Revues de L’Encéphale (n° 7 et 9, 1911) et extrait des Annales Médico-psychologiques (t. 1, n°4, 1965). Coll. perso.
En 1843 paraît la première revue au monde dédiée aux maladies mentales : les Annales médico-psychologiques. La psychiatrie est l’une des premières disciplines médicales à publier un périodique dédié à ses travaux, même si sa reconnaissance institutionnelle, qui peut se mesurer par l’obtention d’une chaire à la Faculté de médecine de Paris par exemple, n’advient que bien plus tard, en 1877. Pour cette jeune discipline qu’on nomme alors l’aliénisme, les enjeux sont grands. Les experts de la médecine mentale viennent alors de remporter une première victoire avec le vote de la loi du 30 juin 1838, qui constitue une avancée majeure pour la reconnaissance de cette spécialité dans la société.
Les Annales médico-psychologiques sont fondées par trois importants médecins de l’époque : les aliénistes Jules Baillarger et Laurent Cerise et le chirurgien François-Achille Longet. La note liminaire du premier numéro de la revue laisse sourdre plusieurs objectifs pour cette nouvelle spécialité. D’abord, l’objectif est de réunir tous les travaux touchant au système nerveux et ses pathologies et de multiplier les approches afin de contribuer aux études de la folie. Les Annales s’inscrivent donc, comme la plupart des revues scientifiques professionnelles de l’époque, dans l’enjeu de circulation des savoirs. Transparaît ensuite une volonté de consensus, le vœu de rassembler et de laisser s’exprimer toutes les opinions. C’est d’importance pour l’aliénisme, dont les écoles de pensée sont nombreuses alors. Pour s’affirmer dans la société, il faut faire montre d’union. D’ailleurs, un troisième objectif est visible dans ces premières parutions des Annales : la pluridisciplinarité, dont la médecine légale et la collaboration avec le monde judiciaire sont au premier plan. La volonté d’engagement politique et social de la médecine mentale est évidente.
Il faut attendre près de 40 ans pour qu’une nouvelle publication majeure en psychiatrie voie le jour avec L’Encéphale. Entre-temps, l’éminent aliéniste de Bicêtre, Louis Delasiauve, proposa à partir de 1861, un Journal de médecine mentale, teint d’une forte dimension vulgarisatrice, mais qui s’arrêta avec la guerre franco-prussienne de 1870-1871.
L’Encéphale, créé en 1881, dont le nom est inspiré de son confrère britannique Brain paru quatre ans plus tôt, est le signe de l’affirmation académique de la psychiatrie. Quelques années auparavant, Benjamin Ball a pris la tête de la nouvellement créée « chaire de clinique de maladie mentale et de l’encéphale » à l’Asile Sainte-Anne. C’est d’ailleurs lui qui fonde ce journal, aux côtés de son confrère de la Salpêtrière Jules Luys. À nouveau, on retrouve dans L’Encéphale les marqueurs de la presse scientifique et médicale professionnelle : les vœux d’impartialité, de partage des savoirs, d’union et de rigueur scientifique. La dimension pluridisciplinaire hors de la médecine est sensiblement moins présente que dans les Annales médico-psychologiques. Quarante ans après, la psychiatrie, à l’instar d’autres spécialités médicales, s’est affirmée et se trouve moins en recherche d’une validation externe. La publication de L’Encéphale s’arrête en 1889, sans doute du fait du changement d’orientation des travaux de Jules Luys vers l’hypnose et de la maladie de Benjamin Ball.
Les deux décennies suivantes sont caractérisées par une accélération de la spécialisation, et la prise d’indépendance de plusieurs champs jusqu’alors souvent rattachés à la médecine mentale. C’est le cas de la neurologie, de l’hypnologie, de la psychologie ou encore de l’anthropologie.
Une revue marque le début d’un stade de maturité pour la presse psychiatrique : un nouveau L’Encéphale, publié à partir de 1906 et distinct de son homonyme. Fondée par Maurice Klippel et André Antheaume, issus de la nouvelle génération de neurologues et de psychiatres, héritière de Jean-Martin Charcot et de Ball, cette publication se rapproche de plus en plus de la forme moderne de la revue scientifique. La science et la clinique constituent la très grande majorité des contenus et les sujets de médecine légale par exemple, qui se réduisaient déjà avec la parution de 1881, n’apparaissent que dans le cas de faits divers au retentissement très important dans la société.
Le XXe siècle se caractérise par la poursuite de certaines publications comme les Annales médico-psychologiques et L’Encéphale. De nouvelles parutions continuent de voir le jour comme L’Hygiène mentale à partir de 1925, mais le format de la presse psychiatrique, et plus généralement de la presse scientifique, a alors acquis une forme de stabilité. Si le XIXe siècle a été le temps de la construction d’une presse psychiatrique professionnelle, il est à se demander comment les nouveaux médias du XXe siècle, la radio, la télévision ou plus récemment le web, ont modifié le fonctionnement et l’organisation de ces journaux, et plus largement de la communication professionnelle en psychiatrie.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Asile - Isolement thérapeutique
Références :
Ian Dowbiggin, La folie héréditaire ou comment la psychiatrie française s’est constituée en un corps de savoir et de pouvoir dans la seconde moitié du XIXe siècle, E.P.E.L., 1993.
Marc Masson, Raphaël Gaillard, Jean-Pierre Olie, Henri Lôo, « L’Encéphale 1906–2016… Plus qu’un anniversaire : une réforme éditoriale », in L’Encéphale, vol. 42, no 1, 2016, p. 1-3.
Pour citer cet article : Nicolas Brard, « Presse psychiatrique », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024.