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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Sécurité sociale

Le 10 mai 1944, différents représentants des pays Alliés signent la Déclaration de Philadelphie qui définit les nouveaux objectifs de l’Organisation Internationale du Travail et annonce la volonté de créer de nouveaux systèmes de sécurité sociale.“Fermons la porte à la misère”, Affiche de la Sécurité Sociale, 1945.
   Le 10 mai 1944, différents représentants des pays Alliés signent la Déclaration de Philadelphie qui définit les nouveaux objectifs de l’Organisation Internationale du Travail et annonce la volonté de créer de nouveaux systèmes de sécurité sociale.

 

   Ce type de projet se retrouve en France. En 1944, le Conseil National de la Résistance annonce vouloir mettre en place un régime “assurant à tout citoyen des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail”. À la Libération, la population française témoigne d’une forte volonté de changement et de renouveau des institutions, rendues responsables de l’humiliation de la guerre. Le climat politique en France est favorable à une réforme des institutions de protection sociale car les puissants lobbys patronaux sont sortis grandement affaiblis de la guerre, renforçant le poids politique des syndicats comme la CGT, qui sont favorables à une transformation du système de santé.

 

   Ce projet de réforme est initié en octobre 1944 au sein du ministère du Travail par la direction générale des Assurances sociales, dirigée par Pierre Laroque. Sa première préoccupation est de penser un plan qui serait en accord avec la situation sociale et économique de la France. Ainsi même si le Parti Communiste militait au sein du GPRF pour que l’État intervienne directement dans la gestion et les finances des caisses de la Sécurité Sociale, c’est un concept plus traditionnel de cotisations sociales qui est choisi. Avant la Seconde Guerre mondiale ce système existait déjà pour les ouvriers et agriculteurs ce qui permettait de couvrir certains congés maladies et congés maternité ou de bénéficier d’indemnités en cas d’invalidité ou de décès.


   Le projet imaginé par l’équipe de Pierre Laroque prévoit la fusion des législations des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail afin d’assurer une meilleure efficacité dans les indemnités et d’uniformiser les allocations pour éviter que des personnes se retrouvent en dehors du système. Le chômage n’est pas intégré dans ce nouveau régime car la France était alors en pénurie de main-d'œuvre et le chômage n’était pas vu comme un problème vraiment important.

 

   La gestion des caisses de la Sécurité sociale est confiée à des représentants des employeurs et des assurés, ces derniers étant en majorité. Ce nouveau rapport de force n’est pas seulement imaginé pour permettre aux assurés un meilleur bien être matériel, mais pour créer un ordre social nouveau dans lequel les travailleurs auraient leurs pleines responsabilités. Les syndicats obtiennent les deux tiers des sièges de la commission de contrôle tandis que le patronat obtient le tiers restant.

 

   Le projet de Sécurité sociale commence à être discuté par les différentes parties à partir du 9 juin 1945. Les représentants de chaque système de cotisations existant précédemment sont présents, ainsi que les principaux syndicats, mais aussi des représentants de l’État comme Pierre Laroque. Si tous sont d’accord sur le fait que le système de cotisation à besoin d’être réformé, la discussion se crispe autour du principe d’une caisse unique pour l’ensemble des allocations. Les représentants patronaux pensent que la disparition des caisses locales, comme celle qui existe en Alsace-Moselle depuis 1918, serait une privation de liberté pour les assurés. De l’autre côté, les syndicats défendent le fait que les salariés ne sont pas libres de choisir leur caisse et donc qu’un système unique serait plus à même d’apporter la justice sociale et l’équité entre les salariés. Les négociations entre le patronat et la CGT rythment une grande partie des discussions sur la réforme.


   Les syndicats sortent victorieux de ces négociations et le 19 octobre 1945 le nouveau régime de la Sécurité sociale est institué par ordonnance. Les allocations des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents de travail sont fusionnées. Pourtant certains régimes spéciaux subsistent toujours, par exemple les cheminots de la SNCF peuvent garder leur régime de cotisation particulier. La Sécurité sociale étend la protection sociale à de nouveaux besoins. L’assurance longue maladie permet à présent de couvrir les soins concernant les maladies chroniques, comme la tuberculose, qui étaient nombreuses au sortir de la guerre.


   La centralisation des caisses de Sécurité sociale n’est pas le principal changement instauré par cette réforme. En confiant aux syndicats la majeure partie du pouvoir de gestion des caisses de la Sécurité Sociale, l’État renverse le rapport de force entre travailleurs et employeurs sur les cotisations. Sans cela, les syndicats n’auraient pas adhéré au projet de réforme, jugeant que les assurances sociales gérées par le patronat étaient un outil de contrôle des salariés. Le tour de force de la réforme de la Sécurité Sociale est donc de créer un système de cotisation reposant uniquement sur les salaires sans nécessité d’intervention de l’État pour permettre l’existence du système.

 


Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Ministère de la Santé - Associations de patients - Droit aux soins

Jonas Eveilleau – Le Mans Université

Références :
Bruno Valat, « Les retraites et la création de la Sécurité sociale en 1945 : révolution ou restauration ? », Revue d'histoire de la protection sociale, 2020, vol. 13, n°1, p.36-53.

Éric Jabbari, « Pierre Laroque et les origines de la Sécurité sociale », Informations sociales, vol. 189, n°3, 2015, p.12-19.

 

Pour citer cet article : Jonas Eveilleau, "Sécurité sociale", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2022.

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