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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Encombrement

  À partir des années 1830-1840, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la nature des épidémies et sur les éléments qui favorisent leur développement. L’encombrement, dont la grande proximité entre les individus dans les habitations est une illustration, apparaît alors comme un facteur déterminant. 

 

   Le « courant » hygiéniste, dont les origines remontent à la première moitié du XIXe siècle, s’exprime au travers de réflexions, mais également de pratiques, dont l’objectif est de promouvoir une nouvelle approche de l’environnement humain, fondée, notamment, sur le principe de l’interdépendance. Si l’être humain peut être porteur de maladies, ce sont bien les interactions entre les individus dans un milieu donné qui favorisent l’apparition et la diffusion des épidémies. La statistique médicale, qui connaît ces premiers développements à l’époque, montre alors que la mortalité n’est pas une fatalité mais un phénomène social sur lequel il est possible d’agir. 

 

   L’épidémie de choléra, qui touche Paris en 1832, est l’occasion pour un certain nombre d’observateurs, dont Louis-René Villermé (1782-1863) et Louis-Benoiston de Châteauneuf (1776-1856) sont les plus illustres représentants, de mettre en avant une géographie médicale. Ils expliquent ainsi que les quartiers qui ont été les plus affectés pendant l’épisode sont ceux qui, le plus souvent, présentaient le plus grand nombre d’habitations insalubres. On propose alors, sous l’égide du Préfet de la Seine Claude-Philibert Barthelot (1781-1869), de désenclaver certaines zones de la capitale et d’agrandir les rues pour étendre les perspectives. Les suites de l’épidémie citée précédemment amènent également les spécialistes à s’interroger sur la promiscuité au sein des logements populaires. Un constat s’impose à l’époque : un trop grand nombre d’individus dans un espace relativement réduit constitue un accélérateur de diffusion des épidémies. À ce sujet, Emile Beaugrand (1809-1875) explique en 1855 que « (…) l’entassement, l’encombrement d’un grand nombre d’individus dans un local trop restreint, amène encore de graves maladies, des affections typhoïdes » (L’hygiène, ou l’art de conserver la santé, p. 91). Pour limiter les effets de cet « entassement », plusieurs travaux publiés dans la seconde moitié du XIXe siècle préconisent alors d’appliquer les recommandations formulées par des hygiénistes comme Michel Lévy. La cinquième édition de son Traité d’hygiène publique et privée (1869) parle ainsi de la ventilation des espaces comme d’une mesure dont la mise en œuvre éviterait le développement de foyers épidémiques. 

 

   L’encombrement est une problématique transversale qui ne concerne pas uniquement l’hygiène de l’habitat. Les aliénistes et les conseils généraux, eux aussi, se saisissent de la question pour illustrer les difficultés qui sont les leurs à répondre aux exigences des dispositifs mis en œuvre à la fin des années 1830 dans le domaine de la maladie mentale. La loi de 1838, qui place les départements en première ligne, impose aux collectivités, dès la seconde moitié du XIXe siècle, d’envisager la construction de nouvelles structures pour faire face à la croissance continue des effectifs. C’est dans ce contexte que les établissements de Sainte-Anne, Ville-Evrard, Vaucluse et Villejuif voient respectivement le jour en 1867, 1868, 1869 et 1884. Des solutions alternatives à l’asile sont également proposées. Dans son travail sur Le régime des aliénés (1909), Fernand Dubief (1850-1916) explique que l’encombrement des établissements conduit à développer l’assistance à domicile et à créer des colonies familiales. Dès les années 1840-1850, les médecins-chefs, en écho aux analyses formulées par les hygiénistes, examinent également de près les conséquences sanitaires de l’encombrement des services. En 1853, Maximien Parchappe (1800-1866) dénonce les asiles d’aliénés n’offrant pas des conditions favorables au renouvellement de l’air dans son traité Des principes à suivre dans la fondation et la construction des asiles d’aliénés.

 

   Que reste-t-il aujourd’hui de ces réflexions sur l’encombrement ? L’épidémie récente de SARS-CoV-2, qui touche la planète depuis maintenant plus d’une année, a remis au goût du jour un certain nombre des préconisations formulées par les hygiénistes. La nécessité affirmée par les pouvoirs publics d’aérer régulièrement les espaces pour limiter la transmission du virus, par exemple, n’est pas sans rappeler les théories épidémiologiques du premier XIXe siècle sur la nécessaire ventilation des lieux de vie. Dans les hôpitaux, le mot « encombrement » semble avoir aujourd’hui disparu du vocabulaire utilisé par le personnel et les revendications se portent désormais davantage sur la question des « lits » disponibles. Deux termes distincts mais qui renvoient, dans les deux cas, à une volonté commune : alerter les autorités pour mieux orienter les politiques publiques en matière de santé.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Psychose d'actualité- Surmortalité asilaire- Carrillo Ramon- Lit

Joris GUILLEMOT - Le Mans Université - TEMOS CNRS 9016

Références :

Céline Raux, « C’est du propre ! La salubrité à Paris au XIXe siècle », BnF, département Droit, économie, politique, 2014. 

Joris Guillemot, « Entreprises privées et psychiatrie dans la France des années 1930. L’exemple de l’asile de Plouguernével », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 2020, n°127, p. 105-124.

Pour citer cet article : Joris Guillemot, "Encombrement", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2021. 

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