Alors que le traitement par l’hypnose décline à partir de la fin du XIXe siècle, le pharmacien nancéen Émile Coué (1857 – 1926) élabore une méthode fondée sur l’autosuggestion consciente qui, en concurrence avec l’idéologie du traitement moral et la psychanalyse naissante de Freud, vient combler un vide thérapeutique. En insérant ses recherches en continuité avec celles menées par l’école de Nancy dans laquelle l’on s’intéresse aux « mécanismes psychiques d’appropriation des suggestions médicales », Coué réussit à s’imposer dans le champ du soin, même si ses confrères français sont plus difficiles à convaincre que ses homologues anglo-saxons.
Utilisant une méthode quasiment gratuite, universelle, simple d’utilisation, qui se pratique en autonomie et est « aussi bien préventive que curative » selon Coué, le patient est l’acteur principal du processus l’amenant à guérir. À l’aide d’une cordelette à vingt nœuds, il est amené à répéter, chaque jour, la formule « à tous points de vue je vais de mieux en mieux ». La méthode Coué doit ainsi permettre aux patients de guérir de leurs symptômes, d’aller progressivement de mieux en mieux, si ce n’est de les transformer « instantanément en médecins », comme l’écrit un journaliste du journal Le Matin, en juillet 1921.
Méthode inconnue du public jusqu’à la fin de la Grande Guerre, cette tendance s’inverse à l’issue du conflit au moment où de nouveaux troubles nerveux, physiques et psychiques atteignent les anciens combattants. La méthode Coué connaît un succès certain auprès d’eux et le psychologue Henri Piéron (1881 – 1964) en fait même la méthode par excellence pour les soigner. Ce succès est particulièrement visible outre-Atlantique et outre-Manche où des séances collectives rassemblant des centaines d’anciens combattants sont organisées en présence d’Émile Coué. Ce succès se diffuse ainsi au sein de la société américaine où, en 1922-1923, les vertus de la méthode sont louées dans la presse, au cinéma, lors d’une tournée de conférences dans lesquelles le Nancéen intervient ou encore par la diffusion de gramophones qui enregistrent la voix de Coué et indiquent comment pratiquer sa méthode.
En France, la méthode trouve en premier lieu un écho dans la presse et son fondateur fait parfois la une de journaux locaux ou nationaux dans Le Temps, La Lanterne, Le Matin, Le Radical, L’Écho de Paris, etc. C’est une éphémère mais réelle « mode des reportages sur les miracles de Nancy » qui apparaît alors. Ce sont aussi les milieux conservateurs et anti-parlementaires qui, au cours des années 1930, ont repris les principes de cette méthode pour redonner un élan d’optimisme à la France. Cette lutte contre le pessimisme des temps de guerre a notamment été défendue par Maurice Barrès (1862 – 1923) et Edgar Bérillon (1859 – 1948). Enfin, toujours sous l’influence des anciens combattants et des conservateurs nationalistes, l’idée de réformer la société en se fondant sur les principes couéistes est mise en avant dans Réagir, revue fondée par le chirurgien Victor Pauchet (1869 – 1936). En effet, l’accent y est mis sur les « forces spirituelles » et « l’homme en tant qu’être pensant et agissant », les similitudes avec le fondement même de la méthode Coué qui replace le patient au cœur de son processus de guérison étant évidentes. Pour autant, malgré cet ensemble de paramètres, la méthode n’a pas connu en France le succès populaire qui a été le sien aux États-Unis.
S’il est possible de parler d’un véritable « moment Coué » dans l’entre-deux-guerres, le réseau mobilisé par le pharmacien nancéen ne réussit pas, après sa mort, à inscrire durablement sa méthode dans le paysage médical. Pourtant forte de nombreux relais à l’étranger, que ce soit au sein de sa clientèle – jusqu’à 2 000 patientes anglaises viennent le consulter en 1922 –, par le développement d’instituts couéistes à Nancy, Londres, New-York, Bruxelles, Amsterdam, Zurich, etc. ou par la traduction de sa brochure en 24 langues entre 1922 et 1934, la méthode Coué disparaît en tant que telle au début des années 1940. Désormais supplantée par la psychanalyse, qui prend son essor après la Seconde Guerre mondiale, elle est présentée depuis ces dernières décennies comme à l’origine des pratiques de développement personnel – telle la sophrologie – notamment dans le but de réhabiliter la figure d’Émile Coué.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Edgar Berillon- Médecine à distance- Naturisme-
Références :
André CUVELIER, Hypnose et suggestion. De Liébault à Coué, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1987.
Hervé GUILLEMAIN, La méthode Coué : histoire d’une pratique de guérison au XXe siècle, Paris, Éditions du Seuil, coll. « L’univers historique », 2010.
Pour citer cet article : Alexis Hamelin, "Méthode Coué" dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2020.