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Dictionnaire Politique d'Histoire de la Santé

Herboriste

De 1803 à 1941, l’herboriste était considéré comme un acteur de la santé par l’État français.Pharmacie Herboristerie du Père Blaize à Marseille vers 1920, photographie, auteur anonyme, archive privée.

   De 1803 à 1941, l’herboriste était considéré comme un acteur de la santé par l’État français.

 

   Avant le XXIe siècle, les pharmaciens n’étaient pas les seuls vendeurs et préparateurs de remèdes. Parmi les autres acteurs figuraient les herboristes, également appelés « celui qui connaît les simples », spécialistes des préparations à base de plantes aux propriétés médicinales.

   L’existence des herboristes remonte à l’Antiquité, parallèlement à l’usage des plantes médicinales par l’humanité. Ces derniers avaient la capacité de reconnaître les végétaux aux propriétés médicamenteuses dans leur environnement naturel, de les cueillir, de les transformer à des fins thérapeutiques, et de prodiguer des conseils à leurs clients. Le savoir de l’herboriste, transmis par tradition orale et fondé sur l'observation, peut être considéré comme une forme de médecine empirique et traditionnelle.

   À partir du XVIIIe siècle, le développement de la botanique permet à la médecine de fonder un savoir scientifique sur l’usage des plantes médicinales. Les professionnels de la santé souhaitent implanter cette connaissance dans les formations médicales existantes. Cependant, l’accès à ce savoir reste limité à une partie de la population : il était réservé à une catégorie sociale élevée, élitiste et masculine. Par conséquent, cette restriction remet en cause la pratique de la médecine traditionnelle au sein de la société. Les herboristes font l’objet de critiques par les médecins savants puisqu’ils ne disposent d’aucun cadre juridique qui légalise leur activité et d’aucune formation spécialisée. L'absence d’un règlement sur cette pratique inquiète la sphère médicale et politique. En effet, le risque de dérive est élevé à cause de leur proximité avec la population.

   Au XIXe siècle, l’herboriste devient une profession à part entière. La reconnaissance du métier d’herboriste par l’État français le 11 avril 1803, montre la volonté des pouvoirs publics de s’impliquer et d’assurer une politique de santé publique par la régularisation des professions dans le champ de la santé. Cette loi (21 germinal an XI) autorise juridiquement la délivrance des plantes médicinales et met en place un certificat d’herboriste (et non un diplôme) dans les académies et écoles de pharmacie. Cependant, elle ne précise pas les rapports qu'entretiennent les herboristes avec les autres professions et acteurs de la santé. Ceci les contraint à être relégués à une situation incertaine entre le commerce et le soin. Cependant, ce flou juridique leur permet de bâtir une pratique qui leur correspond : une activité à titre principal ou en complément d’une autre activité. En effet, le certificat ne demande pas de niveaux d’étude spécifique, contrairement à la formation de pharmacien. Le déroulement de l’examen consiste seulement à reconnaître une cinquantaine de plantes (fraîches ou sèches), mais ne comporte aucune question sur les propriétés médicinales et les conditions d’utilisation de celles-ci. Ce certificat devient un accès facile pour de nombreuses catégories sociales au savoir médical. 

   La profession d’herboriste est ainsi composée d’une pluralité d’acteurs : des individus venant de famille de médecins et de pharmaciens dans l’objectif de pérenniser l’entreprise familiale. Des personnes venant de milieux plus modestes qui cherchent à rentrer dans un domaine savant pour monter en rang social. Mais aussi, et particulièrement les femmes. En effet, ces dernières sont très nombreuses à exercer la profession d’herboriste. Cependant, l’obtention de ce certificat était souvent dans l’optique d’une complémentarité avec leur mari ou leur père (souvent pharmaciens) et ainsi pour leur permettre d'agencer la boutique d'herboristerie/pharmacie.  

   La société du XIXe siècle a ainsi développé une image ambivalente de ce métier. Elle perçoit les herboristes comme des personnes proches du peuple, car leurs tarifs sont moins chers que ceux des pharmaciens. Ceux-ci nourrissent l'imaginaire des populations qui les confondent parfois avec différente figures telles que celle du sorcier, de l’empoisonneur ou bien encore du guérisseur miraculeux. Nous pouvons faire référence au cas de l’herboriste nantaise Mme Maillard-Sérot qui est devenu typique de cette ambivalence des herboristes. 

   Cette arrivée de nouveaux acteurs dans le champ de la santé crée une relation de concurrence avec les pharmaciens sur le monopole pharmaceutique. Les pharmaciens dénoncent une politique déloyale à partir de 1870. L’émergence de l’industrie pharmaceutique, du médicament de synthèse et du rationalisme scientifique en médecine, explique le déclin de l'intérêt des plantes médicinales dans la société du XXe siècle. La loi du 11 octobre 1941, sous le régime de Vichy, concernant l’exercice de la pharmacie, supprime le certificat d’herboriste et déclare la profession comme illégale sur tout le territoire national. La vente des plantes à usage thérapeutique se retrouve confiée aux pharmaciens dans le cadre du monopole pharmaceutique.

 

Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Guérisseurs - Botanique médicale - Apothicaire 



Lucie Bachelot - Le Mans Université

Références

Émilie-Anne Pepy, « Les femmes et les plantes : accès négocié à la botanique savante et résistance des savoirs vernaculaires (France, XVIIIe siècle) », in Genre & Histoire, 2018 (disponible en ligne).

Ida Bost, « Des herboristes et des pharmaciens : autopsie d’une relation complexe (Paris, XIXe-début XXe siècle », in Histoire, médecine et santé, 2019 (disponible en ligne).


Pour citer cet article : Lucie Bachelot, « Herboriste », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024. 

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