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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Self-help

Le self-help est une revendication d’autonomie de la part de groupes minoritaires engagés dans des luttes contre les discriminations vécues par leurs membres dans l’accès aux soins de santé.Centre de santé gratuit Franklin Lynch Peoples du Black Panther Party à Boston, ca. 1970, Courtesy of The Bob Fitch Photography Archive at Stanford.

   Le self-help est une revendication d’autonomie de la part de groupes minoritaires engagés dans des luttes contre les discriminations vécues par leurs membres dans l’accès aux soins de santé. 

 

   Le développement du self-help (parfois traduit par autosoutien ou autosupport, mais que nous gardons en anglais pour ne pas perdre les nuances) est contemporain de luttes sociales importantes en Occident. On peut penser aux mouvements militants dans le sillon de la lutte pour les droits civils dans les années 1960-1970, avec le programme de cliniques de santé lancé en 1969 par le Black Panther Party dans plusieurs quartiers à majorité noire de grandes villes étasuniennes. Ces cliniques gratuites et auto-gérées offraient des soins à des personnes noires dépourvues d’assurance médicale qui vivaient dans des quartiers marqués par un manque d’infrastructures de santé en raison du sous-investissement public et du manque d’intérêt des décideurs. Ces cliniques offraient des soins à des personnes qui étaient susceptibles de vivre des discriminations raciales dans l’accès aux cliniques publiques et privées régulières, et d’être sous-diagnostiquées pour certaines maladies comme la drépanocytose par les médecins blancs. 

 

   Dans les mêmes années, en Europe et en Amérique du Nord, des groupes de femmes ont développé des cliniques de santé sexuelle et reproductive pour échapper à la violence systémique sexiste de la médecine gynécologique-obstétrique. Et dès les années 1960, un peu partout en Occident, des mouvements de patients qui avaient été institutionnalisés dans des hôpitaux psychiatriques ont développé leurs propres ressources de santé mentale afin que leurs membres regagnent une autonomie sur leur corps et leur esprit. 

 

   Ce mouvement s’étend à d’autres groupes minoritaires victimes de discriminations, notamment capacitistes et sexistes dans l’accès au soin et la prise en charge médicale ou ayant fait l’expérience de soins inadaptés et de situations dans lesquelles les professionnels de la santé décident à leur place en raison, par exemple, de leur déviance par rapport aux normes sociales dans le cas des personnes utilisatrices de drogues injectables. Le self-help repose ainsi sur des revendications politiques fortes d’autodétermination des groupes minoritaires ou, à tout le moins, de leur implication dans l’élaboration des interventions et des soins qui leur sont adressés, à l’image du slogan « rien à propos de nous » sans nous (à propos de notre santé et, plus largement, des problèmes sociaux qui affectent notre communauté). 

 

   L’entraide mutuelle, bien que distincte du self-help, se situe au cœur des pratiques de santé alternatives aux institutions publiques et privées développées par ces groupes. Elle consiste en une aide réciproque, gratuite, non professionnelle (mais pas sans compétence) au sens où elle se fait entre patients et non entre les professionnels et les patients. L’idée que le partage d’expérience est une source de connaissance à part entière sur sa santé et que cette expérience peut être partagée entre pairs, c’est-à-dire des personnes avec une expérience similaire, se trouve ainsi au fondement de l’entraide mutuelle. Ce fondement est soutenu par des pratiques de co-décision qui font partie des revendications du self-help et qu’on retrouve dans l’expression « par et pour » les patients, même si cela n’exclut pas des alliances et des collaborations avec d’autres groupes de la population (proches, professionnels, universitaires). 

 

   Le terme d’auto-soin (self-care) est, quant à lui, de plus en plus utilisé dans le champ de la santé avec deux significations. La première, triviale, est celle qui est entre autres promue dans les magazines grand public de bien-être. Il s’agit de « prendre soin de soi » en faisant des activités ou en achetant des choses qui nous font plaisir. Cette injonction peut vite devenir culpabilisante, notamment pour les personnes qui ne peuvent pas se payer les activités de bien-être comme le spa, la retraite de méditation et les classes de yoga. La seconde est liée au contexte d’augmentation de la prévalence des maladies chroniques et utilisée dans les soins infirmiers pour désigner l’autonomisation des patients dans la prise en charge de leur maladie (facilitée par des guides, des outils et des instruments de mesure) sous la supervision de professionnels de la santé. 

 

   La notion d’auto-soin en usage dans les soins infirmiers a le mérite de placer les personnes en situation active par rapport à leur propre santé, de favoriser leur autonomie et de reconnaître les savoirs qu’elles détiennent pour prendre soin d’elles. En revanche, il n’a pas la portée politique du self-help, qui questionne la responsabilité des pouvoirs publics dans le maintien en santé des communautés, notamment les plus marginalisées, et n’a pas nécessairement la portée collective de l’entraide mutuelle. De ce point de vue, l’auto-soin peut avoir tendance à promouvoir une autonomie telle que conçue par les institutions sanitaires et les professionnels de la santé (et qui peut différer de celle promue par les communautés de patients) et réduire la santé à la seule responsabilité des personnes.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Outremangeurs Anonymes- Education Thérapeutique

Baptiste Godrie - Professeur adjoint à l’École de travail social, Université de Sherbrooke

Références :

Francine Saillant, Éric Gagnon, « Le self-care : de l'autonomie-libération à la gestion du soi », Sciences sociales et santé, 1996, Vol. 14, no. 3, p. 17-46.

Volona Rabeharisoa, Michel Callon, « Les associations de malades et la recherche », Médecine/sciences, 2000, no. 16, p. 945-949.

Pour citer cet article : Baptiste Godrie, "Self-help", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2021.

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