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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

École de sages-femmes

Si aujourd’hui pendant leur grossesse, certaines femmes se tournent vers des doulas, au début du XIXe siècle, les femmes se sont progressivement dirigées vers des professionnelles de santé correctement formées : les sages-femmes. École de Médecine et de Pharmacie : cours aux élèves sages-femmes à la Maternité, Angers, photographie de la fin du XIXe siècle © Archives départementales du Maine-et-Loire.

   Si aujourd’hui pendant leur grossesse, certaines femmes se tournent vers des doulas, au début du XIXe siècle, les femmes se sont progressivement dirigées vers des professionnelles de santé correctement formées : les sages-femmes. 

 

   L’école de sages-femmes de Marseille ouvre le 1er juillet 1826. Sa création répond à l’obligation pour chaque département de posséder une école de sages-femmes, mise en place par la loi du 10 mars 1803, officialisant cette profession. Dès la fin des années 1810, les autorités municipales et médicales marseillaises discutent de ce projet. L’école marseillaise se calque alors sur le modèle parisien. 

 

   Cette école est d’abord destinée à recevoir des femmes venant des milieux ruraux et pauvres. Le recrutement de ces futures élèves âgées de 18 à 35 ans bouscule les mentalités des campagnes. En effet, si en ville, les matrones ont déjà pris l’habitude de former leurs filles, dans les campagnes, ce sont souvent des femmes âgées qui légitiment leurs savoirs à partir de leurs expériences personnelles. Les maires des campagnes doivent donc convaincre des parents de laisser leurs jeunes filles célibataires aller à la ville étudier l’art de l’accouchement. De plus, l’obligation de savoir lire et écrire entraîne une autre difficulté pour recruter des jeunes filles des campagnes. Pour encourager des élèves à étudier, des bourses sont offertes par le département et/ou la commune en échange de la promesse d’exercer deux ans dans une commune rurale une fois le diplôme obtenu. Cependant, même en échange d’une telle bourse, le recrutement durant les premières années apparaît difficile pour des maires de petites communes. Le maire d’Istres explique par exemple au préfet des Bouches-du-Rhône que les femmes aisées qui savent lire ne se destinent pas à cette profession tandis que celles qui accepteraient éventuellement d’intégrer l’école ne savent en fait ni lire, ni écrire et parfois ne peuvent s’absenter de chez elles une année entière. Car rappelons-le, le règlement instaure l’obligation d’un enseignement en internat. 

 

   Dès 1828, la Commission administrative des hospices civils de Marseille fait donc preuve de pragmatisme. Parfois des élèves ne sachant ni lire ni écrire sont autorisées à entrer à l’école de sages-femmes à l’image de la demoiselle Rosalie Emeric en 1831. Les ambitions revues légèrement à la baisse permettent d’assurer un recrutement continu d’élèves. En 1832, 18 élèves sont inscrites, en 1842 elles sont 14. Cette réussite peut s’expliquer aussi par l’urbanisation rapide du département des Bouches-du-Rhône et donc la baisse des solidarités féminines dans les campagnes, créant ainsi un besoin spécifique de nouvelles professionnelles de l’accouchement. L’implantation dans un quartier pauvre, comme à Paris, permet la confrontation au réel dès le début. Pour l’année 1832, les élèves pratiquent en moyenne six accouchements par an. En réalité, cette moyenne masque des disparités importantes, par exemple mademoiselle Anglaisy pratique un accouchement alors que mademoiselle Bianchi en compte au moins 13. 


   Finalement, quels sont les savoirs enseignés durant ces premières années ? L’organisation bicéphale de l’enseignement avec le professeur accoucheur et la maîtresse sage-femme reprend le modèle formé par le duo parisien Jean-Louis Baudelocque et Marie-Louise Lachapelle. Les fonctions des formateurs marseillais se répartissent exactement comme à Paris : le professeur accoucheur s’occupe de la partie théorique en donnant deux leçons par semaine tandis que la maîtresse sage-femme s’occupe de la partie pratique quotidiennement. Les savoirs enseignés sont très ambitieux et s’appuient encore une fois sur le modèle parisien. L’enseignement repose sur les mêmes ouvrages que ceux de l’école parisienne, c’est-à-dire qu’il s’appuie sur le Catéchisme de Baudelocque, le Mémoire historique et instructif de Baudelocque et Le Mémorial sur l’Art des Accouchements de Marie-Anne Boivin. Ces savoirs théoriques et pratiques permettent de former des sages-femmes ayant des connaissances solides dans l’art de l’accouchement, mais également dans la période post-partum, en puériculture et donc aussi dans la vaccination. Les sages-femmes étant en contact direct avec les populations éloignées des médecins, elles deviennent des relais de la vaccination antivariolique. La loi du 10 mars 1803 n’évoque pas ce rôle pourtant très rapidement les sages-femmes sont mises à contribution. La vaccination est inscrite dans les cours de l’hospice de la Maternité de Paris dès 1810, et dès son ouverture officielle en 1826, l’école de sages-femmes forment à la vaccination. Ces femmes deviennent dès le début des années 1830 le relais des élites médicales auprès de couches sociales éloignées de ces dernières dans le département des Bouches-du-Rhône.  

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Accouchement à l'hôpital - Dr Quinn - Femmes médecins 



Soizic Morin - Docteure en histoire contemporaine, TELEMMe, AMU.

Références :

Olivier Faure, « Les sages-femmes en France au XIXe siècle : médiatrices de la nouveauté ». In : Patrice Bourdelais, Olivier Faure, Les nouvelles pratiques de santé, XVIIIe-XXe siècles, Belin, 2005, p. 157-174.

Nathalie Sage-Pranchère, L’école des sages-femmes, Naissance d’un corps professionnel, 1786-1917, PUFR, 2016, 420 p.

 

Pour citer cet article : Soizic Morin, “École de sages-femmes”, dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2023.



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