Le spéculum est un outil médical qui permet d’écarter les parois du vagin pour permettre aux gynécologues de pouvoir faire tous les examens en ayant les deux mains libres. Il s’agit d’un instrument médical ancien, puisque des archéologues ont trouvé ces outils sur le site de Pompéi et de Herculanum. Cependant le spéculum n’a guère évolué depuis cette époque. Cela peut s’expliquer par le fait que les accouchements sont effectués par des matrones, des femmes dont le savoir est transmis oralement de génération en génération, et qui utilisent leurs mains plutôt que ces instruments auxquels elles n'ont pas accès. Quelques médecins pratiquaient des accouchements mais cela était rare, le plus souvent au service des maîtresses du roi ou encore de celui des reines.
La Révolution Française est le point de départ d’une sorte de renaissance gynécologique. D'abord la connaissance du corps de la femme devient une priorité. En effet, en 1794, l’Etat va créer trois écoles de médecine pour former notamment à l’obstétrique. Elles doivent répondre à l'augmentation de la mortalité en couche, particulièrement forte en France. Ces écoles donnent des cours de vaccination, d’accouchement et privilégient les exercices pratiques qui peuvent être réalisés sur des cadavres, sur des mannequins ou lors d'accouchements. En 1802, Jean-Antoine Chaptal, homme politique et chimiste français, crée l’école de sages-femmes de l’Hospice de la maternité de Paris. En 1793, une loi est promulguée pour apporter assistance aux femmes en couche, texte qui intervient après un constat alarmant sur les conditions des femmes en couche. En effet il n’y a pas de maternité à cette époque ; ce sont des services dédiés qui se trouvent à l'intérieur des hôpitaux qui font les accouchements et dont nous avons connaissance grâce aux archives. Or ces services sont de véritable mouroirs car l’air y circule mal et la proximité de certains services de malades favorise une contagion mortelle. Les écoles qui ont vu le jour en France vont permettre de former un personnel qualifié et par conséquent de commencer à réduire la mortalité.
Après ces réformes, le XIXe siècle est marqué par un nouvel essor du spéculum. En effet, plusieurs médecins modernisent l’outil pour faciliter les consultations. En 1801, le médecin Joseph Récamier invente deux types de spéculum, l’un qui est plein et un autre que l’on appelle bivalve. Très vite ce dernier est utilisé car de forme conique il est simple à mettre en place et fabriqué en étain il permet une meilleure vision à l’intérieur du vagin. D’autres spéculums voient le jour au XIXe siècle : celui de Guillaume Dupuytren et de Ricord. Les sages-femmes vont elles aussi participer à améliorer cet outil. C'est le cas de Marie-Anne Boivin qui va ajouter un embout arrondi qui permet de moins faire souffrir les femmes lors de sa mise en place. Ce dernier aussi est fait en métal, ce qui permet un nettoyage efficace.
Cependant ces outils n’enthousiasment pas toute la société car leur mise en place est compliquée et peu agréable pour la patiente. Par respect de la pudeur des femmes, le médecin examine souvent la patiente sous un drap ou alors cette dernière garde ses vêtements. Utiliser un spéculum pouvait donc heurter la sensibilité de ces femmes et la plupart des médecins les examinaient juste par un touché vaginal.
Certains médecins, comme le chirurgien James Marion Sims, vont transgresser les lois pour améliorer le spéculum. Ce médecin est aujourd’hui connu pour avoir acheté des esclaves et pratiqué des opérations sur des femmes sans leur autorisation et sans anesthésie. Ce médecin a pu opérer ces femmes sans leur autorisation car jusqu'en 1865 les esclaves étaient considérées comme des biens personnels. La plus célèbre est Mary Smith, qui a été opérée plus de trente fois par ce médecin. Ces opérations permettaient à ce médecin de mettre au point des techniques chirurgicales comme la clitoridectomie, intervention consistant à enlever une partie ou la totalité du clitoris. Compte tenu de sa funeste réputation, la statue qui le représente a été enlevée à Central Park.
Au XXIe siècle, de nombreuses femmes pointent du doigt ces instruments d'un autre temps qu'elles trouvent inconfortables. Les gynécologues sont aussi pointés du doigt pour des faits de violence gynécologique, certains d'entre eux n'hésitent pas à introduire ces instruments sans l'accord de la patiente.
Prolonger sa lecture dans le dictionnaire : Césarienne - Hymen - Clitoris
Références :
Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Naître à l’hôpital au XIXe siècle, Belin, Paris, 1999.
Jacques GELIS, La sage-femme ou le médecin : une nouvelle conception de la vie, Fayard, Paris, 1988.
Pour citer cet article : Charlotte Lerouvillois, "Speculum", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2020.