Illustration de la jaquette de DVD de la série Cécilia, médecin de campagne, 1966.
Les premières séries médicales produites pour la télévision sont américaines. Deux raisons à cela. En premier lieu, les Etats-Unis sont le pays où les médias télévisuels se sont développés le plus rapidement après la Seconde Guerre mondiale. En second lieu, car les associations professionnelles médicales ont vu en ce média un moyen de diffuser une bonne image de la profession. De fait, les premières séries médicales telles Dr Kildare, Medic ou Ben Casey, ont pour héros des hommes parfaits, très charitables, portés par une moralité à toute épreuve. Au nom du respect d’un certain réalisme, l’American Medical Association (AMA) s’est attachée à contrôler les scénarios de ces séries afin de corriger l’image parfois négative des professionnels de santé. Une charte est notamment édictée visant au respect des normes morales. Dans les représentations des années 1950, on ne plaisante pas au détriment des patients et on ne s’assied pas sur le lit des patientes.
Depuis les années 1990, des figures beaucoup plus complexes sont apparues dans les séries médicales : Dr House, The Knick, H, Urgences, Grey’s Anatomy. On y croise notamment des médecins addicts dont les vies personnelles sont parfois très complexes. Mais entre le médecin parfait des années 1950 et le médecin compliqué des années 1990 existent d’autres figures significatives. Dr Quinn par exemple, ou bien encore les praticiens de Médecins de nuit (1978) dont les aventures permettent de comprendre les problématiques de la société des années 1970. Dans cette galerie de figures médicales, l'une d'entre elles reste méconnue, celle de la première série médicale française, Cécilia Médecin de campagne (1966).
Sur un scénario de Gérard Sire – co-auteur de films et d’émissions de radio de Jean Yanne - et avec une réalisation de André Michel (réalisateur de la célèbre émission Messieurs les jurés), la série compte une douzaine d’épisodes. On dispose de quelques informations sur les conditions de tournage de la série grâce aux archives de l’INA. La série campe une héroïne médecin mais ne parle pas uniquement de médecine, les épisodes étant même parfois le prétexte au développement d’une histoire anecdotique sur la région qui est l’objet du tournage. L’histoire se développe en effet à Lamalou, une région isolée et viticole entre Lodève et Béziers. Le propos paraît parfois convenu, c'est parce que, comme l'explique Myriam Tsikounas le scénario initial a été l'objet de censures importantes dès que les allusions étaient trop politiques.
Que raconte cette série ? Elle dit d’abord toute la difficulté d’installation d’une jeune médecin moderne dans un environnement rural marqué par la présence d’un tradi-praticien aux multiples talents : médecine des plantes, magnétisme. Le premier épisode retrace cette conquête par la médecine moderne des patients lentement convaincus face aux archaïsmes ruraux. La série dit aussi quelque chose de la polyvalence des médecins de campagne du XXe siècle, bien après la suppression des officiers de santé. Cécilia fait fonction de médecin légiste et de laborantine (épisode 6) et promeut une défense égalitariste du soin (dans l’épisode 3 c’est un italien sans papier qui bénéficie de ses soins). Dans cette mission de service public elle trouve des alliés locaux comme le curé (épisode 8) mais doit aussi affronter des adversaires : un guérisseur usant de remède à base de crapaud et de cendre (épisode 4).
Ce qui semble le plus important, c'est la présence d’une figure féminine au cœur de cette première série médicale française. Ainsi, L’épisode 9 montre l’influence de Cécilia sur une autre jeune femme qui veut devenir médecin. « Des milliers de jeunes filles, se sont identifiées à Cecilia Baudoin, première femme médecin du petit écran » explique Jacques Pessis. Faute d’études sur la réception de l'émission, il est difficile de dire l'influence du programme sur l’appétence des jeunes filles pour le cursus, mais assurément la série a eu une audience importante. La série ne comporte que 13 épisodes de 25 minutes. La mort soudaine de son actrice principale, Nicole Berger, en avril 1967, quelques mois après la fin du tournage, aura sans doute joué un rôle dans cet arrêt brusque d’une série populaire.
Prolonger la lecture sur le dictionnaire : Dr Quinn - Urgences - The Knick
Références :
Elisabeth Fauquet, « Les séries télévisées médicales étatsuniennes : évolutions, permanences et enjeux de l’« asymétrie réaliste » », in TV/Series, n°17, juin 2020, (disponible en ligne).
Myriam Tsikounas, « Cécilia, médecin de campagne... publicitaire », Sociétés & Représentations, 2016/1 (N° 41), p. 189-200, (en ligne)
Pour citer cet article : L3 Histoire (2023-2024), « Cécilia, médecin de campagne », dans Hervé Guillemain (dir.), DicoPolHiS, Le Mans Université, 2024.