend ce dossier dans les années 1880. Il souligne la qualité douteuse des empreintes anciennes, critique les récits fabuleux sur lesquels s’appuyaient les textes qui en parlaient. En 1880, Henry Faulds, médecin et scientifique écossais, publie un article dans Nature, une revue scientifique, qui met en avant le caractère unique, individuel et immuable des empreintes digitales. Il insiste alors sur leur utilité pour identifier les criminels. D’autres études sont menées dans le même temps dans l’empire britannique, en Amérique du Sud, en Indochine et en Italie. Ces études de la fin du XIXe siècle ont pour but de montrer aux pouvoirs publics l’infaillibilité de l’identification des individus par la dactyloscopie. Leurs succès contribuent à alimenter l’essor de la dactyloscopie. En 1890, Vucetich, créateur du service d'identification central de la République Argentine, met en place un premier classement en quatre types d’empreintes digitales nommées « Vucetichisme » ou « Système Provincial de Buenos Aires » . Ce système recense les criminels de la région de Buenos Aires en suivant une logique d’identification massive pour prévenir les récidives criminelles. Rappelons, qu’en raison de l’augmentation forte de l’immigration dans les pays d’Amérique latine, une convention est adoptée en 1905, établissant le devoir de chacun des États de recenser les empreintes des criminels et des étrangers. Elle est ratifiée par les capitales : Montevideo, Rio de Janeiro et Santiago du Chili. Les services de police de ces régions doivent alors recenser, classer les fiches dactyloscopiques, puis les communiquer aux services des autres villes. 

 

   Le rapport d’efficacité entre dactyloscopie et bertillonnage est débattu lors de plusieurs congrès scientifiques au début du XXe siècle. La question se pose de l’intégration de la dactyloscopie comme outil fiable d’identification judiciaire. La dactyloscopie proposait en effet une meilleure fiabilité de résultats par le caractère unique et immuable de ses relevés. Le système d’empreintes est également plus simple et plus rapide à mettre en place qu’une session de relevés anthropométriques, notamment ceux - très nombreux - préconisés par Bertillon. La dactyloscopie est aussi un système moins coûteux qui nécessite moins de personnel et des locaux moins spécialisés. Elle est également moins contraignante pour les individus : on supprime les atteintes à la dignité par des attouchements non consentis et parfois vexants. Ainsi, le début du XXe siècle est caractérisé par la constitution dans le monde, d’offices nationaux dactyloscopiques complétés par la mise en place de papiers d’identité, comportant les empreintes digitales des individus. 

 

   Cependant, la France reste un temps réfractaire à ce système. Certains éléments sont mis en avant par Bertillon pour freiner le processus. Selon lui, la dactyloscopie est encore expérimentale. Les formes de classement mises en place sont encore peu abouties face aux fiches parisiennes qui ont prouvé leur efficacité. Il souligne la difficulté d’organiser des fiches d’identification en fonction des empreintes digitales par manque de moyens et en raison de l’existence d’une trop grande quantité de fichiers. 

 

   Pourtant dans le monde le système se répand et se perfectionne. En 1929 à Vienne, est créé le Bureau Central International d’Identité Judiciaire. Ce bureau est intégré en 1930 à l’organisme INTERPOL, dont l’objectif est de favoriser la collaboration entre les polices du monde, par l’échange et l’accès aux informations sur les infractions et les criminels. Aujourd’hui, ce système s’est perfectionné au point qu’il ne faut qu’une heure environ pour identifier un individu grâce à ses empreintes, s’il est inscrit dans la base de données. 



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Prudence Capelle - Le Mans Université

Références :

Borgerhoff, « Contribution à l’Histoire de la Dactyloscopie, Période empirique », Bulletin de la Société d'anthropologie de Bruxelles, Bruxelles, Fondation universitaire de Belgique, 1931, p. 361-378.

Pierre Piazza, « Alphonse Bertillon et les empreintes digitales », in P. PIazza (dir.), Aux origines de la police scientifique : Alphonse Bertillon précurseur de la science du crime, Paris, Karthala, 2011.

 

Pour citer cet article : Prudence Capelle, "Dactyloscopie", dans H; Guillemain, DicoPolHiS, 2024. 

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