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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

SOS Amitié

Chad Varah, fondateur de l’association Samaritans, première organisation visant à l’écoute d’individus en situation de détresse.

SOS Amitié est une association aidant des personnes en détresse psychologique, mêlant actions sociales et sanitaires.

 

  SOS Amitié est fondée en 1960 à Boulogne-Billancourt par Georges Lillaz, homme d’affaires, et Jean Casalis, pasteur protestant. Reconnue d’utilité publique depuis 1967, l’organisation vise à fournir un accueil téléphonique tenu par des bénévoles en direction des personnes se sentant isolés socialement, voire projetant de se suicider. SOS Amitié n’est pas un projet né ex-nihilo en France de la seule volonté de ses fondateurs. Ceux-ci s’inspirent grandement de l'œuvre du prêtre anglican Edward Chad Varah et de son association Samaritans fondée en 1953. 

 

   Tout commence par ce qui aurait pu être un banal fait divers dans la ville de Lincoln en 1935. Le pasteur Chad Varah participe comme assistant du vicaire du comté du Lincolnshire à l’enterrement d’une jeune femme de quatorze ans, qui comme le rappelle le New York Times dans un article commémoratif en 2007, s’était donnée la mort car elle pensait « à tort que l’arrivée de ses règles ne signifie qu’elle souffrait d’une maladie vénérienne ». C’est cet événement qui amène le pasteur à réfléchir à la création d’une ligne d’écoute en direction d’individus en détresse. D’après les propres dires de Chad Varah, nommé en 1952 comme recteur de l’église Saint Stephen Walbrook, celui-ci découvre dans les décombres du bâtiment qui avait été partiellement détruit par les bombardements pendant la guerre un téléphone dont le numéro était le 9000. Avec ce numéro, il ouvre alors une première ligne téléphonique destinée aux personnes désespérées le 2 novembre 1953.

 

   SOS Amitié, dont le premier nom était « L’amitié S.O.S par téléphone », a calqué son fonctionnement sur celui des Samaritans et s’insère également au sein d’un réseau international d’association d’écoute. Les Samaritans font partie du Befrienders Worldwide fondé en 1974 par Chad Varah. Ce réseau revendique actuellement être présent dans 48 pays et compte pas moins de 90 centres d’appels. Pour ce qui est du réseau de SOS Amitié, celui-ci est fondé dès 1967, s’intitule Fédération Internationale des Services d’écoutes (Ifotes) et revendique être actuellement présent dans 24 pays avec pas moins 338 centres de téléphone sur le seul continent européen. Ce mode d’organisation internationale, qui n’est bien sûr pas rare pour une organisation non gouvernementale (ONG), rappelle celui des congrégations qui se sont elles aussi structurées à l’international autour des missions d’actions sociales et sanitaires. En ce sens, bien que laïques, ces associations perpétuent les valeurs du christianisme social en actualisant leurs manières d’agir en société et les problématiques qu’elles prennent en charge. 

 

   A la croisée de l’action sociale et de la santé, les deux associations partagent un même mode d’écoute  l’anonymat des écoutants, l’absence de conseil ou de suggestions à l’égard de l’écouté. Si d’un point de vue psychologique, ce mode d’action veut en premier lieu permettre à l'écouté d’exprimer son ressenti en toute liberté, d’un point de vue philosophique, nous pouvons y voir une résurgence de l’éthique protestante valorisant l’individualité et la capacité de chacun à trouver les propres raisons de son existence. A l'occasion de la création d’une antenne à Angers de SOS Amitié en mai 1989, un écoutant témoigne du rapport singulier qu’instaure ce mode d’écoute : « L'écoutant ne donne pas de conseils, n'est pas directif. Jamais, nous ne répondrons à la question «que dois-je faire ? ». Nous posons au contraire d'autres questions qui, peu à peu, amènent l'appelant à trouver lui-même la réponse. Voilà notre rôle : d'abord ramener la personne au calme lorsqu'elle est en état de grande crise, puis la faire réfléchir, la laisser envisager d'autres portes de sorties. » Cette méthode est inspirée des travaux de Carl Rogers, psychologue états-unien issu d’une famille baptiste, devenu par la suite athée. Celui-ci promeut la prise de conscience par les patients eux-mêmes des expériences qu’ils ont traversées et de comment en guérir, ce qu’il appelle la « congruence ». 

 

   Depuis les années 1970, les pouvoirs publics semblent vouloir prendre à bras le corps la question du suicide comme enjeu de santé public. Il serait donc, tout à fait naturel de s’attendre à une professionnalisation de la prise en charge des personnes en détresse psychologique en complément ou même au détriment de ces dites associations. Et pourtant, si l’on en reste sur le cas angevin, le programme VigilanS n’est mis en place qu’en 2019. Pour ce qui est de l’action de SOS Amitié, elle ne cesse de s'accroître. Cela se construit en partenariat avec d’autres associations dans le cadre de l’Union Nationale pour la Prévention du Suicide (UNPS), héritière de la Journée Nationale pour la Prévention du Suicide (JNPS) fondée en 1996 et qui vise à créer des évènements en direction du grand public sur la manière de prévenir le suicide. Mais cela se manifeste également par le bilan annuel que publie SOS Amitié mesurant la recrudescence d’actions menées par l’association pendant la crise du Covid et après. En 2003, le géographe Sébastien Fleuret, chercheur au laboratoire Espace et Sociétés (ESO) à l’Université d’Angers, s’intéresse à l’offre associative dans le domaine de la santé et tente d’en dégager une typologie. Il met en exergue le fait que le secteur associatif tend à pallier les manquements de l’Etat, tant pour des raisons budgétaires, que parce que les actions menées par ces associations se font à l’interstice de domaines mal définis au carrefour de la santé et du social.

 

   En définitive, SOS Amitié incarne bel et bien un modèle associatif original dans le domaine de la santé, tant par ces pratiques héritées du christianisme social, mais aussi de la psychologie anglo-saxonne que par sa place prépondérante dans l’offre d’accompagnements d’individus en situation de détresse.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Associations de patients

Antoine Marquis - Doctorant au laboratoire Temos à l'Université d'Angers

Références : 

Antoine Marquis, Suicide et actions publiques en région Pays de la Loire (1897-2002), mémoire d’histoire de deuxième année, dir. David Niget, Angers, Université d’Angers, 2024.

Rémi Rousseau, « SOS Amitié : conception et dispositif d’écoute », Le journal des psychologues, n° 267, 2009, p. 30-34.

 

Pour citer cet article : Antoine Marquis, "SOS Amitié", dans H. Guillemain, DicoPolHiS, 2024. 

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