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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Canicule 1911

L’épisode caniculaire entre août et septembre 1911 prend la forme d’une crise sociale en France. “Les méfaits de la chaleur. Une victime de l’insolation”, Le Petit journal. Supplément du dimanche, 13 août 1911, Gallica (bnf.fr).

   L’épisode caniculaire entre août et septembre 1911 prend la forme d’une crise sociale en France. 

 

   La démographe Catherine Rollet caractérise la canicule de 1911 par un épisode d’insolation et de sécheresse de juillet à septembre, avec une accalmie brève à la fin du mois d’août. Cette dernière est multifactorielle et traduit des faiblesses structurelles de la société ou de l’État. 

 

   Lors de cette canicule, si tout le monde est impacté par la chaleur, les décès sont ciblés. Les jeunes et les adultes d’âge moyen sont frappés par des malaises, des insolations et parfois des coliques mais ils œuvrent pour les éviter en s’hydratant régulièrement et en évitant la chaleur. Les seniors sont eux touchés par une surmortalité qui passe inaperçue car elle est mise sur le compte de leur santé fragile. Mais en France, le surplus de décès de 40 000 personnes concerne pour les trois quarts la petite enfance, autrement dit les enfants de moins de trois ans. Ainsi, la canicule de 1911 est surtout une crise de surmortalité infantile. 

 

   Les origines de la crise de surmortalité de 1911 doivent être rapportées à des causes structurelles. C’est en tous les cas ce que disent certains observateurs contemporains. Au sein de la première puissance démographique européenne qu’était la France, beaucoup sont adeptes d’un positivisme scientifique selon lequel le contexte social expliquerait davantage la mortalité que les causes dites premières ou naturelles. On admirait avec assurance un taux de mortalité infantile en nette chute depuis le début du XIXe siècle au rythme des progrès scientifiques et médico-sanitaires. Alors quand celui-ci remonte brutalement, la société s’émeut. En effet, le taux de surmortalité infantile s’élève alors à 115 pour 1000 en 1911 et se rapproche de celui du début du siècle, un terrible recul. Subséquemment, on accuse l’État de cette crise de surmortalité infantile, en pointant son inaction face à la misère sociale. D’après l’historien Patrick Zylberman, la mortalité de la canicule de 1911 n’explique d’ailleurs pas la surmortalité : « Elle est une cause, c’est certain, mais adjacente. La vraie raison de ce lourd bilan c’est surtout la misère. ». 

 

   Dans le cas des enfants de moins de trois ans, c’est par une épidémie de diarrhées et de gastro-entérites, bien souvent mortelle, que la maladie caniculaire se traduit. Mais ces pathologies sont aussi causées par la qualité du lait des biberons, une grande question des dernières décennies. Il est à cette date difficile d’obtenir du lait de qualité en raison d’une épidémie de fièvre aphteuse touchant les bovins. La canicule aggrave la situation, la forte chaleur fait croupir rapidement le produit. Or les enfants, n'étant pas encore en âge de s’exprimer ni de distinguer le bon du mauvais lait, ne sont pas en mesure de donner un signe d’alerte lors de l’ingestion. Les enfants nourris au biberon sont généralement ceux des ouvriers ou les enfants pupilles, qui sont davantage touchés que les autres. Ainsi, au sein même de la classe d’âge de la petite enfance, on constate des différences de taux de mortalité en fonction du niveau social. De manière générale, ce sont les plus démunis qui ont le plus été touchés par la crise. Dans les débats de l’époque, il est notamment question des logements précaires dans lesquels les déchets et les eaux ne sont pas traités ou le sont mal, cela favorisant la diffusion des maladies. Il est également question de décès brutaux à Paris, notamment en juillet lorsque certains quartiers se voient brusquement privés d’eau courante. Ainsi, durant cette crise, nous pouvons affirmer que ce sont bien les pauvres et leurs enfants qui sont les plus sujets à la surmortalité.

 

   L’État reconnaît finalement sa responsabilité : le Ministre de l’Intérieur Théodore Steeg admet que « si l’organisation sociale de la défense hygiénique des petits avait été à la hauteur du péril » les pertes humaines n’auraient pas été aussi conséquentes. Il invite à la diffusion de notices de précaution hygiéniques à destination des puériculteurs/trices et augmente leur budget. Le gouvernement français réagit comme s’il avait compris ces erreurs et voulait y remédier. Néanmoins, on peut remettre en cause son engagement quand on constate près d’un siècle plus tard, en 2003, qu’une canicule de la même ampleur entraîne encore une vague de 15 000 décès. Cela représente une surmortalité de 55% entre le 1er et le 20 août 2003, malgré des progrès scientifiques et sociaux importants et une prise de conscience ancienne du problème sanitaire du temps des canicules.

 

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Allaitement - Pédiatrie sociale - Encombrement



Camille Hoareau - Le Mans Université

Références : 

Catherine Rollet, « La canicule de 1911. Observations démographiques et médicales et réactions politiques », Annales de démographie historique, 2010, n° 120, p. 105-130.

Denis Hémon et Éric Jougla, « Surmortalité liée à la canicule d’août 2003 », Institut national de la santé et de la recherche médicale , rapport du ‎ 26 octobre 2004.

 

Pour citer cet article : Camille Hoareau, ”Canicule 1911", dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2022.



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