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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Hôpital général

Le 27 avril 1656, un édit royal fonde l’Hôpital général de Paris, l’outil d’une politique d’enfermement systématique. Gravure tirée de l'ouvrage Recueil des plus illustres proverbes « La vie des gueux en proverbes », par Jacques Lagniet, 1663, BnF, Paris.
   Le 27 avril 1656, un édit royal fonde l’Hôpital général de Paris, l’outil d’une politique d’enfermement systématique. 


   L'objectif énoncé par cet édit est que « les pauvres mendiants valides, invalides de l'un et de l'autre sexe soient enfermés dans un hôpital pour être employés aux ouvrages, manufactures et autres travaux selon leur pouvoir. ». Il ne s’agit pas d’un hôpital au sens contemporain du terme, la notion d’hôpital n’ayant historiquement pas nécessairement une vocation médicale. De plus, cet événement s’inscrit dans le contexte du XVIIe siècle, marqué par un développement de la mendicité et du vagabondage, causé d’une part par la Fronde, achevée en 1653, ayant plongé une partie de la population parisienne dans la pauvreté, et d’autre part par l'afflux des pauvres vers les villes. 


   La mise en place de l’Hôpital général est donc une décision émanant du pouvoir royal, celui-ci cherchant à se saisir de la question de la mendicité à Paris et en France. Le philosophe Michel Foucault nomme ce phénomène le « grand renfermement », le considérant comme l’expression de la répression du pouvoir central contre les populations déviantes, l'objectif de l'Hôpital général étant la moralisation de la société, en enfermant et donc en punissant ceux qui s’en éloignent. Le pouvoir royal cherche à lutter contre « l’oisiveté », provoquée par le non-travail, qui serait source de problèmes de mœurs au sein de ces populations et la cause de leur indigence. Pour y remédier, il cherche à les réintégrer moralement à la société, à l'Église, en les dirigeant vers la piété. De fait, le cadre de l’Hôpital général, une institution totale où tous les aspects de la vie des enfermés entrent dans le cadre de l’institution, permet de lutter contre l’irréligiosité des mendiants. L'objectif de l'hôpital général est alors d'appliquer une contrainte morale. Il est à noter que la France s’inscrit dans un plus large contexte européen d'enfermement des mendiants, des établissements similaires ayant été mis en place en Angleterre, avec la promulgation de 44 actes contre la mendicité et le vagabondage entre 1331 et 1492, et au sein des états allemands, notamment à partir du milieu du XVIIIe siècle, dans des conditions semblables.


   L’édit de 1656 crée une institution unique mais répartie sur différents sites dans Paris, sept maisons, dont la principale était la maison de Saint-Denis, dite de la Salpêtrière. Elle regroupe alors cinq quartiers, accueillant séparément tous les profils excepté les hommes. Les six autres maisons sont : Notre Dame de la Pitié et le Refuge, pour les filles ; la Petite Pitié et la maison de la Savonnerie, pour les garçons ; la maison de Bicêtre, pour les hommes et enfin la maison Saint Marthe, pour l’intendance. Durant l’année 1656, selon la Déclaration du 12 juin 1662 : « 6 000 personnes sont déjà placées à l'Hôpital général, soit environ 1% de la population parisienne. ». L'admission au sein de l'Hôpital général se fait par deux moyens : l'accueil des mendiants se présentant spontanément ainsi que l'enfermement de ceux prononcés par les pouvoirs publics sur lettre de cachet. En réalité, c’est le second moyen d’admission qui devient la norme, l'Hôpital se révèle alors avant tout comme structure juridique. De plus, le directeur de l'institution, nommé à vie, n’a pas seulement autorité sur les mendiants placés mais sur ceux de toute la ville, ce qui lui accorde une large fonction répressive. L'historien André Gueslin le qualifie de « délégué du pouvoir royal auprès du monde en marge ». En 1676, l'Hôpital général est généralisé à tout le royaume de France, quatre ans plus tard, on en compte déjà une trentaine dans l’hexagone. S’ensuit, en 1724, la création du « bureau général de correspondance » de l'Hôpital général de Paris, liant l’institution parisienne aux Hôpitaux généraux de province pour tenir un registre des mendiants et vagabonds ayant été arrêtés dans l’ensemble du royaume. 


   Bien que les chiffres de l’Hôpital général puissent faire croire à une réussite, il apparaît évident que ce lieu se montre incapable de mettre fin à la mendicité, les mendiants libérés après quelques mois d’enfermement continuant d’exercer le même mode de vie à leur remise en liberté. Les sept maisons composant l'Hôpital général de Paris visaient à accueillir dans chacune d'entre elles des populations différentes pour les astreindre à des activités ciblées, mais elles se sont rapidement changées en des espaces d'enfermement indifférenciés, délaissant dès lors l'objectif de remise au travail. De plus, l'institution souffre d'un manque de financement, elle ne peut augmenter ses capacités d’enfermement et les conditions de vie y sont déplorables. D’autres solutions sont donc imaginées par le pouvoir afin d'éradiquer la mendicité. À partir de 1718 ont lieu des déportations de vagabonds vers les colonies, comme en Louisiane. En 1764 sont créés les dépôts de mendicité qui, visant aussi à enfermer les mendiants, exerçent les mêmes méthodes que l’Hôpital général mais n'obtiennent pas de meilleurs résultats. Quant aux Hôpitaux généraux, ils voient leurs missions, pour leur majeure partie, se médicaliser durant le XIXe siècle, à l’image de maisons parisiennes, comme la Salpêtrière.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : La Salpêtrière - Hôtel-Dieu de Paris - Hospice



Ayoub Arzyne - Le Mans Université

Références

André Gueslin, « D'ailleurs et de nulle part : Mendiants vagabonds, clochards, SDF en France depuis le Moyen Âge », in L'invention d'un système répressif aux XVIIe et XVIIIe siècle : les vagabonds mendiants réprouvés et exclus, Fayard, 2013, pp. 77-144. 


Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, in Histoire de la pauvreté et du vagabondage à l'époque moderne, Chapitre 2, Gallimard, 1972, pp. 181-316, (disponible en ligne).

 

Pour citer cet article : Ayoub Arzyne, « Hôpital général », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024. 



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