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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Edgar Berillon

L’histoire de Bérillon montre que la médecine française a conforté la propagande anti-allemande pendant la Première guerre Mondiale.Edgar Bérillon, La psychologie de la race allemande d'après ses caractères spécifiques, 1917

L’histoire de Bérillon montre que la médecine française a conforté la propagande anti-allemande pendant la Première guerre Mondiale.

 

   Docteur en médecine en 1884, enseignant à l'Université de Paris, Bérillon fut également Médecin-Inspecteur des Asiles publics d'aliénés. Neurologue de formation, il est connu pour s'être intéressé à la psychologie et à la psychothérapie, notamment à l'hypnose. Secrétaire général de la Société d'hypnologie et de psychologie et directeur de la Revue de l'hypnotisme (1888-1910), il développe « l'hypnotisme expérimental », qui a pour but de soigner les “enfants vicieux, impulsifs, récalcitrants, [...] manifestant un penchant irrésistible vers les mauvais instincts” et sur lesquels “tous les autres moyens rationnels d’éducation auront échoué”, ainsi que des patients aliénés ou alcooliques.

 

   Ayant connu l'occupation prussienne de 1870 durant son enfance, il grandit dans la haine et le mépris de l'Allemagne, développant un esprit de revanche qui va le conduire au grand projet de sa vie : sa théorie « patriotique » de la supériorité française sur l'Allemand du fait de ses caractéristiques physiques et physiologiques.

 

   Au XIXe siècle, apparaît un racisme nouveau se dotant d'une méthode démonstrative : c'est l'une des premières fois avec les travaux de Bérillon que le « racisme ordinaire » européen est appuyé par la science et démontré par des chiffres. Il s'inscrit dans la lignée de Charles Perrier ou Cesare Lombroso, dont la motivation est de protéger la société, de prévenir les crimes en repérant les criminels par leurs particularités physiques.

 

   La Grande guerre lui offre un  nouveau terrain. Dans ses ouvrages tels que La psychologie de la race allemande, Bérillon étudie les caractéristiques physiques et psychologiques des prisonniers de guerre allemands et interroge les médecins du front qui ont été en contact avec eux. Ainsi, il amasse une quantité de notes lui permettant de conclure que l'Allemand est « un sous-homme, un être dégénéré, accablé de tares nombreuses ». Sur le plan physionomique, Edgar Bérillon affirme que l'Allemand est d'abord exempt de toute beauté : les mensurations de sa tête révèlent une dolichocéphalie (crâne de forme allongée) qui donne une « physionomie désagréable provoquant une antipathie immédiate », à la différence des Français qui sont majoritairement brachycéphales (crâne plutôt ovale). Il souligne également la corpulence disgracieuse des Allemands, « le regard inquiet, oblique, sournois » similaire à celui des voleurs, des oreilles ingrates et les extrémités boursouflées (comme le montre l'image tirée de La psychologie de la race allemande).

 

   Bérillon insiste aussi sur des critères biologiques attestant l'infériorité des Allemands. Il révèle qu'ils ne maîtrisent pas leurs réactions vasomotrices, ce qui explique la mauvaise odeur dont ils sont les sujets : ce qui est notamment dû à une transpiration excessive, un taux de globules blancs élevé et une envie d'uriner très fréquente. Les Allemands sont pour lui également voraces et polyphages : « Pour l'Allemand de pure race germanique, c'est dans le ventre que la Nature a placé la raison et le but de toute existence ». Ceci les pousserait au cannibalisme et expliquerait une « défécation exacerbée » dénuée de toute dignité et de pudeur. Pour Bérillon, ces caractéristiques ont un avantage pour les Français qui peuvent alors identifier l'ennemi plus facilement parmi les infiltrés. Il cherche ainsi à mettre en évidence que face à un adversaire aussi inférieur, « dégénéré » physiquement et moralement, la France ne peut que gagner la guerre.

 

   Ses travaux connaissent un grand succès lorsqu'il les présente devant l'Académie de médecine, notamment grâce à la grande réputation scientifique de Bérillon, mais aussi et surtout parce que ses thèses confortent l'idéologie du pouvoir politique en place dans ce contexte de guerre internationale, soutenant la propagande anti-allemande. C'est ainsi qu'il est soutenu par un grand nombre d'hommes savants et lettrés.

 

   Après la guerre, il dirige ses études sur la distinction de deux catégories de « migrants inassimilables » : les « races inférieures » (les indigènes des colonies) et les « races antagonistes » (les Allemands), mais ses écrits vont petit à petit tomber en désuétude. Anticommuniste, il proposera également au début des années 1920 une théorie de « lutte des races » auxquelles correspond un état d'esprit spécifique : les individus dont la race est dite « pure » sont des esprits positifs et optimistes, à l'inverse des « métis ».

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Drapetomanie - Excitation politique- Croix rouge- Perchot Justin

Carmen Rousseau - Le Mans Université

Références :

P. Berche, J.J. Lefrere, Gloires et impostures de la médecine, Paris, Perrin, 2011. 

Edgar Berillon, La psychologie de la race allemande d'après ses caractères spécifiques. Conférence à l'association française pour l'avenir des sciences, Paris, Maloine, 1917.

Pour citer cet article : Carmen Rousseau, "Edgar Bérillon" dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2020.

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