Carte des cas de choléra dans le quartier de Soho en 1854, réalisée par John Snow.
Le nom de John Snow n’évoque pas seulement un personnage important de la série télévisée Game of Thrones. Ce nom est aussi celui d’un médecin anglais du XIXe siècle qui a bousculé les codes scientifiques de l’époque, en trouvant l’origine de l’épidémie de choléra de Soho en 1854 et en inventant, par la même occasion, une nouvelle discipline. Au XIXe siècle, la théorie dominante pour expliquer l’origine des épidémies est la théorie des miasmes. Cette théorie, ancrée dans la pensée scientifique de l’époque, remonte à Hippocrate et stipule que les maladies se transmettent par l’air souillée à cause des mauvaises odeurs émises par les corps putréfiés et les immondices. Or, en 1854, un jeune médecin du nom de John Snow récuse cette théorie.
Médecin anglais né en 1813 et mort en 1858, John Snow est connu pour ses travaux sur l’anesthésie (il est le premier à réaliser un accouchement, celui de la reine Victoria, sous anesthésie), mais il est aussi célébré comme le père fondateur de l’épidémiologie. Elle est « une science qui étudie, au sein des populations, la fréquence et la répartition des problèmes de santé dans le temps et dans l’espace, ainsi que le rôle des facteurs qui les déterminent ». Assistant médecin lors de l’épidémie de choléra de 1832, John Snow est atteint par cette maladie en soignant des miniers. Pendant son expérience, il doute de la théorie des miasmes. En effet, il est pour lui impossible que les miasmes se soient multipliés à l’intérieur de la mine. Dès lors, John Snow émet l’hypothèse que le choléra est transmissible physiquement et non par voies aériennes. Pour appuyer sa théorie, il prend exemple sur celle des « contages », stipulant qu’une bactérie peut se reproduire seule.
Ses premiers travaux, affirmant que les organismes responsables du choléra se multiplient dans les intestins et peuvent transiter chez une autre personne par l’eau, ont très peu d’écho. Snow est d’ailleurs renié par les scientifiques et politiques de l’époque après ses découvertes. En 1848, lors d’une deuxième épidémie de choléra, il met en place une étude afin de trouver l’origine de l’épidémie à Londres. Cette étude, alors appelée The grand experiment, doit permettre à Snow de confirmer son hypothèse. Persuadé que la maladie se transmet par l'eau, il étudie les quartiers de Londres desservis par deux compagnies de distribution d'eau. Ces deux compagnies avaient changé de stratégie après l’épidémie de 1832. À la suite de sa grande enquête faite auprès des malades atteints du choléra, il s’aperçoit que les habitants des quartiers desservis par la première compagnie (qui puise l’eau contaminée de la Tamise) sont plus durement touchés que les habitants des quartiers desservis par la deuxième (qui puise une eau saine).
Lors de la troisième épidémie dans le quartier de Soho en 1854, John Snow cartographie le nombre de résidents morts du choléra dans le quartier. À l'aide de cette carte, il découvre que la majorité des contaminations ont lieu autour de la pompe de Broad Street. Dès lors, il ordonne aux autorités de faire condamner la pompe. Une fois la pompe condamnée, la propagation du virus s'atténue dans le quartier. Plus tard, les recherches du révérend de Whitehead démontreront que l'eau de la pompe de Broad Street était souillée par les déjections d'un nourrisson atteint du choléra.
Ce célèbre épisode de la pandémie de choléra de 1854 à Soho est aujourd'hui considéré comme l’acte fondateur de la science épidémiologiste. En effet John Snow, grâce à la combinaison d'une enquête de terrain, de la production d’une liste de malades et de la répartition des morts sur une carte, invente l’épidémiologie moderne. Avec cette méthode il fait d’une pierre deux coups car il découvre à la fois la source de l’épidémie, le mode de contamination du choléra et il invente une nouvelle science. Malgré tout, on peut retrouver des similitudes entre les statistiques effectuées par William Farr quelques années plus tôt et le travail de John Snow qui s'en est fortement inspiré.
Les conclusions de John Snow sont très peu relayées par les savants de l’époque. En effet, celles-ci vont à l’encontre des recommandations scientifiques. Dès lors, celui-ci est boycotté et de nombreux journaux, tels que le Lancet, fustigent ses recherches. Il faut attendre la grande puanteur de Londres en 1858, et l'odeur putride émise par la Tamise, pour que les premiers travaux sur le système d’égouts soient effectués par Joseph Bazalgette. Les travaux de John Snow ne seront véritablement reconnus qu’après les découvertes de Robert Koch sur le vibrion du choléra.
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Références :
Leonard Heyerdahl, « Anthropologie multisituée des économies du risque de choléra. Savoir, pratiques et technologies (Côte d’Ivoire). », Anthropologie sociale et ethnologie, Université de Lyon, 2019, p. 36-49.
Patrick Zylberman, « L’intestin de la grande ville. Les égouts et l’hygiène à Paris à la fin du XIXe siècle. », Les tribunes de la Santé, 2017, Vol. 3, n°56, p. 21-28.
Pour citer cet article : Titouan BOIS, "John Snow", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2021.