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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Stress au travail

Hans Selye, The Stress of Life (1956).

Différentes approches issues des sciences humaines et sociales ont contribué à donner une vision complexe du phénomène du stress au travail. 

 

   Le stress est défini par l’OMS comme « un état d’inquiétude ou de tension mentale causé par une situation difficile ». Les premières études sur le stress sont généralement attribuées à Hans Selye, un médecin endocrinologue né à Vienne en 1907, qui poursuivit une carrière de chercheur au Canada. Influencé par les travaux de Walter Cannon, il s’attacha à mettre en évidence les mécanismes physiologiques du stress, qu’il qualifie d’abord de “syndrome général d'adaptation” en 1936. Les travaux de ces deux auteurs ont eu une influence importante sur les recherches dans le champ de la santé au travail puisqu’ils ont contribué à établir que des stimuli stressants – y compris de nature psychosociale – pouvaient donner lieu à des réactions physiologiques responsables de pathologies (maladies cardiovasculaires…) à plus long terme. 

 

   En 1949, la création de l’Institut pour la recherche sociale (Institute for Social Research, ISR) de l’université du Michigan témoigne du « sentiment d’urgence » qui animait les chercheurs en SHS désireux de proposer des solutions face aux problèmes de société émergeant pendant ou à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En outre, les années d’après-guerre étaient caractérisées par un intérêt grandissant pour les dimensions psychosociales du travail (leadership, satisfaction au travail…), mais aussi pour la santé mentale, du fait des effets traumatiques de la guerre. 

 

   C’est dans ce contexte que des modèles permettant d’expliquer les effets du travail sur la santé sont élaborés, dès les années 1960, par des psychologues sociaux de l’ISR. John French et Robert Kahn, notamment, ont mis en place un programme de recherche initialement nommé « Santé mentale dans l’industrie », conduit en collaboration avec des médecins et des épidémiologistes. Ces recherches font partie des premiers travaux scientifiques contribuant à identifier les caractéristiques du travail sources de stress et leurs effets à plus long terme sur la santé et le bien-être des travailleurs. Les évolutions conceptuelles ainsi établies par les chercheurs de l’ISR (puis par d’autres ; voir notamment l’approche « Person-environment fit ») ont permis d’enrichir les explications basées sur le modèle « stimulus-réponse », hérité des conceptions physiologiques, en tenant compte de l’expérience subjective des travailleuses et travailleurs. 

 

   Dans les années 1970, le sociologue américain Robert Karasek développe un modèle bidimensionnel devenu incontournable dans la littérature scientifique. Ce dernier met en évidence les effets protecteurs de l’autonomie décisionnelle des travailleurs face au stress lié aux exigences professionnelles. Dans l’article présentant ce modèle, publié en 1979, Robert Karasek précise toutefois qu’il ne permet pas de prédire directement le niveau de stress, mais plutôt celui de tension psychologique (« job strain »). Karasek s’est appuyé sur une tradition de recherche suédoise, en se référant notamment aux travaux du psychologue Bertil Gardell. Ce dernier s’intéressait aux relations entre l’autonomie des travailleurs et leur santé mentale, sous l’angle du concept d’aliénation. La recherche sur les déterminants psychosociaux de la santé au travail était alors florissante dans les pays nordiques, et encouragée par les organisations syndicales qui se montraient par ailleurs critiques à l’égard des études centrées sur les aptitudes individuelles et la sélection du personnel. Les travaux issus de ce courant de recherche scandinave ont apporté des preuves empiriques quant aux effets des caractéristiques « structurelles » de l’environnement professionnel sur le stress et la santé des personnes. Ce faisant, ils ont souligné l’importance d’agir sur les déterminants organisationnels du stress, par exemple par le biais de la redéfinition des tâches (job redesign) afin d’accroître l’autonomie décisionnelle.

 

   En parallèle, dès la fin des années 1970, des travaux anglo-saxons mettent l’emphase sur les processus évaluatifs en jeu dans le stress lié au travail, en référence à l’approche transactionnelle du stress développée dans un premier temps par Richard Lazarus. Depuis quelques décennies, cette approche trouve un certain écho au sein des milieux professionnels par le biais d’interventions visant à aider les salariés à mieux réagir à des situations stressantes. Cette tendance à privilégier des modes d’action individuels pour intervenir sur le stress au travail entre toutefois en contradiction avec la « logique » propre à la directive-cadre européenne relative à la sécurité et à la santé au travail, adoptée en 1989. En effet, cette dernière oblige les employeurs à prendre les mesures adéquates pour préserver la santé des travailleurs, en privilégiant l’adaptation du travail à l’homme, et ce faisant l’action sur les causes organisationnelles du stress au travail. 

 

Prolonger la lecture : Coaching- DSM

Virginie Althaus - Maître de conférences en Psychologie du travail - Psychologue Laboratoire CRFDP, équipe "Vulnérabilités" - Université de Rouen Normandie

Références :

Virginie Althaus, Kop, J.-L., & Grosjean, V. (2013). Critical review of theoretical models linking work environement, stress and health : towards a meta-model. Le Travail Humain, 76(2), 81-103. 

Barling, J., & Griffiths, A. (2003). A history of occupational health psychology. In J. C. Quick & L. E. Tetrick (Eds.), Handbook of occupational health psychology (pp. 19–31). American Psychological Association. 

 

Pour citer cet article : Virginie Althaus, "Stress au travail" dans H. Guillemain, DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024. 

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