Peste bovine aux Pays-Bas en 1745, Gravure de Jan Smit
La Société Royale de Médecine (SRM) fut créée en 1778 et disparut avec l’ensemble des sociétés savantes en 1793. Elle avait été mise en place pour lutter contre les épidémies et les épizooties qui faisaient rage et pour labelliser les remèdes dits secrets qui faisaient le lit des charlatans. Plus généralement, il s’agissait d’organiser la santé publique en s’appuyant sur un triptyque : connaissance du terrain, fédération des compétences (incluant les liens avec les savants étrangers), actions, le tout s’appuyant sur une communication soutenue vers le public et le gouvernement.
Depuis Henri IV, c’est le premier médecin du roi qui autorisait la diffusion des remèdes secrets. Au début du XVIIe siècle, Pierre Chirac, lui-même premier médecin du roi, tenta de mettre en place une Académie de médecine, à l’instar de l’Académie de chirurgie qui venait d’être créée (1731) dans l’orbe de l’Académie des sciences (1666). Dès cette époque, l’avantage d’une commission était patent, qu’il s’agisse de la fédération des compétences ou du constat qu’une seule personne était facile à convaincre, voire à acheter.
Le projet de Chirac ne vit pas le jour en raison de l’opposition de la Faculté de Médecine de Paris qui entendait être le seul référent santé des gouvernants. D’autres tentatives avortèrent jusqu’à la création en 1772 de la Commission royale de médecine, à la suite du scandale révélé par Grimm, impliquant le premier médecin du roi, Jean-Baptiste Sénac, qui vendait les brevets. Cette commission, qui ne bénéficiait pas réellement de l’appui du gouvernement, disparut avec la création de la SRM.
En revanche, la SRM a été fermement soutenue par Louis XVI et son contrôleur général des finances (Turgot, puis Necker). Elle vit le jour suite à une crise sanitaire ayant entraîné une crise sociale et économique : une épizootie de peste bovine des années 1775, qui ravagea le sud-ouest. En réaction, en 1776, fut créée la Société Royale de Correspondance de Médecine, dont la mission était de colliger les informations relatives aux épidémies et épizooties. Elle devint en 1778 Société Royale de Médecine, chargée en outre de la labellisation des remèdes. Elle devait mener des recherches pour faire progresser la science médicale, rédiger « des instructions sur les objets qui concerneront la santé publique » et publier ses mémoires. En pratique, elle était le pôle d’expertise de la santé pour le gouvernement.
En ce qui concerne la labellisation des remèdes nouveaux, la SRM a défini la notion de nouveauté : il s’agit de leur composition, leurs propriétés, préparation ou administration. La première fonction de la SRM était de vérifier que la recette n’était pas connue (médicament usité dans la pratique ou dont la composition était imprimée dans le codex, c’est-à-dire le recensement officiel des remèdes). Ensuite était examiné si “ elle peut remplir les promesses ” que le possesseur annonce, “ si elle n’a aucun inconvénient pour la santé ”, et “ si on peut en faire honnêtement l’essai ». Des certificats de guérison accompagnaient la recette. La SRM pouvait tenter des essais en comparant l’efficacité des remèdes préparés par les « possesseurs de remèdes » et ceux préparés par les commissaires selon la recette communiquée. Les motifs de rejet des recettes soumises à la SRM ont été dans 52% des cas « n’apporte rien de nouveau », 19% « dangereux », 15% « inefficace » et 14% « composition informe ».
Autre domaine d’action, dans une perspective néo-hippocratique (unissant les contextes météorologiques et topographiques avec la survenue des maladies), elle réalisa pendant la durée de son existence une enquête liant météorologie et pathologies, la « topographie médicale ». En 1790, la SRM soumit à l’Assemblée nationale un « Plan pour la constitution de la médecine en France », dont l’application fut sans cesse repoussée avant d’être abandonnée. Il s’agissait d’une réforme d’envergure de la santé publique, tant sur le plan de l’enseignement (au lit des malades) que sur celui de l’accessibilité à des soins de qualité pour tous les citoyens ou encore de la coordination du savoir médical, incluant une évaluation rigoureuse. Il s’agissait de garantir des soins validés par des professionnels formés et de favoriser les progrès de la médecine. La problématique de l’inspection était également traitée.
Elle disparut suite au décret de la Convention Nationale de 1793 supprimant les académies et sociétés savantes. Félix Vicq d’Azyr, médecin anatomiste « père de l’anatomie comparée », membre des Académies des Sciences et Française, professeur au Jardin du roi (futur muséum d’histoire naturelle) et à l’Ecole vétérinaire, en fut le Secrétaire perpétuel. Avec son décès en 1794, la SRM perdit son plus ardent défenseur. Elle ne renaquit de ses cendres qu’en décembre 1820 sous forme d’Académie de Médecine. Elle est l’ancêtre des administrations de santé (y compris celles traitant de recherche en santé), les tentatives l’ayant précédée n’ayant pas eu son envergure.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Boite à remèdes - Médecine à distance - Officiers de santé
Références :
Histoire et mémoires de la Société Royale de Médecine et de Physique, tirés des registres de cette société, Didot, 1779-1790.
Gramain Pascale, Le monde du médicament à l'aube de l'ère industrielle -Les enjeux de la prescription médicamenteuse de la fin du XVIIIe au début du XIXe siècle, thèse Épistémologie, Histoire des Sciences et Techniques 1999, Publishroom, 2020
Pour citer cet article : Pascale Gramain, "Société royale de médecine" dans H. Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2021.