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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Holisme

Le holisme médical renvoie à une attitude médicale qui s’accompagne souvent de revendications politiques.Caricature de Maxime Laignel-Lavastine (1875-1953), figure de proue du holisme médical d’entre-deux-guerres, connu pour ses travaux sur le système nerveux sympathique. Revue Chanteclair, 1928. Le holisme médical renvoie à une attitude médicale qui s’accompagne souvent de revendications politiques.
 

   Plus précisément, il s’agit d’une attitude qui consiste à concevoir le corps humain d’une manière systémique, comme un tout aux aspects physiques et psychiques interconnectés inscrit dans un environnement spécifique, et à appréhender, en premier lieu, la globalité de ce terrain pour soigner son patient.

  

   Les origines de ce concept ne sont cependant pas médicales. « Holisme », de l’anglais « holism », est un néologisme qui apparaît en 1926 sous la plume de l’homme d’État et philosophe sud-africain Jan Christiann Smuts (1870-1950) pour désigner « ce facteur fondamental opérant la création de totalités dans l’univers », de l’atome jusqu’à la personnalité humaine. Par extension, Smuts perçoit la Société des Nations, dont il est l’un des principaux artisans, comme « l’expression de l’aspiration profonde à une société humaine holistique plus stable ».

 

   Ce terme philosophique aux fortes implications politiques se trouve par la suite employé par certains historiens pour caractériser l’attitude médicale susmentionnée, qui se révèle commune à de nombreux praticiens au point de pouvoir être considérée comme classique chez les médecins prémodernes. À partir de la fin du XIXe siècle, toutefois, cette attitude s’inscrit plutôt en opposition à la tendance médicale dominante héritée de la révolution pasteurienne, qu’elle juge trop réductionniste, trop dépendante du laboratoire et trop centrée sur le microbe.

 

   Le holisme médical constitue ainsi un concept historiographique aux contours larges réunissant, entre autres acteurs, des médecins naturistes, qui prônent une réforme des modes de vie par un retour à la nature, des homéopathes, qui défendent une thérapeutique par des substances diluées jusqu’à l’infinitésimalité, mais aussi des professeurs de faculté à la foi chrétienne affirmée, désireux d’une prise en compte de l’âme dans la pratique médicale. Ces médecins aux conceptions diverses possèdent en commun cette attitude spécifique, qui permet parfois de les réunir et qui connaît un important essor durant l’entre-deux-guerres. À cette période, elle s’insère dans un mouvement plus général de réaction aux bouleversements apportés par la modernité.

 

   La médecine synthétique ou néo-hippocratique, pour employer le vocabulaire des médecins de l’époque, est pensée par certains d’entre eux comme le remède à un monde étouffé par le matérialisme et le scientisme. Deux philosophies qui auraient apporté les bombes et les gaz sur les tranchées. Selon cette perspective, la médecine comme la société sont mal orientées, et un monde nouveau, hautement désirable, doit s’accompagner d’une médecine nouvelle, qui donne au médecin un rôle crucial. Celui-ci doit non seulement soigner les malades pris dans leur individualité, prévenir les maladies susceptibles de les toucher, mais également orienter socialement et professionnellement les individus selon leurs capacités, et, par-là, guider l’humanité.

 

   Pour le Dr Paul Carton (1875-1947), médecin naturiste et par ailleurs lecteur de L’Action Française, le médecin participe à l’œuvre de redressement collectif en facilitant la réforme des individus. Selon lui, « la seule voie de salut qui s’offre, pour améliorer le sort de l’humanité, […] c’est l’éducation des masses par l’enseignement des lois synthétiques de la santé physique et morale » ; tandis que pour l’homéopathe Léon Vannier (1880-1963), médecin et ami de Maurice Barrès (1862-1923), « le malade n’est plus seulement un Cas mais un Être dont [le médecin] a la charge et qu’il a le devoir de diriger et d’orienter dans le sens de la pleine réalisation de ses possibilités ».

 

   Comme les particularités biographiques de ces deux médecins le laissent suggérer, le holisme médical français a pu entretenir des accointances avec l’extrême-droite. Avec le fascisme sous la Troisième République, comme l’illustre la participation des Drs Marcel Martiny (1897-1982) et Pierre Winter (1891-1952) à la revue Plans, ou plus tard avec le régime vichyste, ainsi que l’atteste la Fondation française pour l’étude des problèmes humains du Dr Alexis Carrel (1873-1944). Cependant, le holisme médical ne se confine pas à un côté de l’échiquier politique : l’exemple du holistic health movement, qui accompagne le New Age et des revendications politiques féministes et écologistes à partir des années 1960-1970, est notamment là pour le démontrer.

 

   En effet, si le holisme médical a surtout fait l’objet d’études historiques concernant la première moitié du XXe siècle, l’attitude médicale à laquelle il renvoie se retrouve également avant et après cette période, chez des acteurs aux profils fort différents et susceptibles d’être, à ce titre, animés par des perspectives politiques elles aussi différentes, malgré leur holisme commun.

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Naturisme- Homéopathie

Léo Bernard – École Pratique des Hautes Études (Université PSL)

Références :

Léo Bernard, Hippocrate initié. Courants ésotériques et holisme médical en France durant l’entre-deux-guerres, thèse de doctorat en histoire des religions et anthropologie religieuse, École Pratique des Hautes Études – Université PSL, 2021.

Christopher Lawrence (dir.), George Weisz (dir.), Greater Than the Parts: Holism in Biomedicine, 1920-1950, Oxford University Press, 1998.

Pour citer cet article : Léo Bernard, "Holisme", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHis, Le Mans Université, 2021.

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