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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

GATTI Angelo (1724-1798)


 

La pratique de ce médecin met en lumière les expériences de variolisation qui furent menées en Europe avant l’avènement de la vaccination.

 

   Après avoir observé la technique d'inoculation de la variole à Constantinople, Angelo Gatti s'engagea avec succès dans la diffusion de cette pratique en France, malgré plusieurs attaques personnelles venant du monde scientifique. Ce n'est que récemment qu'il a été reconsidéré comme l'un des principaux acteurs du débat européen du XVIIIe siècle sur l'inoculation de la variole. À l’époque, les avantages de cette technique avaient été rapidement dépassés : à la fin du XVIIIe siècle, Edward Jenner avait en effet remplacé l'inoculation de la variole, qui se basait sur l'utilisation de pus humain, par la technique plus efficace de la vaccination, en utilisant du matériel bovin.

  

    Né près de Florence, Gatti obtient son diplôme à Pise en 1748. En 1750, il s'embarque vers le Levant comme maître de mathématiques et de sciences nautiques à bord de la marine marchande toscane. Sa rencontre avec la culture orientale s'avère fondamentale car c’est là-bas qu’il aura l’occasion d’observer la technique de l'inoculation de la variole, souvent pratiquée directement par les femmes sur les enfants. En utilisant de petites doses de pus prélevées chez un patient atteint de variole, celles-ci provoquaient une forme légère de la maladie, assurant ainsi l'immunisation. 

 

   À son retour, Gatti quitte la Toscane avec l'intention de visiter l'Angleterre mais il fait une première pause à Paris, où il participe activement aux dynamiques de la sociabilité urbaine. Lui-même raconte avoir obtenu une « petite célébrité d'inoculateur ». Le jeune médecin choisit alors de rester à Paris, en raison de ce succès professionnel imprévu, qui le mène même à devenir médecin consultant du roi. 

 

   Le débat sur l'inoculation avait des implications à la fois scientifiques et idéologiques et deux factions se sont rapidement opposées. Était-il juste de provoquer volontairement une maladie qui, bien que contrôlée, pouvait causer la mort ou être porteuse d'autres types d'infection ? Le médecin devait-il, dans la perspective hippocratique, se limiter à préserver l'équilibre de la santé du patient ? En 1763, après une poussée épidémique, le Parlement de Paris interdit temporairement cette pratique. La Faculté de médecine et de théologie de Paris fut chargée d’évaluer si les inoculations propageaient la contagion. À cette occasion, la méthode de Gatti fut également remise en question.

Gatti est l'auteur de trois ouvrages sur ce sujet : la Lettre à M. Roux (1763), les Réflexions sur les préjugés qui s'opposent aux progrès et à la perfection de l'inoculation (1764), et les Nouvelles réflexions sur la pratique de l'inoculation (1767). Dans les deux premiers ouvrages, le médecin rappelle que, dans sa méthode, il n’y avait pas de purges préparatoires ni de saignées, inutiles et coûteuses, et qu'elle ne s'appliquait qu'aux patients dans un bon état de santé. En outre, sa technique était basée sur des incisions peu profondes pour éviter les complications. Il dénonçait plutôt l'incompétence et l’inexpérience de nombreux collègues, qu’il considérait incapables de diagnostiquer la variole ou de comprendre si le sujet inoculé était effectivement immunisé.

 

    L’immunisation inefficace d'une de ses patientes, préalablement inoculée, fut le prétexte pour de nouvelles accusations. C’est alors qu’il publia les Nouvelles réflexions, ouvrage dans lequel il proposait un protocole thérapeutique à l'usage des médecins, « pour les gens de l'art, et particulièrement pour ceux qui ont quelque expérience dans l'Inoculation ». L'ouvrage ne reçut pas beaucoup d'éloges : le sujet avait déjà été longuement débattu.

 

    Ces difficultés professionnelles s'aggravent à la suite de l'exil, pour des raisons politiques, de son protecteur, le duc de Choiseul. En 1771, Gatti revint en Italie. Il ne retournera jamais en France. Cette dernière période italienne est marquée par des contacts avec le Grand-Duc de Toscane, Pietro Leopoldo, dont il inocula les enfants. Il vécut ensuite à Naples jusqu'à sa mort en 1798, à la cour des Bourbons, où il inocula des membres de la famille royale. 

 

   Le plus grand héritage livré par Gatti est d'avoir proposé un protocole qui, par son approche thérapeutique et l'attention portée au patient, a constitué le fondement de la technique de la vaccination : évaluer l'état de santé du patient, éviter les interventions invasives et obtenir une immunisation pour réduire la contagion.

 

Continuer la lecture dans le dictionnaire : Éradication de la variole

Francesco Baldanzi - Université de Florence - EHESS

Références :

- Pierre Darmon, La longue traque de la variole. Les pionniers de la médecine préventive, Librairie Académique Perrin, 1986.

- Veronica Massai, Angelo Gatti (1724-1798) : un medico toscano in terra di Francia, Firenze University Press, 2008.

Pour citer cet article

Francesco Baldanzi, "Angelo Gatti" dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2022.

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