Hospice de la Salpêtrière à Paris, BIU Santé Médecine, XXe siècle.
Les hospices apparaissent dès le Moyen-Âge sous le nom de xenodochia, traduit par « hôpital ». Leur fonction était d’accueillir les pèlerins et les voyageurs, de soigner les malades et d’aider les vieillards ainsi que les pauvres. Il s’agissait d’une institution religieuse reliée directement à un monastère et à un moine. La notion de mendicité évolue, d’abord bien vue au début du Moyen-Âge, elle devient l’objet d’une criminalisation, de marginalisation et d’accusation de paresse à la fin de la période. Elle est ensuite associée à de la délinquance et fait l’objet de répression à l’époque moderne. Cela vaut aux plus pauvres d’être enfermés, comme c'est le cas dans les workhouses anglais dans la première moitié du XVIIIe siècle.
Un changement s’opère en France avec la Révolution française qui considère la charité, l'amour du prochain dans le christianisme, le bienfait, ou encore faveur accordée aux pauvres, comme un devoir moral. Celui-ci est matérialisé dans l’article VIII du préambule de la Constitution de 1848, assimilant la condition des personnes âgées à celle d’anciens travailleurs méritant une aide de la part des actifs pour la reconnaissance de leur contribution à la société.
Ce changement se concrétise également par la reprise de bâtiments d’Ancien Régime, telle que la Salpêtrière, qui deviennent des hospices, ainsi que par la participation active de l’État quant à la pérennité des hospices au travers d’institutions, de lois, ou encore de financements au début du XIXe siècle. Plusieurs instances publiques et charitables peuvent ici être citées, comme le Conseil général des hospices (1801), l’Administration générale de l’Assistance publique (1849), la Congrégation des Petites Sœurs des Pauvres (1849) ou encore le Comité de Mendicité. L’État garantit également la prise en charge des indigents les plus pauvres par le financement de leur pension lorsqu’ils ne disposent pas de revenus suffisants. L’hospice du XIXe siècle devient un lieu de refuge pour les plus démunis, plus précisément pour ceux qui ne sont pas en mesure de s’assumer seuls en raison d’un âge avancé, d’un handicap, ou encore d’un état de vulnérabilité. La condition d’infirmité et de pauvreté est par ailleurs très surveillée, comme en témoignent deux enquêtes de la commission administrative des hospices nantais réalisées en 1875 (conservées aux archives départementales de Loire-Atlantique : ADLA BA571/15, hospices civils de Nantes : séance du 22/5/1875) : l'une lors de l’inscription sur les listes d’attente puis une seconde lors de l’admission. Le délai pouvait être de plus d’un an et demi entre ces deux phases, or la condition de pauvreté et d’incapacité au travail prévalait pour être admis.
Au XIXe siècle, l’hospice est encore très proche de l’hôpital par la prise en charge des malades indigents et pauvres. L’État tente de les distinguer par le biais d'une première loi, la loi du 7 août 1851, qui sépare les hôpitaux des hospices, mais la différence reste encore faible et s’opère très progressivement au cours du XIXe siècle. Il faut attendre la circulaire du 15 décembre 1899 pour que la séparation se fasse plus franche avec l’établissement de règlements spécifiques pour les hôpitaux et d’autres pour les hospices. C’est donc à la fin du siècle que la distinction s’effectue réellement. Les hôpitaux deviennent des lieux de soin et de passage tandis que les hospices deviennent davantage des lieux d’accueil et de charité. Cela n’empêche pas une spécialisation des espaces de soin et d’accueil des hospices dès les années 1840. Cela contribue à une meilleure prise en charge des pensionnaires et offre des soins ainsi qu’un cadre de vie adaptés à l’image de l’hospice de la Salpêtrière qui se spécialise dans l’accueil des femmes indigentes, infirmes et parfois aliénées.
Ce souci de soin se perçoit également avec la fondation d’hospices privés, reflétant la volonté d’assistance de la part des propriétaires, à l’instar des frères Galignani. Les préconisations de certains médecins vont aussi dans ce sens. Ainsi, le docteur Joseph-Henri Réveillé-Parise vante les mérites d’une activité physique modérée pour les vieillards. Par ailleurs l’hospice au XIXe siècle cherche à vaincre l’oisiveté et utilise donc ces préconisations médicales pour mettre, modérément, les vieillards au travail. Cet objectif marque une nette progression dans le traitement des pensionnaires en hospice. Similairement, avec l’apparition des théories hygiénistes, l’hospice évolue et devient, à la fin du siècle, un espace confortable, aéré et reculé de l’agitation des villes, à l'exception des hospices confessionnels parisiens qui demeurent, quant à eux, au cœur des centres.
Durant le XIXe siècle, ces établissements destinés aux personnes âgées forment un secteur économique à part entière. Ils possèdent de grandes capacités d’accueil, comprises entre une centaine et plusieurs milliers de pensionnaires. Une logistique alimentaire et une gestion du linge sont nécessaires. Concrètement, l’hospice de vieillards est un espace clos et réglementé avec des espaces communs comme le dortoir, le réfectoire et la bibliothèque. Des commerces sont également présents en leur sein. La moyenne d’âge est de soixante-dix ans, et ces derniers sont souvent issus des classes ouvrières ou domestiques. Ils bénéficient de la prise en charge de médecins, d'internes et d'infirmières.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire : La Salpêtrière - Infirmes - Asile
Références :
Mathilde Rossigneux-Meheust, « Vies d’hospice : vieillir et mourir en institution au XIXe siècle » in Revue d'Histoire du XIXe siècle, Paris, Champ vallon, 2018, 387 p.
Guy Haudebourg, Mendiants et vagabonds en Bretagne au XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998, 440 p.
Pour citer cet article : Anaïs Halopé, « Hospice », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024.