Brochure de l'office rhodanien pour le logement social, Orloges, 2010.
En France, selon le décret du 14 mars 1986, les appartements thérapeutiques sont des lieux d'hébergement, de réinsertion sociale et de soins, où le personnel soignant doit être présent quasiment en continu. Le terme d’« appartement thérapeutique » recouvre en réalité des dispositifs assez hétérogènes, qui sont qualifiés de façons diverses : appartements associatifs, appartements d’essai, et appartements communautaires ou protégés au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Suède.
Ces logements se sont développés dans le sillage des réformes qui ont marqué les soins psychiatriques dans de nombreux pays occidentaux au cours des années 1960 et surtout 1970 et 1980. En France, cette réorganisation s’est traduite par la « sectorisation », c’est-à-dire le passage d’un système hospitalo-centré à une offre de soins décentralisée, mais aussi par la spécialisation des hôpitaux psychiatriques – dont la vocation d’hébergement s’effaçait – dans l’accueil des malades les plus en difficulté, et par le maintien et la réinsertion des patients dans la société. D’où la nécessité de loger les patients hors-les-murs.
Parmi les solutions alors proposées, les appartements thérapeutiques se distinguent par un projet visant l’acquisition, par les patients, d’un degré d’autonomie important. Ces logements, individuels ou collectifs, disposent d’un accompagnement médico-social plus ou moins important, interne ou externe. Cette hétérogénéité reflète la diversité des situations des malades et de leur environnement social, médical et urbain. Elle s'explique aussi par la conviction des soignants que les patients pourront évoluer et passer d'un type de logement à un autre. Le système du « bail glissant » permet ainsi d’accompagner les résidents d’un logement adapté vers un logement ordinaire.
En France, les premiers appartements thérapeutiques sont créés par des associations, le plus souvent en lien avec les malades, leurs familles et les équipes des secteurs psychiatriques. Mais ils sont peu nombreux car le cadre réglementaire n’est pas clair et qu’une partie des soignants doutent de leur efficacité thérapeutique et sociale et de leur viabilité financière. Le décret du 14 mars 1986 et la loi Besson de 1990 mettent un terme à ce flou juridique et financier. En outre, l'accélération de la déshospitalisation à partir du IXe Plan (1984-1988) stimule le développement d’hébergements extra-hospitaliers. Ils deviennent aujourd’hui indispensables dans un contexte où 80 % des patients des secteurs sont suivis dans le cadre de soins ambulatoires et souhaitent, en lien avec des soignants, résider à proximité de ces structures de soins déconcentrées. Cette évolution est identique à celle des pays voisins, où, cependant, les places d’hébergement extra-hospitalier sont beaucoup plus nombreuses.
Les appartements thérapeutiques au sens strict de la circulaire française de 1986 ont peu progressé en nombre. Ainsi, en 1987, seuls 16% des secteurs déclarent pratiquer ce type d’hébergement ; en 1990, 1 200 patients y sont logés, et, en 2012, 1 056 places de ce type sont recensées. En revanche le nombre d’appartements thérapeutiques au sens large a augmenté à partir des années 1990, même s’il est difficile aujourd'hui de donner un ordre de grandeur précis, parce qu’il s’agit d’appartements banalisés, insérés dans le tissu urbain ordinaire et gérés par une pluralité de bailleurs, dont une bonne part n’est pas spécialisée dans l’accueil de publics spécifiques.
Les appartements thérapeutiques ne constituent qu'une très faible part des hébergements thérapeutiques. Pourtant certaines pratiques qui y ont été expérimentées se sont largement diffusées : bail-glissant, rôle pivot des structures intermédiaires, étroite collaboration entre des acteurs agissant dans diverses sphères de la vie sociale. Aujourd'hui, ces procédures sont même utilisées pour accompagner un public plus large, qui ne présente pas de pathologie mentale mais qui est en situation de souffrance psychique. Il s'agit souvent de populations qui sont en difficulté d'insertion ou de ré-insertion, et que la précarité rend particulièrement vulnérables sur le plan psychique. C'est dans le parc HLM que se manifestent le plus clairement ces difficultés, notamment parce qu’il accueille une partie croissante des publics vulnérables à tous points de vue. D'où l'importance du rôle des acteurs, notamment associatifs, qui se situent à la croisée de l'action sociale, du suivi thérapeutique et de l'accès au logement.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Asile - Droit aux soins - Financement de l'hôpital psychiatrique
Références :
Alexandre Klein, Hervé Guillemain et Marie-Claude Thifault (dir.), La fin de l’asile ? Histoire de la déshospitalisation psychiatrique dans l’espace francophone au XXe siècle, Presses Universitaires de Rennes, 2018.
Livia Velpry et Benoît Eyraud, « De la critique de l’asile à la gestion de l’offre en santé mentale : une désinstitutionnalisation à la française de la psychiatrie ? », Revue française d’administration publique, 2014, p. 207-222.
Pour citer cet article : Gwenaëlle Legoullon, "Appartements thérapeutiques" dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2022.