La vaccination gratuite contre la variole dans le grand hall du Petit Journal, Le Petit Journal. Supplément illustré du 20 août 1905. BIU Santé.
En octobre 1977, le somalien Ali Maow Maalin guérit de la variole et devient le dernier cas recensé de la maladie. Trois ans plus tard, en 1980, l’OMS annonce officiellement l’éradication de la variole, notamment grâce à sa campagne lancée en 1967.
La variole, ou petite vérole, est une maladie hautement contagieuse dont l’apparition remonte à une période ancienne indéterminée. Des premiers écrits y font référence du temps d’Hippocrate. En Europe, la maladie n’est mentionnée dans les textes qu’à partir du XVe siècle, moment même où la maladie débute sa diffusion généralisée. La variole se transmet de manière interhumaine et les premiers symptômes, caractérisés par l’apparition de pustules, surviennent 12 jours après l’infection. Cette maladie endémique se décline sous deux formes : la variole majeure, la forme la plus préoccupante et la plus contractée (près de 90 % des cas) et la variole mineure.
Bien avant le XVIIIe siècle, de nombreux médecins s’attèlent à trouver des méthodes et des remèdes afin de contrer la maladie tels que divers breuvages et mixtures ou le recours à la saignée. En 1721, Mary Wortley Montagu importe une nouvelle méthode en Occident : la variolisation. Cette nouvelle approche qui consiste à inoculer (introduire dans l’organisme) volontairement la variole à un patient sain, précède la vaccination, mais le résultat est aléatoire et risqué. La théorisation du médecin anglais Edward Jenner en 1796 selon laquelle « la variole de la vache » ou « Cowpox » protège de la maladie s’avère concluante, ses résultats sont ensuite largement diffusés à partir de 1798. De nombreux débats subsistent quant à l’efficacité de cette méthode qui pose d’ailleurs de nombreux problèmes dans la transmission d’autres maladies telles que la syphilis. Cette méthode est donc remplacée par la vaccination animale, conservant le même principe préventif initié par Jenner.
À la fin du XIXe siècle, grâce aux progrès de la vaccination, la variole frappe de manière plus sélective avec des intensités variables : tout dépend de la localisation, de l’état de diffusion de la vaccine, des pratiques sanitaires ou encore du bon fonctionnement du service de vaccination. Le visage qu’elle arbore est également différent, elle frappe les plus pauvres du fait de leurs métiers de proximité avec de nombreux individus : petits métiers (boutiquier, couturière), journaliers ou encore domestiques et ménagères. La méthode la plus efficace afin de limiter la maladie reste la vaccination, l’isolement des cas et la désinfection des lieux. Les pays divergent en matière de prise en charge de la variole : en Allemagne, les enfants doivent être vaccinés obligatoirement la première année puis revaccinés la douzième année, à la différence de l’Autriche qui n’oblige la vaccination que dans les établissements gratuits d’instruction publique comme les orphelinats, les asiles et l’armée.
Après la Première Guerre mondiale, la mortalité devient faible au point qu’elle ne peut plus être intégrée aux statistiques, la variole ne revient que de manière sporadique, créant quelques foyers dans diverses zones géographiques qui sont généralement dû aux mouvements de populations et aux quelques réfractaires à la vaccination antivariolique.
Cette baisse n’est néanmoins pas valable pour les pays en développement qui continuent d’être sévèrement touchés par la maladie où ce sont près de deux millions d’individus qui décèdent chaque année.
En 1948 est créée l’Organisation Mondiale de la Santé à la suite de la Conférence de San Francisco. Fondée dans le but d’élever le niveau de santé de la population mondiale, l’Organisation tente d’apporter des solutions aux différents problèmes en matière de santé et s’axe sur diverses maladies telles que la poliomyélite et le paludisme mais ne s’axe pas encore réellement sur la variole. Des initiatives sérieuses sont mises en place à la fin des années 1950 et au début des années 1960 afin de contrer la maladie.
L’une d’elles est un programme de vaccinations massives initié par le docteur Fred Lowe Soper, un épistémologiste américain travaillant pour le Bureau Sanitaire Panaméricain (BSP). Cette initiative aboutit à l’extinction massive de la variole en Amérique centrale et dans les Caraïbes. De même pour la Côte d’Ivoire grâce à la mise en place d’une politique sanitaire par son président Félix Houphouët-Boigny.
L’action de l’OMS s’intensifie devant la difficulté qu’éprouvent les pays en développement à éradiquer la maladie. En parallèle des actions menées individuellement, l’initiative d’une campagne massive d’éradication de la variole est prise par l’OMS en 1959 grâce à une demande du vice-ministre de la santé de l’Union Soviétique Viktor Zhdanov. En 1969, le premier règlement sanitaire international est créé pour assurer la surveillance de six maladies dont la variole qui devient un enjeu majeur. La campagne d’éradication s’accélère et prend un nouveau tournant en 1967, l’initiative est suivie par les autres États-membres de l’Organisation qui contribuent à l’éradication en mettant en place les politiques de santé dans leurs pays respectifs. La stratégie de « vaccination en anneau » est suivie, elle consiste à repérer les foyers épidémiques, les recenser, isoler les cas et vacciner. Les vaccinateurs rencontrent néanmoins de nombreuses difficultés : le nomadisme des populations, l’instabilité politique, et les facteurs religieux entravent l’efficacité de la vaccination. Cependant, l’action commune des différents pays et leur implication dans la vaccination ont permis à l’OMS de déclarer la variole officiellement éradiquée en 1980 et d’arrêter la vaccination antivariolique.
Privé de son support humain, le virus variolique a en principe disparu, en dehors des laboratoires conservant des souches de virus. Ceci pose de nombreuses interrogations, au même titre que l’arrêt total de la vaccination recommandée par l’OMS, trois ans seulement après le dernier cas. La crainte d’un retour de la maladie ou de son utilisation en tant qu’arme biologique est au cœur des questionnements, bien que les recherches sur la maladie se poursuivent.
Références :
Pierre Darmon, La longue traque de la variole, Les pionniers de la médecine préventive, Perrin, 1986.
Claude Chastel, L’éradication de la variole : menaces persistantes et développements nouveaux, Virologie, Volume 2, numéro 1, 1998.
Pour citer cet article : Maruschka Carayon, "Éradication de la variole", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHis, Le Mans Université, 2022.